AYAIl ne dit rien.Pas un mot.Pas une question.Pas un reproche.Et pourtant, tout est là, entre nous, dans la manière dont il me regarde, dans la façon dont ses doigts effleurent ma main posée entre nous, dans ce silence qui n’est plus vide, mais rempli d’une tension sourde, brûlante, une tension qui parle pour lui, pour moi, pour tout ce qu’on n’a pas su se dire.Il me touche enfin, du bout des doigts, d’abord timidement, comme s’il avait peur de me briser, comme s’il testait ma peau, comme s’il vérifiait que j’étais bien là, devant lui, réelle, vivante, à lui et je sens une onde monter en moi, douce, chaude, lente, qui me noue la gorge et me fait trembler tout entière.Il caresse ma joue du revers de la main, ses yeux dans les miens, et je lis dans ce regard une peur ancienne mêlée d’une tendresse violente, comme une promesse muette qu’il n’ose pas prononcer mais que son corps crie, hurle presque.Et moi, je ne recule pas.Je n’ai plus envie de fuir.Je suis là, face à lui, et je
AYALa nourriture a refroidi, mais je continue de manger, lentement, en silence, sans vraiment sentir les goûts, juste pour m’occuper les mains, garder la bouche pleine, empêcher les mots de sortir trop tôt.Il ne dit rien non plus, mais je le sens tendu, fragile, presque à bout, comme s’il luttait pour ne pas trop en dire, ou pour ne pas pleurer.Quand les assiettes sont vides, il se lève, sans un mot, débarrasse la table avec une lenteur respectueuse, presque maladroite, comme s’il voulait me prouver quelque chose, ou simplement ne pas briser cette forme étrange de paix entre nous.Puis il revient vers moi.— Viens.Sa voix est douce, un murmure. Pas un ordre. Pas une demande non plus. Une invitation.Je le suis sans parler.La chambre est vaste, sobre, baignée de cette lumière chaude qui ne fait pas mal aux yeux. Un grand divan se trouve contre le mur, en retrait du lit, presque caché derrière une bibliothèque basse. Il s’y installe et me désigne la place à côté de lui.Je m’assois
AYAIl ne parle pas.Il me regarde à peine, juste assez pour que je sache qu’il est réel, qu’il m’a vue, qu’il ne rêve pas, mais ses mains tremblent un peu quand il ouvre la portière, comme s’il craignait que je disparaisse si le geste est trop brusque, trop pressé, trop sûr de lui.Je monte, sans mot, sans regard, je m’assois sur le siège passager, je rabats mes bras contre moi, je m’attache lentement, et déjà il est au volant, déjà il démarre, le moteur ronronne bas, presque respectueux, presque triste lui aussi.Il ne me demande rien. Il ne commente pas.La route est longue et droite, les lampadaires défilent sur les vitres comme des battements de cils, le monde continue dehors, mais ici, dans l’habitacle, le temps est suspendu, fragile, comme si le moindre mot pouvait tout briser, comme si le silence était tout ce qu’il nous restait.J’entends sa respiration plus que je ne le regarde. Elle est irrégulière. Lourde. Il retient quelque chose, lui aussi. Peut-être ses larmes. Peut-êtr
AyaJe n’ai pas dormi.Je ne dors plus depuis des jours. Mes nuits sont peuplées d’attentes vides, d’angoisses sourdes, de souvenirs flous. Je reste allongée, les yeux grands ouverts dans l’obscurité, à écouter le silence. Le moindre bruit me fait sursauter, comme si ma vie était sur le point d’éclater à chaque seconde.Et puis, ce soir, je l’ai senti. Avant même de l’entendre, je l’ai senti.Le moteur de sa voiture. Sa présence. Comme un frisson dans l’air.Salvatore.Il est là.Je me lève, lentement. Mes jambes tremblent. Mon cœur cogne dans ma poitrine. J’avance jusqu’à la fenêtre et j’entrevois sa silhouette. Droite. Seule. Il est là, devant l’immeuble. Il regarde la porte comme s’il espérait qu’elle s’ouvre toute seule, comme si le simple fait d’être là suffisait.Il frappe. Une fois. Deux fois. Avec hésitation.— Aya… c’est moi. Ouvre, s’il te plaît.Je ne bouge pas. Je n’ose même pas respirer.— Je veux te parler… juste parler. Je t’en supplie.Sa voix me brise. Cette voix que
AyaJe suis assise sur le canapé, le regard perdu au plafond, mais mes mains tremblent alors que je serre la tasse de thé que ma meilleure amie m’a apportée. Sa présence est un refuge, un ancrage fragile dans ce chaos intérieur qui ne veut pas se taire. Je respire lentement, les yeux embués, la gorge nouée, prête à laisser tomber les murs que j’ai construits autour de moi depuis si longtemps.Je ne peux plus cacher ce poids, cette douleur qui me ronge. Alors, je parle. Je raconte tout. Chaque détail, chaque blessure invisible. Les mots sortent en haletant, parfois cassés, parfois rageurs, parfois doux, comme pour apaiser ce feu intérieur.— Tu sais, je l’aime toujours, dis-je à voix basse, presque un murmure, comme si j’avais peur de briser ce fragile fil qui me rattache encore à lui. Salvatore… je l’aime. Même s’il m’a fait mal, même s’il m’a menti. Je l’aime, à en crever.Je détourne le regard, mes yeux cherchent le sien, espérant y trouver un peu de compréhension, un peu de pardon.
AyaJe suis restée là trop longtemps, figée, seule, collée au banc comme un vieux chewing-gum sous une table d’école, et la pluie a tout lavé sauf ce qui hurle dedans, mes bras sont glacés, ma nuque raidie, mes reins douloureux, j’ai l’impression d’être une vieille porte humide qui ne ferme plus, qui tremble à chaque rafale, je n’ai plus de force, plus de raison de me lever, j’attends, je m’enfonce dans cette nuit grise comme un noyé dans la vase, je me laisse couler dans cette fatigue qui ne dort pas, cette lassitude ancienne, ce regret poisseux qui colle à la peau comme une couche de suieEt je sais qu’elle va venir, je le sais d’un savoir sans logique, comme on sait qu’un éclair vient après le grondement, comme on sent l’orage dans la gorge, Lucia, elle, ma Lucia, même si je l’ai perdue, même si je ne mérite plus rien d’elle, même si mes mots ont creusé trop de fossés, trop de nuits vides, trop de silences qu’aucun amour ne peut boucherEt quand je la vois apparaître, au bout de la