GABRIELJe ne peux plus attendre. Chaque fibre de mon corps hurle qu’elle est là, à portée de main, que tout ce qui m’a retenu jusque-là tombe en poussière.Clémence est assise sur le canapé, les jambes croisées avec une grâce insolente. Sa chemise, froissée, laisse deviner la courbe de ses épaules et l’ombre délicate de sa clavicule. Ses cheveux tombent en mèches indisciplinées sur son visage et sa nuque, certains fils effleurant ses lèvres, comme pour me défier de ne pas les caresser. Ses yeux brillent d’un éclat cruel et moqueur, et je me perds dans ce vertige.Elle sourit, un mélange de douceur et de provocation, comme si elle savait exactement ce que je veux et décide de m’en faire payer le prix. Ses mains effleurent son cou, ses bras, un geste presque inconscient mais irrésistible, et je sens mes doigts s’ouvrir dans le vide, désirant tout toucher, tout sentir.— Gabriel… murmure-t-elle, d’une voix presque tendre mais truffée de malice. Je sais que tu me veux . Je le sais, je le
GABRIELJe reste figé. Son parfum flotte dans l’air, doux et violent à la fois, comme un avertissement et une invitation. Son regard me défie, et pourtant je sais que je suis déjà à sa merci.Clémence s’avance, lentement, chaque pas mesuré comme une danse. Elle joue avec moi. Ses doigts effleurent le bord de la porte, puis glissent sur sa nuque, et je sens mon corps répondre avant même que mon cerveau n’ait dit oui.— Alors ? me souffle-t-elle, un sourire aux lèvres, presque moqueur. Tu vas enfin me dire ce que tu es venu m'avouer ?Je lève les yeux vers elle. J’ouvre la bouche, mais aucun son ne sort. Rien que le tumulte de mon cœur et ce désir qui me tord de l’intérieur.— Gabriel… continue-t-elle, plus bas encore, comme un secret partagé avec la nuit. Tu crois que tu peux me résister ?Elle avance encore. Ses doigts effleurent ma main, mais quand je tends la mienne pour la saisir, elle recule, un éclat espiègle dans le regard.— Non… pas si vite, dit-elle, en riant presque malgré e
GABRIELJe ne voulais pas venir.Je me le répète à chaque pas, comme une excuse, comme une supplique. Je ne voulais pas. J’avais juré. J’avais prié jusqu’à ce que mes lèvres saignent. J’avais courbé l’échine sous la croix, imploré qu’on m’arrache ce feu du ventre. Mais la nuit m’a repris.Deux semaines. Quatorze nuits sans sommeil.Elle me hante. Son rire perce mes rêves comme une lame, ses mains griffent ma peau endormie. J’ouvre les yeux et j’entends encore sa voix. Je ferme les paupières et je vois son visage. La haine, la prière, l’eau bénite… rien n’y fait. Tout se renverse. Tout devient faim.Alors je marche.Le manteau collé à ma peau, le souffle court. Les ruelles me jugent, chaque pierre résonne comme un glas. Le vent me gifle, mais c’est en moi que brûle la braise.Je ne voulais pas venir.Mais je ne pouvais pas faire autrement. Elle me manque trop.Son absence est un gouffre qui m’avale. Sa présence, un incendie. Mais entre les deux, je préfère brûler.Et me voilà.Minuit.
GABRIELJe ne dors pas.Je crois que je n’ai plus jamais dormi depuis cette nuit. J’ai fermé les yeux, oui, mais ce que j’ai vu n’avait rien de reposant. Ce n’était pas du sommeil, c’était une descente.Car elle est là.Clémence.Assise au bord de mon lit. Ses cheveux gouttent d’une pluie qui n’existe pas. Sa robe se colle à elle comme une seconde peau, et son sourire fend la nuit comme une blessure ouverte. Ce sourire… ce n’est plus le sien. Ce n’est plus doux, ni fragile. C’est un sourire qui dévore.Je cligne des yeux. Le lit est vide. Le bois craque. L’air est immobile. Mais dans l’ombre du mur, quelque chose bouge. Une silhouette qui n’a pas le droit d’être là. L’ombre s’étire, se déploie, épouse ses formes. Des hanches. Des épaules. Des lèvres. Et cette voix… cette voix que j’ai cru mienne à jamais, elle résonne encore.— Gabriel…Mon sang se glace.Je plaque mes mains sur mes oreilles, mais le son ne me quitte pas. Elle ne parle pas. Elle pénètre. Elle infiltre ma chair, se gli
GABRIELJe cours. Je cours comme un possédé, comme si derrière moi les flammes de l’enfer s’étaient levées pour me happer. La pluie fouette mon visage, lacère mes yeux, brouille tout. Mais je ne ralentis pas. Si je m’arrête, je meurs. Si je m’arrête, je me noie dans ce que j’ai fait.Chaque pas est un cri muet. Chaque battement de mon cœur est un coup de marteau qui résonne dans ma poitrine. Tu as péché. Tu as chuté. Tu as trahi.Je pousse la porte du presbytère d’un geste brutal. Elle claque contre le mur. Le silence m’avale aussitôt. Ce silence-là, je le connais : il n’est pas paix, il est jugement. Il est ce vide qui attend ma confession, ce vide qui m’accuse.Je titube dans le couloir, trempé jusqu’aux os, et j’arrache ma soutane comme on arrache une peau infectée. Elle tombe sur les dalles, lourde, imbibée d’eau et de honte. Je voudrais la brûler. Tout brûler.Dans ma chambre, je claque la porte, bascule contre elle et mes jambes cèdent. Je tombe à genoux. Le bois du plancher m’a
CLÉMENCEJe marche sous la pluie, les bras serrés contre ma poitrine, incapable de contenir le sourire qui me dévore. La nuit colle à ma peau, les gouttes ruissellent sur mes cheveux emmêlés, mais je m’en moque. Tout brûle encore en moi. Chaque pas résonne comme une victoire.Il m’a prise. Enfin.Je sens encore son poids, sa chaleur, sa violence. La marque de ses mains sur mes hanches, la morsure de ses doigts sur mon poignet, ses coups profonds qui m’ont brisée et révélée en même temps. Rien ne peut effacer ça. Pas même sa haine.J’arrive devant ma porte, trempée, essoufflée. Je glisse la clé, entre dans mon appartement sombre. Le silence m’accueille, doux, rassurant. Je laisse mes vêtements s’écraser au sol, un à un, sans y prêter attention. Mes pas nus collent au parquet.La salle de bain m’attire comme un refuge. J’ouvre le robinet, l’eau jaillit en cascade brûlante. Je me glisse sous la douche, ferme les yeux. L’eau coule sur ma peau, emporte la sueur, le sel, l’odeur de son corp