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Chapitre 2

AFFAIRES À RÉGLER

Je lève les yeux au ciel puis je le regarde.

— Tu fais vraiment pitié ! T’as vingt-et-un an et t’agis comme un enfant, évolue un peu, dis-je.

— La vérité sort de la bouche des enfants alors, rétorqua-t-il fièrement.

— Ouais ferme ta gueule un...

Il se lève d'une vitesse incroyable et me plaque brusquement contre les boîtes aux lettres. Je sens son souffle rapide sur mon visage. Il émanait une bonne odeur et sans rien dire, il me serre de plus en plus fort.

— Arrête de me prendre pour ton petit, j'vais pas rire avec toi, ordonna-t-il d’un ton dangereusement calme.

— Vas-y lâ...lâche moi, geignis-je.

La gorge serrée et écrasée, les mots ont du mal à sortir.

— Écoutes-moi bien sale pute que t’es...

— Je m’en…fou de ce...que tu me dis lâche moi, l’interrompis-je.

— Je te lâche pas, tu vas faire quoi ?

— Mais lâches-moi ! T'ES SÉRIEUX ? m’énervais-je.

— EH ! EH ! Cris pas sur moi hein ?!! Cris pas sur moi !! tonna-t-il en me plaquant encore plus fermement.

— C’est…bon.

— Vas-y barre ta gueule de là !

Il me pousse fortement et s'en va. Les nerfs tendus, je monte chez moi, j’avais vraiment trop le seum*. Ce mec était hyperviolent et ne connaissait que la haine et la brutalité.

Seum* : "Avoir le seum/ avoir le mort" signifie être dégouté, énervé, en colère ou même blasé.

Il est dix-huit heures, Abdou rentre, avec le nez ensanglanté, mais qu'a-t-il fait encore ? Mon grand frère le questionne alors, il répond qu’il s’est battu avec un autre garçon. Je me rends exaspérée dans ma chambre et juste après, on m'interpelle du salon, j’y retourne alors.

— C'est toi qu'a fait à manger ? questionna Abdou.

— Oui, qui d'autre à part maman et moi ? interrogeai-je.

— Vas-y la ferme toi ! exclama Adama, y'a pas que toi qui sais faire à manger ici !

— Qui d’autre alors ? demanda Abdou.

— Bah moi, répondit-il comme d’une évidence.

— T'es le genre de gars, quand tu fais bouillir de l'eau, tu la crame, s’esclaffa Abdou dans la cuisine.

J'étais morte de rire, Adama faisait une tête trop drôle ! Juste la prendre en photo et la coller dans toutes les pièces pour la voir chaque matin, me rendrais heureuse. Abdou riait aux éclats jusqu'à qu'Adama se lève et entre dans la cuisine.

— AÏE ! AÏE ! AÏE ! AÏE ! PARDON ! C'EST BON, JE RIGOLAIS WESH ! T'ES SÉRIEUX T’AS LE SEUM POUR ÇA ?! cria mon petit frère.

Je ne préférerais pas être dans la cuisine. J'adore cette ambiance chez moi, dommage que ça ne soit pas tous les jours. Au même moment ça sonne à la porte, ma petite sœur va ouvrir, c’est Nassim. Adama devait lui donner quelque chose. Il s’assied et entame une discussion avec mon grand frère :

— Ousmane il sort dans une semaine, annonça Nassim.

— Ouais je sais, j’espère ça va aller tranquille pour Idrissa, répliqua Adama.

— Il a toujours la haine ?

— Ouais.

Ousmane est le grand frère à Idrissa, il a vingt-quatre ans. Il est actuellement incarcéré dans la maison d’arrêt de Fleury-Merogis. Il y a six ans, il a été arrêté pour vol à main armée d’une boutique de luxe, avec Siaka le grand frère à Souley, âgé de vingt-cinq ans et Mohamed, celui de Fathim, âgé de vingt-quatre ans. Ils se sont apparemment fait attraper dans la boutique, parce qu’ils n’ont pas pu en sortir quand des portes de sécurité se sont refermées sur les malheureux. Il y avait une autre personne avec eux, mais elle s’est échappée et ils n’ont jamais voulu dire son prénom, d’après la police. Dans Preetwood, tout le monde reste dans le flou à propos de cette affaire. Je vous rapporte seulement un bref résumé que Fathim et Souley m’ont rapporté, car moi non plus je n’en sais pas plus et je n’ai jamais voulue demander aux parents ou aux frères d’Ousmane.

L’autre partie, c’est que ces trois individus plaident leur innocence et ça depuis le début. Leur version des faits est la même : « On n’a pas volé, on ne voulait pas le faire, on nous a donné des sacs et demandé d’entrer dans la boutique. L’alarme s’est déclenchée et on est resté coincés. ».

Problèmes ! Les sacs contenaient des produits de l’établissement, des cagoules et des armes avec leurs empreintes. Les mémoires des caméras ont toutes été effacées, donc aucune preuve de ce qu’ils avancent. Quand on leur sollicitait de donner le prénom de la personne qui leur avait demandée de faire tout ça, ils disaient qu’il se nommait Graham. Les enquêteurs croyaient alors qu’ils donnaient ce « pseudo », car ils ne voulaient pas dénoncer la personne.

Il faut savoir qu’à cette époque-là, ils avaient dix-huit ans, ils étaient donc majeurs, l’établissement avait porté plainte, beaucoup de preuves étaient contre eux et cela a joué sur leur sentence. Ousmane et Mohamed ont écopés d’une réclusion criminelle de six ans de prison et quarante-cinq mille euros d’amende. Pour Siaka, lui qui avait dix-neuf ans, a écopé de sept ans de prison et quarante-cinq mille euros d’amende.

Au niveau des points de vue : Fathim ne croit pas son grand frère Mohamed, elle est sûre qu’il a volé et qu’il nie car il a peur de la prison, qu’il n’a pas le courage et la patience d’encourir cette peine.

Souley pense que Siaka n’est pas coupable. Pour lui, ces trois hommes se sont fait berner par un malin, puis ils ont pris toute cette merde dans la gueule. Un de ses arguments : « Quand on cherche le plus gros menteur sur internet, y’a Graham qui sort. Ce Graham, il l’a fait exprès pour les narguer. ».

Pour Idrissa, ce que m’a rapporté mon frère, c’est qu’il est dans le doute. Il a confiance en son aîné et pense qu’il n’aurait jamais fait ça, déjà parce qu’il était dans une bonne situation financière, mais surtout par rapport à sa mère qu’il aime tellement. Cependant, il pense qu’il ne le connait pas autant non plus et qu’il serait sûrement capable de faire ça. Il est alors en colère contre Ousmane pour avoir fait pleurer sa mère et ne pas avoir été « fort ». De ce fait, Idrissa n’est jamais allé lui rendre visite en prison.

Nous continuons le dialogue, puis Nassim rentre chez lui. Nous sommes au salon avec mes frères et ma sœur quand Adama reçoit un appel, il y répond et j’aperçois qu'il fronce les sourcils. Il me regarde, puis se rend dans sa chambre afin de continuer sa discussion. J'aide Awa à faire ses devoirs et Adama sort dehors en prévenant ma mère. Il est presque vingt heures maintenant, mon père rentre de la mosquée et je cause avec Abla au téléphone vu que Fathim ne répondait pas à mes appels.

Mon frère rentre postérieurement, l’air très tendu et je sais quand mon frère est énervé. Il a les sourcils plissés et il est très pensif. Je ne sais pas comment vous l’expliquer, c’est une manie chez lui. Je ne savais pas en revanche quel était le problème, donc je ne me pose pas plus de question.

Juste après, il m'interpelle, je le rejoins dans sa chambre.

— Oui ?

Il ne me répond pas, je m’approche alors de lui.

— Adama ?

— J’ai besoin que tu me couvres cette nuit, dit-il d’un air préoccupé.

— Pourquoi ?

— J’ai des affaires à régler.

— Quelles affaires ? questionnai-je.

— Des affaires Amy c’est tout.

— D’accord.

Je savais que ceci avait un rapport avec son appel qu'il avait reçu tout à l'heure. De qui ? Pourquoi ? Quelles affaires ? Je n'en savais rien pour l'instant mais j'allais en découdre. Détective Amy, c'est bien moi. J'appelle Souley, mon intuition me dit de l'appeler, même s’il ne me dira rien je le connais, je sais que quand il ment, il a une réponse organisée mais il y a un détail qui fait qu'il ment, ça non plus, je ne saurais vous l’expliquer, c’est une manie chez lui aussi. Il décroche le téléphone quelques secondes après.

— Ouais allô La capricieuse ?!

— Je ne suis pas capricieuse donc ta gueule ! répondis-je

— T’es morte ! Qu’est-ce que tu m’veux ?

— Je veux savoir ce que tu fais ce soir ?

— Rien, on traîne juste en bas comme d’habitude.

Voyez-vous ces : « on » ; « juste » ; « comme d’habitude » ? C’est grâce à ça que je perçois qu’il ment. Le « on », alors que je lui demande ce qu’il fait, lui seulement. Ensuite, ce « juste » comme s’il voulait cacher quelque chose et déculpabiliser cette chose. Enfin, « comme d’habitude » pour me faire croire qu’il ne change pas de d’habitude. C’est officiel ! Il me ment. Je lui demande s’il me ment et il me répond que non. Il ne crachera pas le morceau, je le savais. Nous raccrochons, puis j’appelle Nassim avec qui j’espérais avoir des réponses. Il répond.

— Allô ?

— Oui c’est moi. Nassim ?

— Ouais ?

— Ce soir, tu fais quoi ?

— Je traîne en bas comme tous les soirs.

— C'est vrai ?

— Tu l'sais c'est ça ? interrogea-t-il dans un soupir.

— Oui.

— Ouais vas-y, rien d’ouf on va juste régler une petite affaire.

— Hum...je vois.

— Amy, si tu tentes quelque chose, j'te démonte.

— Mais non ! Tu m'connais !

— Oui c'est bien ça le soucis, j'te connais. Non mais sérieux Amy, si on me dit que genre t'y es allé ou heja *autre*. Tu sais très bien comment je vais réagir, alors tentes pas.

— Oui bah fais attention alors parce qu’on sait comment se déroulent vos petites affaires, murmurai-je.

— T'inquiète ! conclu-t-il.

Ma décision est prise ! J'ai décidé de suivre mon frère. Sachez-le chers lecteurs, je suis folle. Je n'écoute jamais ce qu'on me dit et n'en fait qu'à ma tête. J'appelle les filles pour leur expliquer un peu ce que je comptais faire, Abla qui n'était pas d'accord au début, essaya de m’en dissuader. Mais quand j'ai une idée folle derrière la tête, on ne peut me l'enlever. C'est une idée absurde et je prends un très grand risque, mais j’adore le risque !

Une heure après, Adama sort. Il est exactement vingt-trois heures quand j'envoie un message aux filles afin qu'elles sortent de chez elles. L’opération allait débuter. Je me rends au salon, il n'y a qu'Abdou et Awa. Mes parents dormaient, je préviens alors Abdou pour qu'il nous couvre. Je descends discrètement, tous les mecs de Preetwood étaient présents. Présents pourquoi ? Était-ce grave ? Je vais jusqu'à l’immeuble de Fathim, je l’aperçois et la rejoins. Abla survient quelques secondes après. Je regarde Fathim, celle-ci était couverte de pansements et avait du mal à marcher.

— Ô mais qu'est ce qui t'es arrivée toi ? m’écriai-je.

— C'est Sofiane, répondit Fathim.

— Sofiane ? Ton ex ? Mais, il t'a franchement amoché là ! s’exclama Abla.

— Oui c'est moche j'vous expliquerais, dit Fathim.

— Il ne fallait pas venir, repris-je, regarde t'as du mal à marcher meuf.

— C'est bon ça va, acheva-t-elle.

À la suite les gars s'en vont, on les suit et on arrive dans la cité voisine qui se nomme Jisburgh. On se cache chacune derrière une voiture, en se faisant des signes telles des espionnes. Soudain !

— Mais, putain ! Tu fou quoi derrière ma gova *voiture* toi ?

Quand j'entends cette voix, délicatement grave et perturbatrice, je me dis que c'est la fin pour moi. En effet, je lève la tête et j’aperçois Idrissa.

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