Sophia avait disparu des quartiers animés depuis cette fatidique confrontation familiale. C’était comme si elle s’était effacée de la surface visible de la ville, se réfugiant dans un modeste coin où personne ne viendrait la chercher. Elle avait trouvé du travail comme ménagère dans une petite entreprise de nettoyage. Chaque jour, elle affrontait les douleurs physiques et mentales qui accompagnaient sa grossesse, tout en portant le poids du rejet et des moqueries qui lui avaient été lancés.
Les mois passaient et sa condition devenait de plus en plus visible, mais Sophia, résiliente, continuait de travailler pour économiser le peu qu’elle gagnait. Elle savait qu’elle avait besoin de tout ce qu’elle pouvait rassembler avant l’arrivée de son enfant. Pourtant, malgré la dureté de ses journées, elle gardait dans son sac le pendentif en jade qu’elle avait trouvé après cette nuit mystérieuse. Il était devenu son seul symbole d’espoir, le seul lien ténu avec un homme dont elle ne pouvait se souvenir qu’à moitié.
Un matin de juin, alors qu’elle se dirigeait vers l’arrêt de bus pour se rendre à son travail, elle sentit une douleur vive dans le bas de son ventre. Elle posa instinctivement une main dessus, le souffle court. Le moment était proche ; elle le savait. Mais elle refusait de céder à la panique. Serrant les dents, elle continua de marcher, ses jambes lourdes et chaque pas une épreuve.
Elle avançait sur une voie peu fréquentée, bordée de vieux bâtiments et d’arbres aux branches étendues. Les rues semblaient vides, et le silence amplifiait l’écho de ses pas. Tout semblait irréel jusqu’à ce qu’un bruit de moteur la ramène brusquement à la réalité. Une voiture noire s’approchait lentement. Sophia, absorbée par ses propres douleurs, ne fit pas immédiatement attention. Mais en un instant, tout bascula.
La voiture accéléra soudainement et la heurta volontairement. Le choc fut brutal. Sophia tomba au sol, son corps percé de douleur, et son souffle se raccourcissait à mesure que ses pensées se mêlaient au chaos. Elle sentait le sang couler sur la route sous elle. Le conducteur ne s’arrêta pas, laissant Sophia seule sur la voie, sa vie pendante à un fil.
Allongée sur le sol, elle sentit la panique monter. Le moment de l’accouchement semblait s’approcher, mais elle n’avait pas la force de se relever. Autour d’elle, les rues étaient désertes, et aucun passant ne semblait venir à son secours. Les larmes coulaient sur ses joues alors qu’elle murmurait faiblement :
— Quelqu’un… aidez-moi…
Les minutes semblaient interminables jusqu’à ce qu’elle aperçoive une silhouette s’approchant rapidement. L’homme courait vers elle, ses traits exprimant une inquiétude sincère. Il s’agenouilla immédiatement à ses côtés, prenant son visage entre ses mains.
— Sophia ? C’est moi, Chris. Bon sang, qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Sophia releva difficilement les yeux vers lui, reconnaissant son ancien camarade. Chris, avec qui elle avait partagé des moments à l’université avant que leurs chemins ne se séparent, était là, bien réel, au milieu de cette rue solitaire. Ses yeux reflétaient une urgence et une chaleur qui tranchaient avec la froideur du monde autour d’eux.
— Chris… je… la voiture… aidez-moi… je vais… je vais accoucher…
Chris observa rapidement ses blessures et la détresse dans ses yeux avant de prendre une décision. Il retira sa veste et la posa sur le sol pour tenter de la stabiliser.
— Ne bouge pas, Sophia, je vais appeler une ambulance ! Reste avec moi.
Il sortit son téléphone, ses doigts tremblant légèrement.
— Oui, urgence. Une femme enceinte vient d’être percutée. Elle perd du sang et… oui, sur la voie près de Grand Oaks. Envoyez une ambulance, vite !
Il raccrocha et se retourna vers Sophia, lui parlant doucement pour la calmer.
— Je suis là maintenant, Sophia. Tout ira bien. On va te sortir de là. Tiens bon.
Les minutes suivantes furent marquées par l’inquiétude de Chris. Il cherchait à lui parler pour la maintenir consciente.
— Tu sais, je repensais à ces projets de groupe qu’on faisait à l’université. Tu étais toujours la plus organisée. Tu nous donnais tous des leçons sur comment rester concentrés. On était tous impressionnés, même si on ne le disait pas. Tu te souviens ?
Sophia, bien que faible, esquissa un sourire à travers ses douleurs.
— Oui, je m’en souviens… C’était… une autre époque.
Chris continua, maintenant une conversation légère pour occuper son esprit.
— Et cette fois où tu as corrigé le professeur ? On pensait que tu étais folle, mais tu avais raison ! Il n’a jamais oublié ton audace. On le voyait trembler chaque fois que tu posais une question en classe.
Sophia, bien que ses larmes coulaient encore, sentit une chaleur se répandre en elle. Chris était là, dans son moment le plus sombre, et ses paroles faisaient renaître une force qu’elle croyait perdue.
Quelques instants plus tard, l’ambulance arriva, ses sirènes brisant le silence de la rue. Les ambulanciers sortirent rapidement et se précipitèrent vers Sophia. Chris les aida à la placer sur le brancard, tout en leur expliquant ce qui s’était passé.
— Elle est enceinte et sur le point d’accoucher. La voiture l’a heurtée délibérément. Elle perdait du sang, mais elle a tenu bon jusqu’à ce que vous arriviez. Faites tout ce que vous pouvez pour la sauver.
L’un des ambulanciers hocha la tête.
— Ne vous inquiétez pas, Monsieur. Nous allons la conduire à l’hôpital immédiatement.
Chris monta dans l’ambulance avec elle, refusant de la laisser seule. Alors que le véhicule filait à travers les rues, il prit doucement la main de Sophia et lui murmura.
— Tu n’es pas seule, Sophia. Peu importe ce qui arrive, je serai là.
L’ambulance fila dans les rues, ses sirènes hurlantes résonnant comme un cri désespéré dans le silence de la ville. À l’intérieur, Sophia, bien que faible et douloureuse, serrait la main de Chris. Chaque contraction semblait briser son corps, mais elle s’accrochait, puisant sa force dans la voix rassurante de son ancien camarade.
— Respire, Sophia, respire. Regarde-moi, d’accord ? Je suis là. Tout ira bien, ils t’aideront.
Sophia, les sourcils froncés et les dents serrées, secoua doucement la tête.
— Chris… je ne sais pas si… je vais y arriver. Ils… ils sont trop…
Elle s’arrêta, une vague de douleur interrompant sa phrase.
Chris resserra sa main, parlant d’une voix douce mais ferme.
— Tu vas y arriver, Sophia. Je sais que c’est dur, mais tu es l’une des femmes les plus fortes que je connaisse. Et tu ne seras pas seule. Je ne te laisserai pas tomber.
Les mots de Chris traversaient le brouillard de douleur qui enveloppait Sophia. Elle releva les yeux vers lui, cherchant dans son regard la force qu’elle n’arrivait plus à trouver en elle-même.
— Merci, Chris… merci de ne pas m’avoir laissé là-bas.
Il hocha la tête, un sourire rassurant éclairant ses traits.
— Ne me remercie pas. C’est toi qui fais tout le travail. Je ne suis qu’un idiot chanceux qui était là au bon moment. Et maintenant, concentre-toi sur ta respiration. Une contraction après l’autre, d’accord ?
Les ambulanciers, bien que concentrés sur leur tâche, se tournèrent brièvement vers eux.
— Madame, tenez bon. Nous serons à l’hôpital dans quelques minutes. Mais il faut que vous continuiez à respirer comme ça. Vous êtes incroyable.
Sophia hocha la tête, essayant de suivre leurs instructions, bien que la douleur semblait insurmontable.
En arrivant à l’hôpital, les portes de l’ambulance s’ouvrirent brusquement, et Sophia fut transportée rapidement à l’intérieur. Chris courait à côté du brancard, posant une main rassurante sur son épaule. Les couloirs semblaient s’étirer à l’infini, des lumières blanches défilant au-dessus d’eux, alors que les infirmiers échangeaient des instructions précises.
— Préparez une salle d’accouchement d’urgence, elle est à terme et il y a des saignements importants.
Chris s’arrêta à la porte de la salle d’opération, son cœur battant à tout rompre. Il se tourna vers Sophia avant qu’ils ne la poussent plus loin.
— Je suis juste là, d’accord ? Je serai là quand tu sortiras. Tu n’es pas seule.
Sophia, malgré son épuisement, lui adressa un faible sourire avant que les portes ne se referment derrière elle.
Les minutes s’étiraient comme des heures pour Chris, qui attendait dans un coin de la salle d’attente. Il n’avait jamais été aussi nerveux de sa vie. Il se leva et commença à faire les cent pas, ses pensées s’alignant en un tourbillon de questions.
Une infirmière passa à côté de lui, et il l’intercepta.
— Excusez-moi ! Comment va-t-elle ? Comment va Sophia ?
L’infirmière, visiblement occupée, s’arrêta un instant.
— Les médecins font de leur mieux. Elle est forte, mais c’est une situation délicate. Soyez patient, je vous tiendrai informé.
Chris s’assit à nouveau, croisant les mains devant son visage dans une prière silencieuse. Bien qu’il ne soit pas particulièrement croyant, il murmura :
— S’il vous plaît, qu’elle s’en sorte… qu’ils s’en sortent.
Après ce qui sembla une éternité, une infirmière entra dans la salle d’attente, un sourire fatigué mais chaleureux sur les lèvres.
— Monsieur ? Vous êtes là pour Madame Carter ?
Chris bondit de sa chaise.
— Oui ! Comment va-t-elle ? Est-ce qu’elle… est-ce qu’ils vont bien ?
L’infirmière hocha la tête avec un sourire rassurant.
— Elle a été très courageuse. Elle a accouché de triplés : deux garçons et une fille. Tous les trois sont en bonne santé, mais nous les gardons en observation en néonatalogie, juste par précaution. Quant à elle, elle se repose. Vous pouvez aller la voir dans quelques minutes.
Chris sentit une vague de soulagement l’envahir, suivie d’une émotion qu’il ne s’attendait pas à ressentir. Il remercia l’infirmière d’une voix tremblante avant de s’asseoir à nouveau, passant ses mains dans ses cheveux, un sourire incrédule sur le visage.
Quelques minutes plus tard, il entra doucement dans la chambre où Sophia était allongée. Elle semblait si frêle sous les draps blancs, mais ses yeux, bien que fatigués, brillaient d’une lumière nouvelle. Chris s’approcha lentement, tirant une chaise pour s’asseoir à côté d’elle.
— Tu l’as fait, Sophia. Trois petits miracles. Je… je ne sais même pas quoi dire.
Sophia tourna la tête vers lui, un sourire faible mais sincère sur les lèvres.
— Trois. Je ne peux pas croire qu’ils soient là… et qu’ils soient en bonne santé.
Chris lui prit doucement la main, parlant d’une voix apaisante.
— Ils sont parfaits, Sophia. Et tu as été incroyable. Tout ce que tu as traversé… tu es la personne la plus forte que je connaisse.
Elle ferma les yeux un instant, se laissant emporter par ses émotions.
— Je… j’ai tellement peur, Chris. Comment vais-je m’occuper d’eux toute seule ? Je n’ai rien à leur offrir… juste moi. Ce n’est pas suffisant.
Chris secoua la tête, son ton devenant plus ferme.
— Tu n’es pas seule, Sophia. Écoute-moi. Peu importe ce qui s’est passé, peu importe les défis à venir, je serai là. Pour toi, pour eux. On trouvera une solution ensemble.
Elle ouvrit les yeux, ses larmes coulant doucement sur ses joues.
— Pourquoi fais-tu tout ça pour moi ? Après toutes ces années…
Chris haussa les épaules, un sourire triste sur son visage.
— Parce que tu comptes. Et parce qu’on ne laisse pas tomber les gens qui ont besoin de nous. Alors arrête de penser que tu es seule dans ce combat, parce que tu ne l’es pas.
Sophia serra sa main plus fort, cherchant dans ses paroles un refuge contre ses peurs. Au fond d’elle, elle savait qu’un nouveau chapitre de sa vie venait de commencer. Un chapitre où elle n’était pas seulement responsable de sa propre survie, mais aussi de celle de trois petites âmes qui dépendaient entièrement d’elle.
Sophia avait déjà enduré bien des épreuves depuis son arrivée chez Reeder Corp. Néanmoins, rien ne l’avait préparée à l’épreuve qui allait la mettre en face d’un dilemme qui dépasserait tout ce qu’elle avait imaginé. Un jour, alors qu’elle pensait pouvoir enfin prouver ses compétences par son travail, Clara – toujours implacable dans ses manigances – envoya une convocation inhabituelle. Selon le message, Sophia devait se rendre dans un bureau excentré, dans un quartier discret de la ville, pour rencontrer un certain Monsieur Girard. Le message précisait que la signature d’un contrat avec cet individu était indispensable pour finaliser un partenariat crucial pour Reeder Corp, condition sine qua non pour la pérennité du département de design auquel Sophia appartenait. Sinon, son emploi risquait d’être compromis.Sophia se sentit d’abord déconcertée et indignée : comment pouvait-on lui imposer une rencontre avec un homme dont la réputation laissait planer des non-dits douteux et, pour ne
Alexander Reed, PDG de Reeder Corp, avait toujours été un homme déterminé, guidé par ses propres principes. Mais il y avait une personne dans sa vie qui semblait capable de le faire vaciller : sa grand-mère, Margaret Reed. Femme d’une grande influence et d’un caractère bien trempé, Margaret avait toujours eu des idées bien arrêtées sur ce qui était bon pour sa famille, et surtout pour Alexander.Depuis quelque temps, Margaret s’était mise en tête qu’il était temps pour Alexander de se marier. Elle ne comprenait pas pourquoi son petit-fils, à la tête d’une entreprise florissante, n’avait pas encore trouvé une épouse. Et elle n’hésitait pas à lui rappeler son “manque de priorité” à chaque occasion.Un soir, Alexander était assis dans le salon familial, un verre de whisky à la main, profitant d’un rare moment de calme. Margaret entra dans la pièce, son regard déterminé et son pas assuré.— Alexander, nous devons parler, dit-elle en s’asseyant sur le fauteuil en face de lui.Alexander lev
Sophia avait espéré que son intégration au département de design de Reeder Corp marquerait un nouveau départ, une opportunité de prouver son talent et de construire un avenir meilleur pour ses enfants. Mais dès ses premiers jours, elle sentit une tension palpable autour d’elle. Clara, fidèle à son attitude hostile, semblait déterminée à lui rendre la vie impossible.Sophia remarqua rapidement que certains collègues la regardaient avec méfiance, chuchotant entre eux lorsqu’elle passait. Elle tenta de ne pas y prêter attention, mais les murmures devenaient de plus en plus fréquents. Un jour, alors qu’elle travaillait sur un projet, deux collègues, Lisa et Marc, discutaient à voix basse près de la machine à café.— Tu as entendu parler de la nouvelle ? demanda Lisa, jetant un regard furtif vers Sophia.— Oui, répondit Marc. Clara dit qu’elle a été recrutée uniquement parce que le PDG a insisté. Apparemment, elle n’a pas du tout le niveau.Lisa hocha la tête, son ton devenant plus critiqu
Sophia se tenait devant les grandes portes de la maison familiale, le cœur alourdi par un mélange de nostalgie et de nervosité. Ce lieu, autrefois rempli d’émotions contradictoires, représentait une partie de son passé qu’elle avait soigneusement évité pendant des années. Mais aujourd’hui, elle avait décidé d’y revenir, principalement pour ses enfants. Les triplés, curieux et insouciants, serraient ses mains alors qu’elle inspirait profondément avant de sonner à la porte.Lorsqu’Anna ouvrit, un sourire sarcastique illumina son visage. Ses yeux parcoururent rapidement Sophia et ses enfants, un mélange de surprise et de mépris dans le regard.— Eh bien, regarde qui est de retour, dit Anna d’une voix pleine de moquerie. La grande disparue. Franchement, je croyais que tu avais quitté ce monde pou
Alexander Reed, en tant que PDG de Reeder Corp, avait une aura naturelle d’autorité qui ne passait jamais inaperçue. Suite à sa rencontre fortuite avec Sophia et après avoir examiné ses croquis, une intuition lui disait qu’elle avait un talent qui méritait d’être exploré. Intrigué par ses dessins et par cette impression familière qu’elle lui avait laissée, il avait donné des instructions précises à son assistant Richard.— Assure-toi que cette fille soit recrutée, avait-il dit. Je veux que son dossier soit examiné par le service de design. Il y a quelque chose chez elle qui mérite notre attention.Richard, toujours efficace et méthodique, avait promis de veiller à ce que les choses soient faites selon les souhaits d’Alexander.Quelques jours plus tard, Alexander traversait les couloirs de l’entreprise, réfléchissant à un problème de partenariat stratégique tout en observant distraitement son environnement. Son regard s’arrêta soudain sur une poubelle ouverte près du service de design.
Sophia roulait à travers les rues animées de la ville sur son scooter, une pile de ses brouillons soigneusement attachée dans un sac à l’arrière. Ce jour-là, elle avait décidé de franchir un pas important : postuler pour un poste dans le service de design de la prestigieuse entreprise Reeder Corp. Les années passées à Milan avaient aiguisé son talent, et bien qu’elle soit nerveuse, elle savait que ce travail pourrait marquer un tournant pour elle et ses enfants.Le soleil était haut dans le ciel, aveuglant par moments, et l’agitation de la circulation rendait la conduite plus complexe que d’habitude. Concentrée sur ses pensées, Sophia n’entendit pas le bruit d’une voiture qui approchait à un croisement. En une fraction de seconde, tout bascula.Le scooter heurta l’aile d’une voiture noire brillante avec un bruit sourd, projetant Sophia légèrement sur le côté. Heureusement, elle ne subit qu’un choc mineur et se retrouva rapidement sur ses pieds. Mais son sac à brouillons, mal attaché,