All Chapters of SOMBRE TÉNÈBRE : Chapter 11 - Chapter 20

NAHIAJe n’ai pas dormi. Pas vraiment. J’ai fini par m’assoupir quelques minutes au petit matin, roulée en boule sur le tapis, le dos douloureux, les yeux brûlants. Le silence de l’appartement est devenu une prison, une cage où mes pensées tournent comme des fauves affamés. Et maintenant, alors que le jour s’étire sur le quartier, tout me semble encore plus terne, encore plus lourd.Je me traîne jusqu’à la cuisine. La cafetière est toujours là, ébréchée et usée, témoin de mes insomnies. Les tasses, fendillées par le temps, s’empilent dans l’évier qui sent le savon froid. Je prépare du café sans y penser, le geste mécanique, presque désespéré. J’avale une gorgée. L’amertume m’arrache un frisson. Amère. Comme moi.Je m’accoude au plan de travail, les yeux fixés sur le carreau fendu de la fenêtre. Dehors, le quartier se réveille à peine. Des volets grincent. Un scooter pétarade au coin de la rue. Sur un balcon, une vieille femme secoue un drap qui se met à voler comme un drapeau défraîch

SALVATORENew York pue l’arrogance.Les buildings se dressent comme des géants orgueilleux persuadés de leur éternité, mais même la pierre s’effrite.Moi, je ne m’effrite pas. Je consume.Les rues ici brillent d’un éclat faux, clinquant. Les gens s’y bousculent en rêvant de grandeur, mais leur sang est le même. Rouge. Chaud. Et toujours prêt à couler.Je préfère Rome. Elle ne ment pas. Elle saigne à ciel ouvert, et c’est là que j’ai bâti mon empire.Mais parfois, même un roi doit traverser les mers pour rappeler aux autres qui tient la couronne.Je suis venu pour affaires , j'ai déjà eu trois réunions , deux avertissements , un cadavre.Et maintenant… elle.Je n’avais pas prévu Nahia.Mais elle s’est offerte, d’un regard, d’un souffle tremblé. Et moi, je ne refuse jamais ce qui s’offre.Elle était différente. Pas parce qu’elle était forte elle ne l’est pas. Mais parce qu’elle résiste même quand elle tremble. Parce qu’elle crache même quand elle gémit.Je suis seul dans ma suite, au so

NahiaJe n’ai pas vraiment dormi.Juste somnolé entre deux sursauts, deux bribes de cauchemars sans visage, où des mains invisibles m’entraînaient sous l’eau, m’enfermaient dans des draps de velours noir.Je me réveille en sursaut avec la sensation d’étouffer. La gorge sèche. Les tempes douloureuses.Camila s’étire à côté, les cheveux en bataille, encore ensommeillée. Elle baille sans retenue et m’adresse un sourire flou.— J’ai rêvé qu’on bouffait des churros sur une plage en Espagne… et toi ?Je ne réponds pas.J’esquisse un sourire sans dents et me lève pour filer sous la douche. L’eau chaude me coule sur la peau, mais ne lave rien. Ni la peur, ni la nuit.Elle ne lave pas non plus la honte, ni ce goût amer dans ma bouche. Ce goût de trahison. Pas envers lui. Envers moi.Et envers elle.Je m’appuie contre le carrelage, le front collé à la paroi froide.Je voudrais remonter le temps. Revenir avant cette soirée, avant cet échange, avant cet appel.Mais il est trop tard.J’ai dit oui.

NahiaJe franchis le seuil sans même le décider, comme si mon corps s’arrachait à ma volonté, poussé par une force plus ancienne que la peur, plus souterraine que le désir, une pulsion nue, primitive, animale, docile, quelque chose de moi qui ne m’appartient plus tout à fait, quelque chose de silencieux et de profond qui me guide malgré moi, vers ce lieu où je sais que tout va basculer.Derrière moi, la grille claque, métallique, sèche, et ce bruit se répand dans ma chair comme une fracture, comme une sentence, comme si le monde, dehors, s’était effondré en un seul coup de verrou, m’abandonnant dans un entre-deux clos, inaltérable, où l’air lui-même pèse plus lourd.Le couloir qui me fait face est d’une blancheur irréelle, vide, trop net, sans la moindre odeur, sans écho, comme un boyau clinique, stérile, suspendu hors du temps, un tunnel de silence qui avale mes pas et me recrache goutte à goutte, plus nue à chaque avancée.Je marche lentement, mes pieds à peine posés, mais tout semb

NahiaJ’aurais dû hurler.J’aurais dû hurler, lui cracher ma rage, faire trembler les murs, j’aurais dû tout renverser, lui dire que non, que ce n’est pas possible, que je n’accepte pas, que je ne veux pas, que je n’obéirai pas. J’aurais dû hurler jusqu’à ce qu’il m’écoute, jusqu’à ce qu’il recule, jusqu’à ce qu’il comprenne que ce qu’il me prend, ce n’est pas une heure, ce n’est pas un caprice, c’est le seul fil qui me relie encore à quelque chose d’humain.Il ne comprend pas.Ou alors il comprend trop bien.Il s’est contenté de me regarder, comme s’il savait d’avance que je n’allais rien dire, que je me contenterais de ravaler mes mots, d’avaler ma peine, d’enfouir ma révolte sous ses caresses bien placées, sous ses ordres murmures, sous sa manière de me défaire sans bruit. Il savait. Il me connaît trop. Il a lu en moi ce que je n’ai pas osé crier.Mais je l’ai senti, au fond, la bête, la bête en moi qui griffe, qui tape, qui cogne, j’ai senti la colère qui monte, le cri qui ne sor