Início / Romance / IMPOSTURE / Chapitre 4 : Celle qui veut fuir

Compartilhar

Chapitre 4 : Celle qui veut fuir

Autor: Eternel
last update Última atualização: 2025-09-13 20:44:55

Éléa

Ils respirent ma vie pendant que je suffoque dans une cage.

Je croyais pouvoir attendre. Observer. Laisser le temps les démasquer, les juger.

Je croyais être patiente, forte, capable d’encaisser encore un peu.

Mais je me suis menti.

Je suis à bout.

Le silence n’apaise plus. Il me ronge.

Il n’a plus rien d’un refuge, il est devenu un cri sans voix, une plainte continue dans mon crâne.

Les jours se répètent, toujours plus vides, toujours plus cruels.

Et l’image d’eux, heureux, insouciants, dans cette vie volée… me consume.

Je suis en trop. Une anomalie dans l’équation parfaite de leur bonheur.

Alors ils m’effacent. Lentement. Avec douceur, certes, mais avec constance.

Je ne peux plus rester ici.

Je vais partir.

Pas plus tard.

Pas demain.

Bientôt.

Je vais fuir cet entre-deux, ce monde suspendu, cette prison déguisée en refuge.

Et je ferai tout. Tout pour y arriver.

Mentir. Tromper. Ruser. Mordre s’il le faut.

On me surveille, je le sais.

Des infirmiers, des regards feutrés, des voix trop douces.

On me parle comme à une ombre fragile, une revenante qu’on ne veut pas brusquer.

Mais je suis bien plus que ça.

Je suis lucide.

Je suis en colère.

Je suis déterminée.

Mon corps retrouve sa force. Lentement. Mais sûrement.

Mes jambes me portent. Mes mains n’ont plus peur de trembler.

Et surtout, ma mémoire revient.

Les gestes que je fais sans y penser.

Les noms. Les repères.

Même les douleurs, ces anciennes, familières, celles qui me définissaient elles aussi sont là.

Je redeviens moi. Ou une autre version de moi. Plus effilée. Plus tranchante.

Je reconnais l’odeur du sol désinfecté, le bruit du chariot dans le couloir à 6 h 12.

Je sais que l’infirmière de nuit somnole entre deux prises de tension.

Je sais que le badge de Lisa, l’aide-soignante trop bavarde, traîne souvent sur la table de la salle de repos quand elle part fumer.

Je sais que la fenêtre du local de stockage est faiblement verrouillée.

Et que certains soirs, les caméras clignotent à cause d’un bug dans le système de surveillance.

Je note tout.

Je m’entraîne la nuit, dans la pénombre.

Je compte mes pas, je chronomètre les rondes.

Je mémorise le couloir de secours, le coude de mur où je peux m’effacer si on passe.

Je m’endurcis.

Je réapprends à faire taire la peur. À l’étrangler dans ma gorge avant qu’elle ne devienne panique.

Je me prépare.

Je ne sais pas encore où j’irai.

Mais n’importe où sera mieux qu’ici.

Mieux qu’enfermée à regarder Isis porter mon nom, serrer mon enfant, séduire mon homme.

Ma vie est devenue un théâtre. Et moi, je suis reléguée en coulisses, muette, reléguée au rang de souvenir gênant.

Je n’ai plus peur de l’extérieur.

Je redoute davantage ce que je deviendrais en restant ici.

Une coquille. Un spectre. Une victime consentante.

Alors je vais fuir.

Même si je dois voler.

Mentir.

Ramper.

Me glisser dans la nuit comme un fantôme avide de justice.

Je ne suis pas née pour l’effacement. Ni pour la résignation.

Je pense à Milo.

Mon Milo.

Sa petite main sur ma joue, ses cheveux fous après la sieste, son rire cristallin que je n’ai pas entendu depuis si longtemps que j’ai peur d’en oublier la musique.

Il m’appelle encore dans mes rêves.

Mais à l’aube, c’est elle qu’il serre dans ses bras.

Et moi ? Que suis-je pour lui maintenant ? Un frisson, une présence floue dans le noir ?

Combien de temps faut-il à un enfant pour oublier le visage de sa mère ?

Pour remplacer un cœur par un autre ?

Je pense à Hugo.

À sa façon de poser sa main sur ma nuque, à ses silences pleins de tendresse, à nos rendez-vous secrets où il m’apportait des fleurs volées dans les jardins publics.

Il croyait en moi. Il me connaissait mieux que je ne me connaissais moi-même.

Et pourtant, il n’a pas su me reconnaître dans l’absence.

Peut-être parce que j’étais déjà trop loin.

Trop brisée.

Ou peut-être… peut-être qu’une part de lui voulait oublier. Voulait guérir.

Mais pas comme ça.

Pas avec elle.

Pas au prix de moi.

Chaque battement de mon cœur est une promesse que je me fais :

Je reviendrai.

Mais libre. Debout. Et vraie.

Je ne veux pas reprendre ce qu’on m’a volé.

Je ne veux pas me battre pour une illusion.

Je veux redevenir celle que j’étais avant qu’on me déracine.

Je veux choisir.

Choisir où je vais. Qui je suis. Ce que je pardonne. Et ce que je refuse d’accepter.

Et pour cela, je dois d’abord partir.

Je répète mentalement le plan.

Les minutes à gagner.

Le badge.

L’angle mort de la caméra.

La porte arrière du couloir de service, qui ne claque pas si on la pousse lentement.

Le trousseau de clés sur le crochet de la pharmacie, chaque mardi soir.

Je le sens. C’est proche.

La faille.

L’ouverture.

Le moment où tout basculera.

Et quand il viendra, je serai prête.

Même si je dois tomber.

Même si je dois me perdre.

Je préfère mille fois l’inconnu au confort de ce mensonge.

Car il vaut mieux fuir vivant que survivre en silence.

Et moi, je suis encore vivante.

Continue a ler este livro gratuitamente
Escaneie o código para baixar o App

Último capítulo

  • IMPOSTURE   Chapitre 7 : Celle qui regarde en arrière

    ÉléaJe dors trois jours.Ou peut-être deux. Ou cinq. Le temps n’a plus la même texture ici. Il flotte. Il s’efface. Il me caresse la peau sans jamais vraiment s’y accrocher. Chaque minute semble étirer ses bras, mais mes pensées, elles, s’échappent toujours plus loin, comme un sable qui glisse entre les doigts.Lorsque mes paupières s'ouvrent, ce n'est pas un retour immédiat. D'abord, il y a la sensation de la lumière. Douce, filtrée, lointaine. Puis la conscience revient doucement, comme une vague trop calme, me submergeant lentement. Je sens la chaleur de mon corps, une chaleur inhabituelle, fiévreuse. Mon épaule me brûle, me rappelle sa douleur. Mais elle est étouffée, presque apaisée, comme si le corps était trop épuisé pour encore ressentir l’urgence.Un pansement neuf couvre la plaie. Il est propre, mais je le sais fragile. Il a été changé pendant que je sombrais dans un sommeil profond, un sommeil de rédemption ou de fuite, je n'en suis plus certaine.Il y a une odeur dans l’a

  • IMPOSTURE   Chapitre 6 : Celle qui renaît dans l’aube

    ÉléaLa douleur est partout.Elle pulse sous ma peau comme un second cœur. Chaque battement est une détonation. Mon bras gauche est devenu une masse morte, inerte et douloureuse, que je traîne derrière moi comme une chaîne rouillée. L’épaule est en feu. Une brûlure vive, sale. Je ne sais pas si la balle m’a traversée ou si elle est restée logée là, profondément, comme un souvenir qu’on n’arrive pas à extraire. J’ai trop peur de regarder. Pas encore. Pas tant que je n’ai pas mis de la distance. Pas tant que je suis encore en mode survie.Le béton est humide sous moi. Froid comme un avertissement. L’odeur d’huile rance, de métal et de vieille friture me donne la nausée. Je suis recroquevillée derrière ces caisses puantes dans une ruelle que personne ne regarde plus depuis longtemps. Mes dents claquent. Je grelotte. Mes vêtements sont trempés de sueur, de sang, de peur. Mais je ne bouge pas. Pas encore.J’écoute.Tout.Le moindre bruit. Une goutte d’eau qui tombe avec régularité quelque

  • IMPOSTURE   Chapitre 5 : Celle qui franchit la nuit

    ÉléaLe calme avant la rupture.Tout paraît paisible ce soir-là. Trop paisible. Comme si le monde entier retenait son souffle sans comprendre pourquoi. Il y a dans l’air une tension presque imperceptible, un frisson qui ne vient pas du froid mais de l’attente. Je le sens au creux de mes os, à la manière dont mon cœur bat : plus vite, plus fort, comme un tambour de guerre.C’est ce soir.Je le sais.Le plan est prêt. Imparfait, fragile, risqué mais prêt. Et moi aussi. Ou du moins, je n’ai plus le luxe de reculer.Cela fait combien de temps que j’attends ? Que j’observe ? Que je dérobe des secondes à l’invisible pour préparer ma fuite ? Les jours se sont fondus les uns dans les autres, avalés par la routine clinique, anesthésiés par les sourires vides, les cachets au goût amer, les regards qui percent sans jamais voir.Mais moi, je vois tout.Chaque soir, chaque nuit, je l’ai peaufiné en silence, affinant le moindre détail, retenant chaque minute, chaque mouvement. J’ai appris les sons

  • IMPOSTURE   Chapitre 4 : Celle qui veut fuir

    ÉléaIls respirent ma vie pendant que je suffoque dans une cage.Je croyais pouvoir attendre. Observer. Laisser le temps les démasquer, les juger.Je croyais être patiente, forte, capable d’encaisser encore un peu.Mais je me suis menti.Je suis à bout.Le silence n’apaise plus. Il me ronge.Il n’a plus rien d’un refuge, il est devenu un cri sans voix, une plainte continue dans mon crâne.Les jours se répètent, toujours plus vides, toujours plus cruels.Et l’image d’eux, heureux, insouciants, dans cette vie volée… me consume.Je suis en trop. Une anomalie dans l’équation parfaite de leur bonheur.Alors ils m’effacent. Lentement. Avec douceur, certes, mais avec constance.Je ne peux plus rester ici.Je vais partir.Pas plus tard.Pas demain.Bientôt.Je vais fuir cet entre-deux, ce monde suspendu, cette prison déguisée en refuge.Et je ferai tout. Tout pour y arriver.Mentir. Tromper. Ruser. Mordre s’il le faut.On me surveille, je le sais.Des infirmiers, des regards feutrés, des voix

  • IMPOSTURE   Chapitre 3 : Celle qui regarde

    ÉléaJe ne dors plus.Je ne rêve plus.Je regarde.Depuis cette chambre étroite où le silence colle aux murs comme une peau trop serrée, je regarde. L’air est froid ici, lourd de non-dits, saturé de souvenirs que je n’ai plus le droit de prononcer.Je regarde.Et tout me revient par éclats.Mon nom sur leurs lèvres. Mon reflet dans ses gestes. Ma voix dans sa gorge.Ce n’est plus moi.Et pourtant, c’est encore moi.Isis.Elle s’est glissée dans mes contours avec la minutie d’un faussaire amoureux. Elle me hante autant que je la hante, désormais. Deux femmes pour une seule vie, et moi enfermée dans l’angle mort du monde, quelque part entre la mémoire et l’oubli.Je suis celle qu’on ne voit plus, mais que l’on imite. Celle dont on parle à voix basse, dans les soupirs, dans l’ombre des regards.J’aurais dû mourir ce jour-là. J’aurais dû. Le choc, le feu, la chair en miettes.Mais j’ai survécu. Mal.Le monde a cru que j’étais partie. Hugo a pleuré une tombe vide.Et Isis… Isis a saisi l’o

  • IMPOSTURE   Chapitre 2 – Le Jeu Miroir

    IsisJe me suis réveillée avant l’aube, nue dans des draps qui n’étaient pas les miens, avec un corps qui ne m’appartenait plus tout à fait. Hugo dormait encore, allongé à côté de moi, la main posée sur ma hanche, comme un verrou tiède. Sa respiration était calme. Régulière. Il rêvait peut-être d’elle. D’elle à travers moi.Je ne bougeais pas.Je n’osais pas.Une partie de moi voulait rester là, figée, suspendue dans cette illusion parfaite. Mais l’autre… l’autre hurlait. Elle se débattait sous ma peau, refusait l’évidence. Je n’étais pas Éléa. Je ne serais jamais Éléa. Même s’il me regardait avec ces yeux-là. Même s’il murmurait ces mots-là.Et pourtant… cette nuit, j’avais tout pris.Je m’étais donnée. Offerte. Jetée dans ses bras comme dans un vide délicieux.La veille.Il m’avait prise par la main en montant l’escalier. Lentement. Comme s’il redécouvrait chaque marche, chaque seconde entre nous. Je tremblais. Pas de peur. D’avidité. D’impatience brûlante. J’étais sur le point de g

Mais capítulos
Explore e leia bons romances gratuitamente
Acesso gratuito a um vasto número de bons romances no app GoodNovel. Baixe os livros que você gosta e leia em qualquer lugar e a qualquer hora.
Leia livros gratuitamente no app
ESCANEIE O CÓDIGO PARA LER NO APP
DMCA.com Protection Status