FAZER LOGINAriana
L'odeur de l'encens me prend à la gorge, épaisse et sucrée, comme un poison. Nikos est là, à dix pas de moi. Debout. Immobile. Son costume sombre le fond dans les ombres de la nef, mais ses yeux… ses yeux captent la faible lumière des cierges et la renvoient, dure, implacable.
Mon dos est collé à la lourde porte de bois. Je sais qu'ils sont derrière. Je les entends haleter, jurer, se bousculer. Le verrou n'est pas tiré. Ils peuvent entrer à tout moment.
Je suis prise en tenaille. Coincée entre le diable et ses démons.
— Tu as été divertissante, Cassia, reprend sa voix, veloutée et mortelle. Cette petite rébellion… cette fuite… Mais toute récréation a une fin.
Il fait un nouveau pas. Puis un autre. Il avance avec une lenteur calculée, savourant chaque instant, chaque frémissement de peur qu'il doit voir sur mon visage.
Mon esprit tourne à vide, cherchant désespérément une issue. Une échappatoire. Il n'y en a pas. Les vitraux sont trop hauts. La porte derrière l'autel est verrouillée, j'en suis sûre.
Ses hommes cognent maintenant contre la porte dans mon dos. Le bois vibre, grogne. Ils vont défoncer.
Nikos s'arrête à un mètre de moi. Il sent le santal et le pouvoir. Une fragrance que je hais autant que je la crains.
— Rends-moi ce qui m'appartient, murmure-t-il en tendant la main. La broche. Et toi.
Sa paume est ouverte. Exigeante.
C'est à ce moment-là que je la vois. Derrière lui, sur le côté, à moitié cachée par un pilier. Une petite porte. Une sacristie, peut-être. Elle est entrebâillée.
Un dernier coup, violent, ébranle la porte derrière moi. Un craquement sinistre retentit. Ils sont presque là.
Le regard de Nikos se braque sur ma poche, là où la broche est cachée. Il sait que je l'ai. Il sent la victoire.
Je plonge la main dans ma poche. Mais au lieu de la broche, mes doigts se referment sur autre chose. Le couteau suisse. La lame, minuscule, que j'ai utilisée pour me libérer de sa marque.
— Prends-la, alors, je crache.
Et, d'un mouvement brusque, je ne lui tends pas la broche. Je la lance, de toutes mes forces, non pas vers lui, mais vers le fond de l'église. La feuille de laurier tournoie dans les airs, étincelle une fraction de seconde dans la pénombre, et atterrit avec un bruit métallique sur les dalles, près de l'autel.
Son regard, instinctivement, suit la trajectoire de l'objet. Une micro-seconde de distraction.
C'est tout ce qu'il me faut.
Je bondis non pas vers la sacristie, mais sur lui. Je hurle, un cri primal de rage et de désespoir, et je lui plante la petite lame dans le bras qui s'était tendu vers moi.
La surprise est absolue. Il rugit, plus de colère que de douleur, et recule d'un pas, sa main se refermant sur sa blessure.
Je ne reste pas. Je fais volte-face et je me rue vers la sacristie.
La porte derrière moi cède enfin. Les hommes de Nikos se précipitent à l'intérieur, mais je suis déjà dans la petite pièce obscure. Je claque la porte et pousse le lourd verrou de bois. Juste à temps.
Des coups violents retentissent immédiatement contre le mince panneau de bois.
— CASSIA !
La voix de Nikos, pour la première fois, n'est plus un murmure contrôlé. C'est un rugissement de fureur pure. Je l'ai touché. Pas profondément. Mais je l'ai touché.
Je me retourne, cherchant frénétiquement une sortie. La sacristie est exiguë, encombrée de vêtements sacerdotaux. Une seule fenêtre, étroite, barrée.
Pas d'issue.
Mais il y a autre chose. Sur un vieux bureau, un téléphone. Un vieux combiné filaire.
Les coups redoublent contre la porte. Le bois commence à céder.
Je saisis le téléphone. Aucune tonalité. La ligne est morte.
Le désespoir m'envahit. C'est fini. Vraiment fini.
Soudain, mon regard tombe sur un objet, posé négligemment près du téléphone. Un portable. Un smartphone moderne, oublié là par le prêtre, peut-être.
Je le saisis. L'écran s'allume. Il y a un code.
Les planches de la porte commencent à se fendre. Une hache ? Un pied de biche ? Je ne sais pas.
Mes doigts tremblent. Je tape une date au hasard. Rien.
Je tape une autre.Rien.
— Pétros ! La hache ! Maintenant ! ordonne la voix de Nikos, glaciale de rage, de l'autre côté.
Je ferme les yeux, une prière absurde montant à mes lèvres. Et puis je me souviens. La date. La seule date qui compte pour lui. Celle de sa mère.
Je tape les chiffres. 1-9-6-0-3-1-2.
L'écran se déverrouille.
Un sanglot de soulagement m'échappe. Je compose frénétiquement le seul numéro que je connaisse par cœur. Celui de Lena, mon ancienne agent.
La porte se brise en morceaux.
Le premier homme se rue sur moi.
— Lena ! À l'église ! San Giovanni, dans les collines au-dessus de Gênes ! Appelle la police ! Appelle…
L'homme me plaque au sol. Le téléphone s'échappe de ma main et s'écrase contre les dalles. L'écran s'éteint.
Mais j'ai eu le temps.
Nikos entre dans la sacristie. Il écarte l'homme qui me tient. Il se penche sur moi. Son visage est déformé par une colère que je ne lui ai jamais vue. Du sang coule sur sa manche, là où je l'ai poignardé.
— Très bien, Cassia, dit-il d'une voix basse et sifflante. Très bien. Tu veux de la lumière ? Tu veux un public ?
Il se redresse, se tourne vers ses hommes.
— Emmenez-la. Nous partons. Maintenant.
On me tire brutalement du sol. Je me débats, mais c'est inutile.
Alors que je suis traînée hors de l'église, vers les voitures qui attendent, moteurs vrombissants, j'entends au loin, très loin, le son ténu d'une sirène.
Une seule, puis une autre.
J'ai réussi.
J'ai allumé une lumière.
Mais alors qu'on me pousse à l'arrière d'une Mercedes noire, le regard de Nikos croise le mien. Et dans ses yeux, je ne vois plus de colère. Je vois une résolution froide, absolue.
La lumière arrive. Mais l'ombre, elle, n'a pas fini de me tenir.
ArianaL'odeur de l'encens me prend à la gorge, épaisse et sucrée, comme un poison. Nikos est là, à dix pas de moi. Debout. Immobile. Son costume sombre le fond dans les ombres de la nef, mais ses yeux… ses yeux captent la faible lumière des cierges et la renvoient, dure, implacable.Mon dos est collé à la lourde porte de bois. Je sais qu'ils sont derrière. Je les entends haleter, jurer, se bousculer. Le verrou n'est pas tiré. Ils peuvent entrer à tout moment.Je suis prise en tenaille. Coincée entre le diable et ses démons.— Tu as été divertissante, Cassia, reprend sa voix, veloutée et mortelle. Cette petite rébellion… cette fuite… Mais toute récréation a une fin.Il fait un nouveau pas. Puis un autre. Il avance avec une lenteur calculée, savourant chaque instant, chaque frémissement de peur qu'il doit voir sur mon visage.Mon esprit tourne à vide, cherchant désespérément une issue. Une échappatoire. Il n'y en a pas. Les vitraux sont trop hauts. La porte derrière l'autel est verroui
NikosLa voiture roule dans la nuit, phares déchirant l'obscurité huileuse de l'autoroute. Au fond de la Mercedes, Nikos laisse le ronronnement du moteur le bercer. Le message de Cassia – non, d'Ariana – brûle encore dans son esprit. Prépare-toi à saigner. L'audace. L'insolence pure.Un sourire froid étire ses lèvres. Il a aimé la marquer, sentir le métal pénétrer sa chair, la voir ployer sous la douleur et l'humiliation. Mais ceci… ce défi… est inattendu. Meilleur.Son téléphone vibre. Petro, son bras droit.—Elle a quitté l'autoroute près de Gênes. Elle roule vers les collines. Elle semble… errer.—Elle ne erre pas, Petro. Elle réfléchit. Elle prépare son prochain mouvement. Laissez-la. Augmentez simplement la surveillance. Je veux savoir chaque fois qu'elle s'arrête, chaque fois qu'elle respire.—À vos ordres.Nikos raccroche. Il regarde par la vitre teintée le paysage qui défile, un flou de lumières lointaines et d'ombres. Cette fuite vers nulle part est intéressante. Où pense-t-e
ArianaLe sang a séché, formant une carapace sombre et fragile sur mon épaule. Un bouclier de douleur. Chaque flexion du muscle, chaque frisson qui me parcourt, réveille l'écho mordant de la lame. Mais cette douleur n'est plus une ennemie. Elle est devenue mon aiguillon, la preuve tangible que je suis toujours vivante, que je ressens encore quelque chose au-delà de la peur.Je ne suis plus Ariana, l'icône brisée. Je ne suis plus Cassia, la proie tremblante. Je suis devenue autre chose. Une créature de rage et de détermination, forgée dans le feu de l'humiliation et du métal froid planté dans ma chair.La broche est là, au fond de ma poche. Un poids lourd et maudit. Je ne m'en sépare pas. Elle est mon rappel constant, le trophée macabre de ma première victoire. Je l'ai arrachée. Moi.Mon premier arrêt est une pharmacie de nuit, un cube de lumière crue dans l'obscurité complice. L'employé somnole derrière son comptoir. Il lève les yeux sur moi, une femme en capuche, le visage partly cac
ArianaLa douleur est une étoile blanche et brûlante au creux de mon épaule. Chaque battement de cœur envoie une pulsation ardente le long de mon bras. Le métal de la broche est un froid mensonger au centre de cette fournaise.Je titube hors du pavillon, laissant derrière moi l'ombre de Nikos et l'écho de sa voix. Rends la chasse intéressante. Je cours. Non pas par espoir, mais par instinct animal. Mes pas résonnent sur les sentiers déserts, se mêlant au bruissement des lauriers-roses, ces témoins silencieux de ma honte.Le sang coule le long de mon bras, tiède et poisseux. Je m'engouffre dans une ruelle en contrebas, loin des lumières du front de mer. Je m'effondre contre un mur de pierre humide, le souffle court, la vision brouillée. De ma main valide, je touche la broche. L'épingle est enfoncée profondément. L'arrière est sécurisé. Il ne l'a pas simplement plantée ; il l'a fixée sur moi. Comme on marque le bétail.Un rire hystérique menace de jaillir de ma gorge. Ariana, le top mod
ArianaL'air de Monaco a une odeur particulière. Un mélange d'air marin, d'argent et de pourriture masquée par le parfum des fleurs exotiques. Chaque bouffée que j'aspire en sortant de la gare est un poison familier. C'est ici que Cassia est née. C'est ici qu'elle est morte.Je me sens comme un fantôme revenu hanter les lieux de son supplice. Mes nouveaux cheveux blonds et mes lunettes de soleil sont un déguisement mince. Chaque reflet dans une vitrine de boutique de luxe me renvoie l'image d'une étrangère, mais les murs, eux, me reconnaissent. Les pavés sous mes pieds chuchotent mon ancien nom.La villa est toujours là, accrochée à la falaise, blanche et aveuglante sous le soleil méditerranéen. De loin, elle a l'air si paisible. Une forteresse de rêve. Je la observe depuis les hauteurs du Jardin Exotique, les jumelles tremblant dans mes mains. Rien ne bouge. Aucune voiture. Aucune silhouette aux fenêtres. C'est trop calme.C'est un piège. Je le sais. Et pourtant, c'est le seul endroi
ArianaLa voix de Nikos me hante. Elle s’enroule autour de mes pensées, un serpent au venin doucereux. Brava, Cassia. Ces mots ne sont pas un compliment. C’est la caresse du bourreau avant l’estrapade.Les heures qui suivent la conférence de presse sont un ouragan médiatique. Mon visage aux cheveux de platine est partout. « La confession choquante du top model. » « Le mystérieux criminel qui la traque. » Je suis devenue un spectacle, un feuilleton tragique livré en pâture au monde.Mon téléphone professionnel est saturé. Lena, hystérique, a lâché prise. L’agence me droppe. Les contrats sont annulés les uns après les autres. Mon empire de gloire s’effondre en temps réel, et chaque effondrement est un coup de marteau qui résonne dans le silence de ma chambre d’hôtel.C’est la première étape du siège. Me couper de mes ressources. De mon armée.Je sors de l’hôtel par une issue de service, enveloppée dans une capuche, mes cheveux blonds cachés. Je dois bouger. Rester ici, c’est être une ci







