ElenaOn a mis le feu cette nuit. C’est nous, la tempête. Le chaos. La rage qu’ils n’ont pas su contenir.Ils ont cru que les enfants n’avaient pas de voix.Ils ont oublié que certaines grandissent.Et certaines se souviennent.Maintenant, ils vont apprendre.Quand on vole une vie, on finit par perdre la sienne.Et ce n’est que le début.Nom par nom.Un à un.Ils vont tomber.Et cette fois, ce ne sera pas rapide.Ce sera personnel.Ce sera inoubliable.Le silence est un piège. Il s’étire, pesant, lourd de menace, jusqu’à devenir presque tangible. La cabane semble suspendue dans le temps, isolée au milieu de ces bois impitoyables. Chaque bruissement, chaque craquement, chaque souffle du vent devient un battement de cœur.Je reste collée à l’écran, mes doigts glissent sur le clavier avec une froide précision. Les noms s’enchaînent, les visages défilent, gravés dans des images, des vidéos, des enregistrements. Leurs mensonges me sautent au visage, comme des gifles. Leur arrogance me fait
ElenaLe van fend la nuit comme un animal blessé, hurlant son agonie dans chaque virage serré, chaque coup d’accélérateur. Les phares tracent des griffures lumineuses sur les arbres déformés par la vitesse. La route ne mène nulle part, et pourtant je sais exactement où elle nous conduit.Je serre toujours sa main. Elle ne lâche pas. Ses doigts minuscules sont glacés, mais vivants. Elle ne cligne pas. Elle ne parle pas.Mais elle respire.Et c’est tout ce qui compte.Dante s’agrippe à son épaule ensanglantée. Il a calé un chiffon contre la plaie mais ne gémit pas. Sa douleur, il la range derrière une grimace contenue. Il sait que ce n’est pas le moment. Ismael, lui, est figé. Le visage de pierre, le regard d’un homme qui a vu trop de choses, trop de fois. Il conduit comme on enterre quelqu’un : avec un silence de mort.Moi, je regarde devant.Je ne parle pas.Je ne cille pas.Je planifie.Parce qu’on ne s’en sortira pas juste en fuyant. On ne sauve personne en courant. Cette guerre ne
ElenaLa villa réapparaît sur l’écran.Vue satellite. Vue thermique. Schémas, calques, rotations. On analyse. On démonte. On reconstruit.Je fais glisser les couches numériques sur l’interface holographique. Chaque angle mort devient une opportunité. Chaque caméra un piège à éviter.— Entrée par le flanc nord, dit Ismael. Moins gardée. Moins surveillée.Je hoche la tête. Je zoome. J’identifie les lignes de fuite, les interférences possibles. Le système de sécurité est plus dense qu’avant. Il a appris, lui aussi.— Et la gamine ? demande Dante.— Niveau -1, dis-je. Secteur B. Chambre 7. Sécurité renforcée, double verrou magnétique, scan rétinien. On n’aura qu’un essai.Je ferme le dossier.On n’a plus besoin de regarder. On sait.On est prêts.Et cette fois, il ne s’agit pas de survivre.Il s’agit de détruire.IsmaelLe van s’arrête dans un bruit sourd. Les phares s’éteignent, la forêt nous engloutit.La nuit est noire, opaque. Parfaite.On sort, un à un. Silencieux. Vêtus de noir, vis
ElenaIls m’écoutent.Je vois dans leurs yeux qu’ils comprennent que quelque chose a basculé.Je ne leur donne pas d’ordre. Je ne leur demande pas leur avis non plus.Je leur montre. Ligne par ligne. Point par point.Ils lisent entre mes silences. Dans mes gestes. Dans la tension de mes doigts.Ismael hoche la tête. Dante serre la mâchoire.Ce n’est plus une mission.C’est une guerre discrète, souterraine. Et chaque visage qu’on a vu ce soir-là est une cible potentielle. Ou une bombe à retardement.Je n’ai plus peur. C’est ça, le plus effrayant.J’ai dépassé le stade de la peur. Je suis entrée dans autre chose. Une zone vide, où seules comptent les conséquences.— On va devoir retourner là-bas, dit Ismael.Je réponds sans lever les yeux :— Oui. Et pas comme des ombres cette fois.Je les sens hésiter. Pas sur le fond. Mais sur ce que ça implique. La suite.Et je comprends.Moi aussi, j’ai le vertige.Mais je ne reculerai pas.Pas après ce que j’ai vu.Pas après ce que j’ai laissé derr
ElenaJe me démaquille lentement, le soir.Mais il reste toujours quelque chose.Ce masque-là ne s’efface pas. Il s’imprime. Il contamine.J’ai les joues nues, les lèvres pâles. Mais je sens encore le poison de cette soirée couler dans mes veines.Je m’assois sur le lit, le carnet ouvert devant moi.Je dessine un plan. Celui de la villa. Je note les horaires. Les entrées. Les failles. Les visages. Les itinéraires possibles. Les caméras. Les angles morts.Je prépare la suite.Car ce soir, j’ai vu sa faiblesse.Et j’ai aussi vu ce que je suis devenue.Pas une survivante.Une louve.Et cette fois, je ne frapperai pas seule.Je n’arrive pas à dormir.Je reste allongée dans l’obscurité, les yeux grands ouverts, les mains croisées sur le ventre comme si j’essayais de retenir quelque chose en moi.Mais c’est trop tard.Quelque chose a craqué ce soir.Pas pendant l’infiltration. Pas devant Crivelli. Non. Ça, je l’avais préparé. Je savais comment me tenir. Comment parler. Comment respirer.Ce
ElenaIl y a quelque chose d’indécent à se regarder dans un miroir quand on prépare une mascarade.Comme si l’image qu’on contemple n’était plus soi, mais une ombre qu’on sculpte à coups de poudre, de tissu et de silence.Je suis devant celui de la salle de bain depuis plus d’une heure, à essayer différentes coiffures, vêtements, postures. Pas pour séduire. Pour disparaître. Pour devenir autre.Je cherche l’équilibre fragile entre élégance et effacement, ce point exact où l’on attire l’attention sans éveiller la méfiance.J’ai choisi une robe noire, sobre, fluide, avec un dos nu discret. Pas trop voyante. Pas trop sage non plus. Une robe qui glisse sur moi comme un mensonge bien répété.Je remonte mes cheveux en un chignon lâche, volontairement imparfait, pour laisser croire à une nonchalance étudiée. Mes lèvres sont d’un rouge presque brun, sec, comme un avertissement. Mon regard s’est durci. Il ne tremble plus.Dante frappe à la porte.— Ça va ?Je ne réponds pas tout de suite. Je m