Mila
L’air du hall de l’hôtel pèse sur ma peau comme une caresse étrangère. Chaque pas sur le marbre luit d’une tension sourde, chaque battement de mon cœur me hurle de continuer. L’ascenseur s’ouvre dans un soupir métallique, et je monte, seule, avalée par ce cube d’acier qui me propulse vers lui.
Je sais qu’il est là. J’entends presque son souffle derrière la porte. Je sens son hésitation, son refus… et son désir.
Quand l’ascenseur s’arrête, une chaleur brutale me traverse, comme si la peur et l’envie s’étaient fondues en une seule chose brûlante. Le couloir est vide, silencieux. Je m’avance, mes talons glissant sur le tapis comme des coups de fouet dans la pénombre.
Je frappe. Une fois.
Silence.
Puis un bruit. Une chaise, le frottement d’un tissu, des pas étouffés. La porte s’ouvre lentement.
Il est là.
Ses yeux me transpercent, un mélange d’ombre et de flamme. Pas de surprise. Pas de colère. Juste cette tension qui pulse entre nous.
– Mila… pourquoi es-tu ici ?
Je sens ma respiration s’emballer. Ce moment est un précipice.
– Parce que je ne peux pas te laisser partir. Parce que je t’aime. Et rien ne changera ça.
Ses sourcils se froncent, mais il ne recule pas.
– C’est ça, le problème. Tu parles d’amour, mais tu ne sais pas ce que tu fais. Je ne suis pas celui que tu crois.
Je fais un pas en avant, défiant son regard.
– Je te connais plus que tu ne veux l’admettre. Et je sais que tu ressens la même chose.
Il secoue la tête, comme pour se détacher de mes mots.
– Non. Ce que tu ressens, c’est une obsession. Et tu crois que ça va disparaître ? Ça ne disparaît pas comme ça, Mila.
Je m’avance encore, mes lèvres tremblantes.
– Tu te trompes. Ce n’est pas une obsession. Si c’était le cas, tu ne me regarderais pas comme tu le fais. Tu ne serais pas en train de trembler.
Il se fige. Ses mains tremblent, je le vois. Je le sens. Une fissure dans sa façade. Et je m’y engouffre.
Eliah Reed
Elle est là, devant moi, et tout mon monde chancelle. Elle n’est pas une simple femme. Elle est une tempête. Elle est cette onde qui ébranle tout ce que j’essaie de construire. Et plus je la regarde, plus je comprends que je suis déjà pris dans son courant.
– Tu crois que je vais céder, Mila ? Que je vais me laisser enfermer dans ce que tu veux de moi ? Je ne suis pas cet homme-là.
Elle ne détourne pas les yeux.
– Tu n’es pas l’homme que je cherche. Mais tu es celui que je veux. Et ça, tu ne peux pas l’ignorer.
Sa voix, basse, rauque, me déchire. Je veux répondre, lui dire non, la repousser. Mais mes mots restent coincés dans ma gorge. Parce qu’elle a raison. Parce que je sens cette chaleur brutale en moi chaque fois qu’elle prononce mon nom.
Les foules, les cris de mes fans, ma vie entière s’éteignent en sa présence. Elle est ce silence brûlant qui me fait peur, mais qui me sauve.
Mila
Je le vois lutter, chaque muscle tendu comme s’il voulait fuir. Mais il ne bouge pas. Je m’approche encore, lentement, mes doigts venant frôler sa joue. Sa peau est brûlante. Je sens son souffle s’accélérer.
– Regarde-moi, Eliah. Regarde-moi et ose dire que tu ne ressens rien.
Ses yeux se ferment une seconde, comme pour m’échapper.
– Tu n’as pas idée de ce que tu fais.
– Alors apprends-moi. Laisse-moi te montrer.
Mes mains glissent sur son torse, lentes, décidées. Il ne recule pas. Je sens son cœur battre sous mes paumes, rapide, désordonné. Sa respiration se heurte à la mienne, et je sais qu’il ne tiendra pas longtemps.
– Je suis là, murmuré-je. Et je ne partirai pas.
Il rouvre les yeux. Dans son regard, il y a tout : la colère, la peur… et ce désir qu’il refuse de nommer. Un désir qui, à cet instant, nous consume tous les deux.
MILAJe reste plantée un instant, figée derrière le rideau des coulisses, respirant encore le parfum de sa présence, la chaleur de son corps qui s’est glissée contre le mien. Le bruit de la salle s’éloigne, mais mes sens restent en alerte, chaque fibre de mon corps vibrant de ce contact trop bref, trop furtif pour être réel, et pourtant si vivant, si brûlant que j’ai l’impression qu’il me consume de l’intérieur.Je le revois, penché sur sa guitare, ses doigts effleurant les cordes avec une délicatesse presque violente, chaque note semblant murmurer mon nom, chaque vibration résonnant jusqu’au creux de mes reins. Je me surprends à toucher mon poignet, là où sa main a effleuré la mienne, et un frisson me traverse, incontrôlable, me faisant trembler comme si le monde entier pouvait s’effondrer à la moindre pensée de lui.— Mila… souffle une voix derrière moi, et je sursaute presque, reconnaissant son souffle chaud près de mon oreille.Je n’ai pas besoin de le regarder pour savoir qu’il e
MILAL’air est saturé d’odeur de sueur, de câbles brûlants, de café tiède et de l’odeur métallique des instruments. Les cris de la salle résonnent encore derrière les murs, transformés en un écho fantôme qui nous poursuit jusque dans les coulisses. Je me faufile entre les techniciens, mon carnet toujours serré contre moi, mais mes yeux ne cherchent qu’une seule chose : lui.Il est là, à moitié penché sur sa guitare, un geste mécanique pour ranger, pour accorder, pour exister encore parmi les autres. Mais dès que nos regards se croisent, le monde disparaît autour de nous. Mon cœur se serre, un frisson remonte le long de ma colonne, et tout en moi hurle qu’il ne faut pas, qu’on ne peut pas, et pourtant…— Tu… tu as été incroyable, murmuré-je presque inaudiblement, ma voix trahissant la tension qui me serre la poitrine.Il lève les yeux, un demi-sourire, mais ses yeux ne mentent pas. Il s’approche, juste assez pour que je sente sa chaleur, l’ombre de son souffle contre mon oreille :— C’
MILALe trajet est interminable, ou peut-être trop rapide, je ne sais plus, tant chaque minute passée enfermée dans cette voiture me paraît à la fois étouffante et suspendue. Je suis assise à l’avant, à côté du chauffeur, mon carnet ouvert sur mes genoux, mais mes yeux glissent sans cesse sur le rétroviseur, comme attirés malgré moi. Derrière, Eliah est là, son corps étendu nonchalamment contre la portière, ses lunettes masquant ses yeux, mais je sens sa présence comme une main invisible posée sur ma nuque.Parfois, quand la route cahote, nos regards se croisent dans le reflet de la vitre, et je détourne aussitôt les miens, le cœur trop rapide. Ses doigts tapotent sur sa cuisse, comme pour marquer un rythme, mais je sais qu’il le fait pour me rappeler la nuit, pour imprimer dans ma chair le souvenir qu’il ne me laisse pas fuir. Une fois, ses genoux frôlent mon siège, un contact infime, mais qui me fait tressaillir comme si c’était sa bouche.Quand nous arrivons à l’hôtel de la nouvell
MILALa lumière filtre à travers les rideaux lourds, un filet pâle qui effleure les draps défaits, ma peau moite, mes paupières lourdes. Tout mon corps est douloureux, meurtri de plaisir, chaque muscle tiré à l’extrême, chaque nerf encore vibrant de lui. J’ai l’impression que je pourrais dormir cent ans, et pourtant je suis éveillée, incapable de lâcher.Je tourne la tête, et il est là, à côté de moi, encore endormi, ses lèvres entrouvertes, son torse marqué par mes ongles, sa respiration lente, presque paisible. Il a l’air jeune comme ça, presque fragile, et je me surprends à sourire malgré la fatigue qui m’écrase. Mais je sais, je sens, qu’à peine ses yeux s’ouvriront, ce sera à nouveau cette faim, ce besoin qui nous consume et nous dévore.Je passe doucement mes doigts sur son épaule, sur la morsure que je lui ai laissée dans la nuit, et une chaleur trouble monte en moi. Comment ai-je pu aller si loin ? Comment ai-je pu me perdre à ce point ? Je ferme les yeux, je revois mes gestes
ELIAHLe car se vide dans un silence alourdi par la fatigue, les corps qui s’étirent, les soupirs de lassitude, chacun happé par l’idée d’un lit, d’une douche, d’un répit. La ville nous avale dans ses néons froids, ses trottoirs mouillés, ses façades impersonnelles. L’hôtel se dresse comme un bloc de verre et d’acier, sans âme, juste une halte nécessaire dans la course. Mais pour moi, il devient déjà une promesse, un sanctuaire provisoire, un piège où je veux me perdre en elle.Elle descend la première, ses pas rapides, professionnels, ses épaules droites, son carnet toujours en main, comme si elle tenait le monde entier en équilibre. Mais je vois la crispation de ses doigts, la tension de sa nuque, le masque qui s’accroche à son visage avec trop de force. Elle sait que je la regarde. Elle sait que je la suivrai.Dans le hall, les clés sont distribuées, les voix s’éteignent une à une, chacun disparaît dans l’ascenseur ou dans l’escalier, les portes se ferment, et le silence retombe. J
ELIAHL’air du couloir est plus froid quand nous ressortons, il se plaque sur ma peau comme une morsure, comme si la pièce derrière nous avait absorbé toute la chaleur de nos corps, toute la fureur de nos souffles, et qu’il ne restait dehors qu’un monde exsangue. Elle marche à côté de moi, carnet serré contre sa poitrine, ses doigts encore tremblants mais déjà redevenus précis, ordonnés, prêts à jouer leur rôle, et pourtant je vois, je sens, que sous ce masque de maîtrise il y a encore la même fièvre qui brûle en moi. Mon corps est imprégné d’elle, chaque fibre vibre d’un manque qui n’a pas été comblé mais seulement attisé, et chaque pas que je fais dans ce couloir résonne comme une torture.Nous passons devant deux techniciens qui tirent un câble énorme, leurs épaules tendues, leurs voix basses, et l’un d’eux nous jette un regard distrait avant de replonger dans sa tâche, mais je crois que mon cœur s’arrête une seconde. J’ai peur qu’il voie, qu’il sente, qu’il devine l’odeur de nous