Se connecterDANS LES BRAS DE L’ENNEMI
La matinée est trop calme.
Trop parfaite pour être sincère.
Elena s’installe à la table du petit-déjeuner sans un mot. Une robe noire fluide épouse ses hanches, ses cheveux sont relevés en un chignon négligé qui met son cou en valeur. Chaque détail est étudié. Elle le sait. Elle joue.
Et lui aussi.
Adriano arrive en retard, bien sûr. L’air parfaitement désinvolte. Pantalon sombre, chemise claire déboutonnée au col, lunettes de soleil qu’il ne retire pas tout de suite. Un roi dans son royaume.
Il s’assied en face d’elle. Verse lentement son café.
— Bien dormi, contessa ?
Elle lève les yeux sur lui. Un éclat moqueur dans le regard.
— Comme un bébé. J’ai rêvé de t’empoisonner.
Il rit. Un rire grave, chaud, qui s’installe entre ses cuisses comme un souffle.
— Tu aurais dû. J’aurais peut-être enfin dormi paisiblement.
Elle détourne les yeux, mais un frisson la trahit.
Ce matin, ils sont seuls. Pas de domestiques, pas de gardes visibles. Un terrain neutre, à peine.
Mais un champ de mines sous chaque silence.
Elle boit une gorgée d’eau, lentement. Il la regarde faire, les yeux posés sur ses lèvres comme s’il les goûtait déjà.
— Tu sais que cette paix ne tient à rien, dit-elle sans détour. Une erreur, un mot de travers, et nos familles se saignent à nouveau.
— C’est pour ça que tu es là. Pour éviter que ça arrive.
Il se lève. Fait le tour de la table. Se place derrière elle.
Ses mains effleurent le dossier de sa chaise. Puis son cou.
Elle ne bouge pas.
Il penche la tête. Son souffle glisse contre sa nuque.
— Mais j’ai peur d’une autre guerre, Elena.
— Laquelle ? murmure-t-elle sans le vouloir.
— Celle entre toi et moi.
Elle se lève d’un coup. Se retourne. Leurs corps se frôlent.
— Tu veux une guerre, Adriano ? Tu ne survivras pas à la mienne.
— Tu es déjà en train de la perdre.
Et sans prévenir, il l’attrape par la taille et l’embrasse.
Pas un baiser doux. Pas une caresse.
Un choc. Une déflagration.Leurs bouches s’entrechoquent, leurs souffles se brûlent. Elle le repousse une seconde, mais il la suit, la rattrape, la plaque contre le mur. Ses mains enserrent ses hanches. La robe remonte, elle sent le bois froid contre son dos, et la chaleur de lui entre ses cuisses.
Mais elle ne cède pas.
Elle mord sa lèvre. Fort. Jusqu’au goût du sang.
Il recule, essuie sa bouche, ses yeux brillants d’un feu dangereux.
— Tu veux jouer ? Tu vas perdre.
— Je n’ai jamais perdu un combat.
— Ce n’est pas un combat. C’est une chute libre.
Elle le gifle.
Son visage tourne. Mais il rit.
Un rire bas, rauque, qui la consume.
— Tu embrasses comme une furie. Tu frappes comme une amante blessée.
— Et tu suintes le vice, Adriano.
— Je suis le vice. Et tu veux y goûter.
Elle le fixe, haletante.
Puis tourne les talons et quitte la pièce.
Sans un mot de plus.
Mais ses jambes tremblent.
Et sa peau, là où il l’a touchée, brûle encore.
Quelques mois ont passé.La villa, autrefois théâtre de luttes et de trahisons, s’est métamorphosée.Les murs portent encore les cicatrices du passé, mais l’air y est plus léger, presque paisible.Les jardins ont retrouvé leurs couleurs — le vert des feuilles, le parfum des roses, le murmure de la fontaine.Le chaos a laissé place à la vie.Elena marche lentement dans l’allée bordée de fleurs, sa main glissée dans celle d’Adriano.Leur pas est synchronisé, comme si le temps avait fini par s’accorder à leur rythme.Chaque pierre, chaque arbre semble témoigner de ce qu’ils ont traversé.Le vent joue dans les cheveux d’Elena, portant avec lui les échos lointains d’une guerre qu’ils ont gagnée, mais à quel prix.Elle s’arrête un instant, regarde le ciel clair, puis murmure d’une voix hésitante :— Tu crois qu’on y arrivera ?Adriano tourne la tête vers elle, un léger sourire aux lèvres.Son regard n’a plus la dureté d’autrefois, seulement la sérénité de celui qui a tout donné et tout reco
Le soleil se lève lentement sur une ville encore marquée par les cicatrices de la guerre.Les toits fumants portent encore les traces du chaos, mais dans la villa d’Adriano, l’air a changé.Il est plus léger, comme lavé par la promesse d’un nouveau départ.L’odeur du café se mêle à celle du bois brûlé, et pour la première fois depuis des mois, le silence n’est pas une menace.Le dernier assaut contre Riccardo a tout balayé.Son empire, bâti sur la peur et la trahison, s’est effondré sous le poids des alliances retrouvées.Les noms qu’on murmurait dans l’ombre ont disparu, les comptes se sont réglés, et la guerre s’est éteinte, non pas dans un cri, mais dans un souffle.Adriano se tient sur la terrasse, le regard perdu vers la ligne d’horizon.Sous ses yeux, la ville renaît lentement — les ouvriers réparent, les passants reprennent confiance, les sirènes se taisent.Ses mains, marquées par les batailles, tremblent légèrement.Il n’a pas peur, il se réhabitue à la paix.Elena le rejoint
L’aube se lève dans un fracas silencieux.Au loin, le grondement des moteurs déchire le calme apparent de la villa.Des silhouettes sombres se découpent dans la poussière, des véhicules noirs s’alignent sur l’allée pavée.Les Lombardi arrivent.Leur arrivée a la précision d’une armée en marche.Costumes impeccables, regards froids, mains gantées.Leurs hommes se déploient avec discipline, comme s’ils prenaient possession d’un territoire conquis.Elena les observe depuis la terrasse, les bras croisés.Son instinct se crispe. Chaque pas, chaque geste de ces alliés improvisés respire la menace.— Ils viennent pour nous aider, murmure Matteo en s’approchant d’elle.Mais surtout pour prendre leur part du gâteau.Elena esquisse un sourire amer sans quitter la scène des yeux.— Les alliances fondées sur la peur finissent toujours dans le sang.Dans la cour, Adriano s’avance pour accueillir le patriarche des Lombardi : Don Vittorio, un homme massif, au regard perçant comme une lame.Leurs mai
La nuit a avalé la villa, étouffant les dernières braises du jour sous un manteau d’ombre et de silence.Dans le grand bureau, les lampes diffusent une lumière dorée sur les cartes, les dossiers, les visages tendus.Le monde extérieur bruisse encore du chaos de la veille, mais ici, un calme étrange règne — le calme des décisions qui changent tout.Un messager vient de partir, laissant derrière lui une simple enveloppe noire scellée à la cire rouge.Le sceau porte un symbole : un lion couronné.Le clan Lombardi.Adriano fixe la lettre posée sur la table, les coudes appuyés, les doigts joints.Son regard est sombre, presque hanté.— Le clan Lombardi nous propose une trêve, dit-il enfin, sa voix grave résonnant dans la pièce.Une alliance pour abattre Riccardo.Matteo, toujours pâle de sa blessure, fronce les sourcils.— Une trêve avec eux ? C’est signer un pacte avec le diable.Ils changent de camp au gré du vent. Aujourd’hui ils nous tendent la main, demain ils nous plantent un couteau
Le jour se lève à peine sur la ville, une lueur pâle glissant entre les stores tirés de la salle de réunion.L’air y est lourd, saturé de tension et d’électricité contenue.Personne ne parle.On entend seulement le tic-tac régulier d’une horloge murale, comme un compte à rebours vers l’inévitable.Adriano est debout, immobile, les mains posées sur la table en verre.Ses yeux noirs fixent la porte fermée, impassibles, mais brûlants de colère froide.Chaque respiration est mesurée, chaque geste calculé.Ce matin, il ne négociera pas. Il tranchera.Lorsque la porte s’ouvre, le silence se brise.Riccardo entre, précédé par le bruit sec de ses bottes sur le marbre.Son sourire est celui d’un homme sûr de sa puissance, habitué à ce que la peur fasse le travail à sa place.Derrière lui, deux de ses lieutenants le suivent, arrogants, mains dans les poches, comme s’ils entraient chez eux.Les hommes des deux clans se tiennent à distance, en ligne, tendus comme des arcs prêts à rompre.Chacun s
La villa respire sous un calme trompeur.Le vent du soir glisse entre les colonnes de marbre, porte avec lui l’écho lointain des vagues, et pourtant, tout semble suspendu.Sous les dorures et le silence feutré, la tension couve comme un feu sous la cendre.Chaque regard devient soupçon, chaque mot menace.Adriano réunit son conseil restreint dans le grand salon.Les chandeliers jettent une lumière tremblante sur les visages fermés.Autour de la table, les plus proches, les plus dangereux, ceux dont la fidélité se mesure en silence.Elena, debout derrière Adriano, observe, les bras croisés, le cœur prêt à éclater.— Riccardo nous a frappés fort, commence Adriano d’une voix calme, mais chaque syllabe porte la promesse d’une vengeance.Il a détruit nos entrepôts, corrompu nos routes, tenté d’atteindre ce que j’ai de plus cher.Ses yeux glissent vers Elena, sans insister, mais le message est clair.— Mais il a commis une erreur, poursuit-il.En s’attaquant à elle, il s’est exposé.Un murm