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À l'autel du destin, oui pour un jour
À l'autel du destin, oui pour un jour
Penulis: Zuzu

Chapitre 1

Penulis: Zuzu
last update Terakhir Diperbarui: 2025-05-30 02:48:32

Le silence de la faim n’est pas un vrai silence. C’est un grondement sourd, continu, qui vibre dans la cage thoracique, remonte dans la gorge, étouffe les pensées. Un genre de bourdonnement cruel qui t’empêche même de dormir. Je suis allongée sur ce vieux matelas sans mousse, le dos en feu contre les ressorts rouillés. À côté de moi, Samira dort encore. Du moins, je crois. Elle bouge parfois, pousse de petits gémissements, serre les genoux contre son ventre vide. Même dans son sommeil, la faim la poursuit.

Il fait chaud. Une chaleur lourde, stagnante, qui colle à la peau. Il n’y a plus d’électricité depuis trois semaines. Plus d’eau courante non plus. La citerne est vide et les voisins ont changé leur cadenas. J’ai trop demandé. Trop de fois. Je me redresse lentement, les muscles engourdis. Ma tête tourne. Deux jours. Deux jours qu’on n’a rien avalé. Je n’ai plus de salive, plus d’énergie. Même penser me fatigue.

Je baisse les yeux vers Samira. Cinq ans. Elle a les cheveux emmêlés, le visage pâle, les lèvres craquelées. Ma petite sœur. Mon cœur. Mon fardeau sacré. Je me lève avec précaution, comme si chaque mouvement pouvait me faire tomber. Mes jambes flanchent, mais je me rattrape à la table bancale. Je cherche autour de moi quelque chose, n’importe quoi. Un vieux morceau de pain, un fruit oublié, un miracle. Mais il n’y a rien. Juste le vide. Le vide sur les étagères, le vide dans les placards, le vide dans mon ventre.

Je m’approche de l’armoire. Une chemise d’homme trop grande, un pantalon délavé, deux slips propres. C’est tout ce qu’il me reste. Dans la poche arrière du jean suspendu, je trouve une pièce. Deux cent cinquante francs. Pas de quoi acheter du pain. Peut-être une glace. Une seule. Un instant, une idée noire me traverse. Voler. Courir dans une boutique, saisir quelque chose et m’échapper. Mais non. Maman disait toujours : “On peut être pauvre, mais on n’est pas des voleurs.” Et Papa ajoutait : “Quand tu perds ta dignité, tu perds tout.”

Alors non. Je ne volerai pas. Pas encore. Pas aujourd’hui. Je retourne vers Samira. Elle a ouvert les yeux. Deux grands yeux bruns, voilés de fatigue, mais toujours pleins d’innocence. Elle me regarde sans parler. Puis, tout doucement, elle murmure :

— Naïla… j’ai mal au ventre…

Je m’agenouille à ses côtés, caresse ses cheveux emmêlés.

— Je sais, ma puce… moi aussi.

Elle me regarde, les yeux brillants.

— On peut sortir ? Juste un peu ?

Je la serre contre moi. Son corps est chaud, trop chaud. Peut-être qu’elle fait de la fièvre. Peut-être que je deviens parano. Ou folle. Je ne sais plus.

— Je sais que tu veux sortir, mais on va rester ici aujourd'hui. On peut jouer à un jeu, tu veux ? Je vais te raconter une histoire… une belle histoire d'un pays où les gens ne manquent jamais de rien. 

Elle me regarde, intriguée, l’éclat de l’innocence brillant encore dans ses yeux.

— Raconte-moi, Naïla. C'est comment, ce pays ?

Je m’allonge à côté d’elle, la prenant dans mes bras, et commence à inventer un monde où la faim n’existe pas. Où chaque jour est une aventure pleine de rires et de découvertes. Tandis que je lui parle, je sens son corps se détendre doucement, ses paupières se fermer lentement.

Pour un moment, elle oublie la faim, oubliant la douleur qui nous accompagne. Nous restons là, ensemble, enveloppées dans ce petit mensonge réconfortant, espérant que demain sera un jour meilleur.

Je m’apprête à lui glisser une histoire, une fable sortie de mon imagination — une princesse et un dragon au ventre vide comme elle — quand elle me regarde droit dans les yeux, les siens embués de larmes.

— Naïla… j’ai faim…

Sa voix est à peine un souffle, mais elle transperce tout. Je ferme les yeux. Mon estomac se tord, plus par douleur morale que physique. J’ai l’habitude, moi. Je sais serrer les dents. Mais elle, elle est trop petite. Trop fragile.

Je lui caresse doucement la joue. Elle est brûlante.

— Je sais, ma chérie… je sais…

Elle enfouit sa tête contre mon cou. Sa peau est moite. Son souffle tremble.

— S’il te plaît… on peut sortir ? Je veux voir le ciel. Juste le ciel s'il te plaît.

Le ciel. Je baisse les yeux sur elle. Toute maigre dans son t-shirt trop large. Elle ne demande ni pain, ni chocolat. Juste… le ciel. Un coin de liberté. Une illusion de grandeur. Peut-être une brise. Peut-être un nuage.

Je la berce un moment. Mon bras tremble sous son poids, mais je tiens bon. Je voudrais lui dire non. Trop de dangers dehors. Trop de monde. Trop de honte. Mais je vois ses yeux. Deux petites étoiles abîmées. Et je sens ce qu’elle ne dit pas : Je veux oublier que j’ai mal au ventre. Je veux respirer autre chose que la misère.

— D’accord, je murmure.

Son visage s’illumine. Juste un peu. Un sourire de survie.

Je l’aide à se lever. Ses jambes sont fines comme des branches. Elle chancelle. Je la tiens. On s’habille comme on peut. Deux ombres d’enfant déguisées en adultes.

Je referme doucement la porte derrière moi, comme si je craignais que la misère nous suive dehors.

Avant de quitter la pièce, je fais un dernier détour. Une routine que je connais trop bien. Une chasse au miracle.

Je fouille mes poches — vides. Je glisse la main dans le tiroir branlant de la vieille commode — rien qu’un bouton cassé et une ficelle. Je me penche vers le matelas, soulève le coin jauni. Une poussière s’envole. Mais sous le tissu, coincée contre le bois du sommier, une chose brille.

Je tends les doigts.

Une petite pièce. Froissée, sale, presque illisible. Mais elle est là. Mon trésor. Mon espoir.

Je la serre dans ma paume comme si c’était un bijou royal. Peut-être que ce sera assez. Peut-être pas. Mais je ferai semblant. Pour elle. Toujours pour elle.

Je me redresse, glisse la pièce dans ma poche et me retourne vers Samira. Elle m’observe, pleine d’attente. Les yeux encore humides, mais plus brillants.

Je prends une grande inspiration et souris, de ce sourire que j’ai appris à forcer sans qu’il se voie trop.

— Allez, viens. On sort. J’ai une surprise pour toi.

— Une surprise ?! s’écrie-t-elle, les yeux ronds.

Je hoche la tête.  

— Tu verras.  

Elle saute du lit, l’énergie d’un chiot retrouvé. Elle rit même, un peu. Mon cœur se serre. Elle ne sait pas que ce sourire me coûte cher. Que c’est peut-être la dernière pièce qu’on aura cette semaine. Qu’il n’y a plus rien à la maison. Plus rien nulle part.

Mais elle s’accroche à ma promesse. Et moi, je m’accroche à elle.

On descend les escaliers comme deux survivantes. Chaque marche grince sous nos pieds, amplifiant l’écho de notre précarité. Mais Samira ne s’en soucie pas. Elle tient ma main avec la confiance innocente de ceux qui croient encore en la magie du monde.

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