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Chapitre 4 – Vie de Malik : Ambition

Author: Nems
last update Last Updated: 2025-08-31 10:00:34

Le matin s’était levé sur Douala avec une chaleur douce, presque confortable, mais dans le bureau de Malik Adeyemi Osaro, l’air était sec, précis, presque clinique. La lumière des projecteurs se reflétait sur les grandes baies vitrées et sur le mobilier moderne et minimaliste, tout y étant soigneusement choisi pour inspirer autorité et efficacité. Malik, debout devant la table de réunion en bois massif, ajusta les manches de sa chemise blanche immaculée avant de prendre la parole.

« Messieurs, mesdames, merci d’être venus. » Sa voix était calme, assurée, mais chaque mot portait la puissance d’un commandement. Les investisseurs étaient assis autour de la table, certains penchés en avant, d’autres bras croisés, visages impassibles, mais tous attentifs. Malik déploya les plans du projet : un complexe de rénovation urbaine dans un quartier historique de Douala, un projet ambitieux visant à transformer l’espace tout en respectant l’âme des lieux.

Chaque détail du plan était minutieusement préparé : les structures à conserver, les zones à moderniser, les matériaux à utiliser. Malik expliqua les choix avec une précision chirurgicale, anticipant chaque question. « Nous allons préserver l’essence architecturale tout en introduisant des éléments contemporains qui augmenteront la valeur immobilière et amélioreront la qualité de vie des habitants. » Ses yeux noirs, profonds et perçants, balayèrent la salle, scrutant les réactions.

Un investisseur leva une main hésitante. « Et si le coût dépasse les prévisions ? »

Malik esquissa un léger sourire, comme si la question ne l’effrayait pas le moins du monde. « Nous avons prévu un budget flexible et des marges de sécurité. Chaque dépense est justifiée par un retour sur investissement clair. La rigueur financière est une priorité. »

Les échanges durèrent près de deux heures. Malik accueillait chaque objection, chaque critique, non comme une menace, mais comme une opportunité de démontrer son expertise. Il expliqua, clarifia, convainquit, mais sans jamais perdre de vue le contrôle. Sa présence imposait un respect silencieux : charisme naturel et autorité, alliés à une discipline implacable.

Lors de la pause, il se leva et se dirigea vers la baie vitrée. La ville s’étendait sous ses yeux : les toits colorés, les passants pressés, les vendeurs ambulants, la circulation dense et incessante. Malik respirait profondément, observant non seulement la ville, mais les possibilités qu’elle offrait. Chaque quartier était une opportunité, chaque bâtiment ancien une chance de transformer un espace, de réécrire une histoire. Et pourtant, malgré cette vision stratégique, il ressentait une solitude qu’aucune réussite professionnelle ne pouvait combler.

Il se retourna vers la salle. Ses collaborateurs, ses partenaires, ses investisseurs reprenaient place, certains nerveux, d’autres impressionnés par sa maîtrise. Malik nota silencieusement leurs réactions : les hésitations, les faiblesses, les points forts. Il savait qui pouvait être poussé au-delà de ses limites, qui nécessitait plus de contrôle, et qui pourrait représenter un danger pour le projet. Son esprit calculateur faisait des allers-retours rapides entre stratégie et psychologie humaine.

Chaque mouvement de ses collaborateurs, chaque mot prononcé, était analysé, classé, interprété. Malik se tenait droit, impeccable dans son costume gris sombre, son regard fixe mais attentif. Il aimait ce rôle de stratège, mais derrière cette façade froide se cachait un homme qui craignait de perdre le contrôle, non seulement sur ses projets, mais sur lui-même. Il savait qu’un petit échec, une erreur humaine ou un imprévu pouvait tout bouleverser.

Après la réunion, alors que les investisseurs quittaient la pièce, Malik resta un moment seul, relisant mentalement chaque échange. Ses mains, grandes et puissantes, se crispèrent légèrement sur le dossier de la chaise. Il avait l’habitude de tout contrôler, mais la réussite ne dépendait jamais que de lui. Un frisson de nostalgie le traversa : les leçons de son père, l’obligation de réussir pour restaurer l’honneur familial, la peur de l’échec, celle qui le hante depuis toujours.

Dans le silence du bureau, il sortit son carnet de cuir noir, celui qu’il gardait toujours caché. Il ouvrit une page qu’il n’avait pas lue depuis des semaines. Les mots coulaient, soigneusement inscrits : des vers de Wole Soyinka, Chinua Achebe, et ses propres poèmes. Malik lisait ces lignes à voix basse, comme pour se rappeler qu’il existait un monde au-delà des chiffres et des bâtiments. Ces moments étaient rares, précieux, et personne ne devait les connaître.

Il se perdit dans ces poèmes, dans ces vers qui parlaient d’amour, de perte, d’espoir, et de solitude. Chaque mot éveillait en lui un mélange de nostalgie et de désir de maîtrise. Malik savait qu’il ne pouvait se permettre d’être vulnérable, mais dans ces pages, il s’autorisait à ressentir. La poésie devenait une échappatoire, un moyen de toucher une part de lui-même qu’il refusait de montrer au monde.

Il s’assit, le regard perdu par la fenêtre, observant les toits de Douala. La ville bouillonnait, pleine de vie et de projets, mais Malik restait à distance, calculant chaque mouvement, planifiant chaque décision. Loin d’être insensible, il ressentait profondément, mais jamais de manière ouverte. Il savait que toute émotion visible pouvait devenir une faiblesse dans son monde.

Alors qu’il repliait doucement le carnet et le rangeait dans un tiroir verrouillé, son téléphone vibra. Un message de l’assistante de son bureau : rappel de la prochaine réunion pour un projet historique dans le centre-ville. Malik fronça légèrement les sourcils, intéressé : ce projet serait bien différent de celui qu’il venait de traiter. Il s’agissait d’une réhabilitation urbaine ambitieuse, avec un potentiel de prestige et d’impact sur la ville. Il n’avait encore rencontré aucune des personnes qui y travailleraient, et son esprit calculateur se mit déjà en marche pour évaluer la faisabilité, les partenaires et, surtout, la valeur stratégique.

Avant de quitter son bureau, il observa une dernière fois la ville à travers la baie vitrée. Le soleil commençait à descendre, peignant le ciel de teintes orangées et pourpres. Il inspira profondément, ressentant à la fois l’excitation de la compétition et la lourdeur de la responsabilité. Malik était un homme de défis, mais ces défis avaient un prix : la solitude, la discipline, et parfois le poids d’un cœur fermé.

Il prit une décision silencieuse : il n’allait pas laisser ses émotions interférer avec le projet. Mais une partie de lui savait qu’une rencontre, un regard, une passion, pourrait bien changer les règles. Et bien qu’il ne le dirait jamais à voix haute, il était curieux. Curieux de cette architecte qui, selon ses notes, voyait les murs non seulement comme des structures, mais comme des mémoires vivantes, et qui croyait que chaque espace pouvait raconter une histoire.

Malik rangea le carnet, reprit son ordinateur portable, vérifia les plans une dernière fois et se prépara mentalement pour la réunion. Tout devait être parfait. Tout devait refléter sa vision et sa maîtrise totale de chaque détail. Et pourtant, au fond de lui, cette anticipation était différente : quelque chose d’inconnu s’insinuait dans son esprit, une promesse de défis inattendus et d’émotions qu’il avait appris à ignorer.

Pour l’instant, il laissa cette pensée en arrière-plan. La journée touchait à sa fin, mais Malik savait que chaque décision, chaque interaction, chaque dossier traité renforçait son empire et consolidait sa réputation. Il était seul, certes, mais maître de son destin. Et quelque part, derrière cette façade froide et impénétrable, se cachait la discipline et la passion d’un homme capable de tout pour atteindre ses ambitions.

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