Chapitre 6

J'ai traîné ma valise jusqu'à un motel délabré à la lisière du territoire.

Ça empestait la moisissure et la fumée rance.

Le papier peint se décollait par endroits, et la moquette était couverte de taches.

Mais pour moi, une paria, c'était le seul abri qui me restait.

Au milieu de la nuit, une douleur aiguë m'a arrachée à un cauchemar.

L'agonie du Dépérissement Spirituel de la Louve, c'était comme un millier d'aiguilles d'argent s'enfonçant dans mes os.

Chaque respiration était une torture.

Je me suis recroquevillée sous la couverture mince, tandis que les souvenirs de mon enfance me revenaient en rafales.

J'avais douze ans à l'époque, je venais de commencer mon entraînement de combat.

Lydia rangeait toujours gentiment mon uniforme d'entraînement.

Mais chaque fois que je l'enfilais, ma peau me brûlait.

Les démangeaisons étaient si intenses que je m'effondrais sur le terrain.

Tout le monde pensait que j'étais trop délicate, incapable de supporter la matière du tissu.

Moi seule savais que c'était de la poudre d'argent.

« Hélène est si fragile. Elle ne supporte même pas une légère irritation », avait dit le formateur en secouant la tête.

Et Lydia accourait aussitôt, l'air inquiet : « Hélène, ça va ? Je vais te chercher des remèdes. »

À quatorze ans, pendant un exercice de chasse, quelqu'un m'avait poussée du haut d'une falaise.

Je m'étais brisé la jambe et j'étais restée allongée toute la nuit dans une grotte.

Quand l'équipe de recherche m'avait enfin trouvée, j'étais en délire, brûlante de fièvre.

Les yeux de Lydia s'étaient emplis de larmes. « C'est de ma faute, » sanglotait-elle. « J'aurais dû protéger Hélène… j'aurais dû la retrouver plus tôt ! »

Elle était devenue l'héroïne, et moi, le fardeau qu'il fallait sauver.

Mais le pire, c'étaient ces soi-disant herbes médicinales.

Chaque fois que j'étais blessée, Lydia insistait pour s'occuper de moi.

Elle préparait elle-même les décoctions, et me les faisait boire avec douceur.

Je croyais que c'était un geste d'amour fraternel.

Mais je ne faisais que m'affaiblir.

En y repensant, j'ai compris que ces herbes devaient être mêlées d'aconit.

Elles avaient lentement, peu à peu, rongé mon esprit de louve.

Tout le monde, moi comprise, croyait que j'étais née faible.

En réalité, on m'avait empoisonnée depuis mes douze ans.

Pendant ce temps, dans le bureau de l'Alpha, Collin était assis à son bureau, incapable de se concentrer sur un seul document.

Les signaux de douleur de notre lien de compagnons le rendaient nerveux.

Des vagues de souffrance le traversaient, comme une lame émoussée qui tournait dans son âme.

« Merde ! » a-t-il hurlé en se levant brusquement, balayant les papiers de son bureau.

Une envie puissante de me retrouver, de s'assurer que j'allais bien, l'avait saisi.

Mais sa fierté l'en empêchait.

Il lui fallait une raison.

Quand le lien mental a résonné dans ma tête, la douleur de mon corps mourant m'a presque fait perdre connaissance.

C'était un message de Collin, sa voix aussi froide que la glace :

« Hélène, reviens immédiatement et excuse-toi auprès de Lydia. Ne crois pas que fuir réglera quoi que ce soit. »

Je n'ai pas répondu. J'étais trop faible pour trouver la force de le faire.

Je me suis demandé s'il éprouvait encore la moindre once d'inquiétude pour moi.

Mais ça n'avait plus d'importance. Il ne me restait qu'un seul jour avant la fin.

Le lendemain après-midi, un apprenti du restaurant de Rosa a frappé à ma porte.

C'était un jeune Oméga gentil, avec des yeux clairs comme une source.

« Mademoiselle, ma patronne m'a envoyé vous apporter à manger. »

Il tenait prudemment un bol de soupe fumante, dont l'arôme d'herbes médicinales se répandait dans la chambre.

À ce moment-là, les larmes me sont montées aux yeux.

Dans ce monde, il restait encore quelqu'un qui se souciait d'une paria abandonnée de tous.

Mais alors que j'allais accepter la soupe avec reconnaissance, Lydia est apparue.

Elle portait une tenue noire moulante, un sourire parfait sur les lèvres.

« Hélène, je t'ai enfin retrouvée. »

Elle s'est avancée et a repoussé le garçon.

La soupe bouillante s'est renversée sur le sol, m'éclaboussant la jambe et m'arrachant un sifflement de douleur.

« Oh là là, je suis désolée », a feint Lydia d'un ton léger. « Mais c'est sûrement mieux que tu ne boives pas ce que t'apportent des inconnus, Hélène. »

Le garçon l'a fusillée du regard. « Pourquoi vous avez fait ça ? »

« Les petits garçons ne devraient pas se mêler des affaires des adultes », a-t-elle répliqué avec mépris, libérant une vague de phéromones dominantes.

Le visage du garçon est devenu livide, et il a reculé en titubant.

« Au fait, le fonctionnaire du conseil a été renvoyé », a dit Lydia d'un ton faussement détaché.

« L'Alpha l'a congédié lui-même. Pour avoir osé traiter ton rituel de rupture. Tu vois ? Tu es tellement inutile que tu entraînes les autres dans ta chute. Maintenant, toute la meute sait que tu es une traîtresse ingrate. »

Ses paroles ont fait s'effondrer mon monde.

Même la seule personne qui avait voulu m'aider avait souffert à cause de moi.

J'étais une malédiction pour tous ceux que je rencontrais.

« Pourquoi ? » ai-je murmuré, ce simple mot me vidant de mes dernières forces.

« Parce que je te déteste ! »

Le rire de Lydia a éclaté, tranchant et moqueur, déchirant le silence de la chambre.

« Si tu dois mourir, alors meurs ! Pourquoi traînes-tu encore autour de la meute de la Lune Noire comme une tache indésirable ? Tu crois que Collin te croit ? Depuis le début, il ne t'a jamais vue autrement que comme un fardeau ! »

Voilà son vrai visage. Voilà la Lydia parfaite que tout le monde adulait.

Ma voix est restée calme lorsque j'ai parlé : « Lydia, je peux te jurer que je ne t'ai jamais fait le moindre mal. Pourquoi tu me hais autant ? »