Laurei
L'hôtesse m'a lâché son « dernier étage » comme un ordre, et je pivote vers le couloir, le cœur qui cogne toujours aussi fort sous ma veste. Pas le temps de traîner. Je traverse le hall, mes escarpins claquants sur le marbre, chaque pas un défi lancé à ce monde qui me hurle que je ne suis pas à ma place. Mais je suis là, et je vais pas me dégonfler. Pas maintenant. Pas face à lui – Alexander Knight, le nom qui fait trembler les murs de cette tournée, celui qui va décider si je grimpe ou si je m'écraser.
Je jette un coup d'œil autour de moi, juste assez pour ajuster mon armure. Mon tailleur noir, mon miracle à dix euros, tient le coup, mais je sens la sueur perler dans mon dos. Mes cheveux châtains sont tirés en un chignon si serré qu'il tire sur mon cuir chevelu – strict, pro, peut-être un peu trop sévère pour mes 26 ans. Mes yeux bleus, soulignés d'un trait discret de mascara, brillent d'une lueur que j'espère assurée. Je passe une main sur mes lèvres, vérifiez la teinte rouge, légère mais présente, comme un bouclier. Puis je dors mes lunettes de ma poche, les glissent sur mon nez. Elles me donnent un air sérieux, presque intello, mais surtout, elles me permettront de lire chaque ligne du contrat si je décroche le jackpot. Parce que c'est ça, l'objectif : une signature. Ma vie en dépend.
Ma respiration s'emballe, saccadée, et je lutte pour la calmer. Respire, Laurie. Pense positivement. Le trac me grignote les tripes, menace de me faire vaciller, mais je le repousse. Pourquoi je veux bosser ici ? La question tourne en boucle dans ma tête, et la réponse claque comme une évidence. J'ai toujours rêvé d'un endroit comme Knight Enterprises. Une boîte de cette taille, c'est pas juste un job – c'est une consécration. Mes études en marketing, mes nuits blanches sur des projets, mes étapes à m'arracher les cheveux, tout m'a déterminé ici. Les grandes entreprises, c'est le graal : des défis qui te pousser à te dépasser, des chances de laisser une marque, d'avoir un vrai impact. Ici, entre finance, technologie et sécurité, je vois un terrain de jeu où je peux enfin briller. Si cet entretien marche, je suis prête. Plus que prête.
Je ne suis pas une diplômée lambda. J'ai bossé comme une dingue pour en arriver là – étapes mal payées, petits boulots minables, heures à peaufiner des campagnes numériques jusqu'à ce que mes yeux brûlent. Ce poste, ce contrat, c'est tout ce pour quoi j'ai saigné. Mon ticket pour un monde qui me terrifie autant qu'il me fait rêver. Un univers où les compétences, c'est pas assez – il faut savoir se vendre, se faire remarquer. Et ce matin, je vais leur prouver que j'ai ma place dans cette machine.
Je m'avance encore, le souffle court, quand un bruit me stoppe net. Des pas lourds, assurés, qui résonnent dans le couloir comme un roulement de tambour. Mon pouls s'affole. L'entretien commence. L'air autour de moi s'alourdit, tout devient plus net, plus tranchant. Et là, je le vois. Lui. Alexandre Chevalier. Une silhouette massive qui bloque presque la lumière, plantée au seuil d'une salle vitrée. Son costume sombre, taillé au cordoneau, épouse une carrure qui impose le respect – ou la peur, je sais pas encore. Ses yeux gris me percutent, froids, perçants, comme s'ils voyaient à travers moi. Tout le reste s'efface – le marbre, les plafonds, les hôtesses. Y'a plus que lui.
J'ai entendu des trucs sur lui. Beaucoup. Son ascension éclair, il y a deux ans, quand il reprend l'entreprise de son père, Amadeus Knight. Une passion qui a fait des vagues – pas un héritage tranquille, mais un coup de force. Il a secoué les fondations, transformé Knight Enterprises en une bête insatiable, un monstre d'ambition qui dévore tout sur son passage. Les rumeurs le peignent impitoyable – en affaires, avec ses équipes, avec lui-même. Un mec qui navigue dans les eaux troubles de l'industrie comme un requin. Et maintenant, il est là, à quelques mètres, et je suis sa proie du jour.
Je me redresse d'un coup, instinctif, les épaules droites pour cacher le tremblement qui me trahit. Il me scrute, immobile, et je sens son regard peser sur chaque détail – ma posture, mes lunettes, la crispation de mes doigts sur ma sacoche. Pas le temps de me demander ce qu'il pense. Ce premier contact, c'est tout. Ma chance. Mon avenir. Faut que je sois à la hauteur, que je me concentre. Parce que face à Alexander Knight, y'a pas de place pour les faibles.
LAURIECarter relâche ma main et se redresse, un sourire en coin revenant sur son visage, comme s’il retrouvait son assurance.— Fais gaffe, Knight, lance-t-il, taquin, ses yeux pétillant. Elle est têtue, cette fille. Elle va te faire tourner en bourrique, mais elle vaut le coup.Alexander rit, un son bas, rauque, qui résonne dans ma poitrine.— Je sais, murmure-t-il, un éclat malicieux dans les yeux, son regard glissant vers moi.Le reste de l’équipe – Marc, quelques techniciens de Knight Enterprises, une amie de Carter – finit par partir, leurs rires et leurs voix s’évanouissant dans l’escalier. Le rooftop redevient notre refuge, un îlot suspendu au-dessus de Paris. Le vent se lève, jouant avec mes cheveux, les faisant danser autour de mon visage. Je les repousse, frissonnant légèrement, et Alexander s’approche, s’asseyant à côté de moi sur le coussin. Il est proche, si proche que je sens la chaleur de son corps, l’odeur de son eau de Cologne, boisée et subtile, mêlée à celle de la
laurieLe rooftop de Knight Enterprises scintille sous un ciel constellé d’étoiles, les guirlandes lumineuses suspendues entre des poutres d’acier jetant des éclats dorés qui dansent sur le béton poli. L’air frais d’avril 2025 porte une odeur sucrée de croissants tout juste sortis du four, flottant depuis un café niché dans une ruelle en contrebas, mêlée au parfum métallique et vibrant de Paris. La ville s’étend sous nos pieds, un océan de lumières clignotantes, des toits en zinc luisant sous la lune, des boulevards traçant des lignes dorées dans la nuit. Je suis assise sur un coussin posé à même le sol, une tablette sur les genoux, griffonnant des idées pour un projet qui n’a pas encore de nom – des esquisses de code, des concepts pour une start-up, des bribes de rêves que je n’ai jamais osé formuler à voix haute. Mes lunettes glissent sur mon nez, et je les repousse d’un geste machinal, mon pull en laine effleurant ma peau, doux comme une caresse contre la fraîcheur du soir.Alexande
laurieLa pluie tambourine contre les baies vitrées du bureau d’Alexander, un rideau glacé qui brouille la skyline de La Défense, ses éclats scintillant comme des yeux dans la nuit d’avril 2025. L’air sent le café refroidi et le papier, saturé par les vibrations des écrans tactiles, leurs notifications clignotant comme des battements de cœur. Je tiens la lettre d’Amadeus, mes doigts tremblants sur l’encre noire, le croquis d’un médaillon – cercle barré, symbole d’Oméga – brûlant mes yeux. Alexander, penché sur un écran, fronce les sourcils, ses cheveux noirs en mèches rebelles, ses yeux gris pleins d’une tempête contenue. Il croise mon regard, et je sens mon pouls s’affoler, une chaleur familière malgré la peur.« Son médaillon, » murmuré-je, ma voix rauque, pointant le dessin. « Il le portait toujours. Dans son ancien bureau, ici, non ? »Avant qu’il réponde, son téléphone vibre, et la voix de Marc, paniquée, déchire le silence. « Stahl s’est évadé, » dit-il. « Un gardien corrompu. I
LAURIEOn marche, main dans la main, à travers la cour, puis à l’intérieur, nos pas résonnant dans les couloirs vides. Chaque pièce est un souvenir – la salle commune où on jouait aux cartes, le dortoir où je pleurais la nuit, l’escalier où Alexander m’avait promis qu’on s’en sortirait. Je m’arrête devant une porte, celle du bureau du directeur, et je frissonne, repensant à Elena, à sa silhouette dans la photo, à tout ce qu’on a découvert. Stahl est en prison, les preuves d’Oméga ont fait tomber des puissants – politiciens, hommes d’affaires, ombres qu’Amadeus manipulait. Knight Enterprises est sauvé, Hargrove a signé pour de bon, et pourtant, je sens encore une ombre, un poids qui refuse de partir.Alexander le sent aussi, je le vois dans sa posture, dans la façon dont ses yeux balaient les murs, comme s’il cherchait quelque chose. Il sort une lettre de sa poche, celle trouvée dans les dossiers de Stahl, écrite par Amadeus avant sa mort. Il me la tend, et je la prends, mes doigts tre
laurieLe soleil se lève sur la campagne, un éclat timide qui perce les nuages, comme une caresse après une longue nuit de tempête. Je suis debout dans la cour de l’orphelinat, l’herbe humide trempant mes baskets, mon souffle formant de petits nuages dans l’air frais d’avril. Alexander est à côté de moi, sa main dans la mienne, chaude, solide, un ancrage que je n’aurais jamais cru possible il y a encore quelques semaines. Nos valises sont posées près de la voiture, un vieux break qu’on a loué pour ce voyage, comme si on voulait laisser le luxe de Knight Enterprises derrière nous, ne serait-ce que pour un jour. On est revenus ici, à cet endroit qui nous a faits et brisés, pas pour chercher des réponses, pas pour se battre, mais pour dire adieu – aux murs gris, aux souvenirs amers, à la douleur qu’on a portée trop longtemps.L’orphelinat n’a pas changé, pas vraiment. Les fenêtres sont toujours cassées, leurs cadres mangés par la rouille, et la grille d’entrée penche comme un vieillard f
Il attrape son arme, rapide comme un serpent, et je pousse Laurie derrière moi, mon flingue levé, le canon pointé sur sa poitrine. Mon cœur cogne, mais ma main est ferme.— Pose ça, Stahl, dis-je, la voix basse, un grondement. T’es pas en position de jouer.Il hésite, ses yeux passant de moi à Laurie, puis à la porte, comme s’il calculait ses chances. On gagne du temps, c’est le plan – laisser les flics se positionner, attendre le signal de Marc. Mais je vois Laurie bouger du coin de l’œil, discrète, maligne. Elle glisse une main dans sa poche, son téléphone allumé, l’écran masqué par sa paume. Elle enregistre, encore, capturant chaque mot de Stahl, chaque aveu qu’il lâche malgré lui. Elle est brillante, toujours un coup d’avance, et une bouffée de fierté m’envahit, même au milieu de cette tension.— Parle, Stahl, dis-je, pour le pousser, pour le faire craquer. T’as perdu. Pourquoi tu t’accroches ?Il ricane, mais ses mots sortent, presque malgré lui, comme si la pression le faisait d