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Chapitre 3 — Les Noces de Feu

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-09-09 00:41:29

AMÉLIA

Les cloches résonnent dans l’air limpide de Manhattan, longues, claires, solennelles, et je sens ce son vibrer jusque dans ma poitrine comme une promesse autant qu’une condamnation. La nef immense de la cathédrale Saint-Patrick est illuminée par des vitraux où le soleil de midi se brise en éclats de couleurs, et tout autour de moi, la haute société américaine a pris place, chuchotant, observant, jaugeant, comme si notre mariage n’était pas seulement une union, mais une bataille silencieuse entre deux lignées.

Car ici, chaque nom est un empire.

Mon nom d’abord, Amélia Vanderbilt, dernière héritière d’une fortune patiemment bâtie sur les rails, le charbon et les navires, un nom qui ouvre toutes les portes mais qui m’a toujours semblé peser comme une chaîne autour de mes poignets délicats.

Et face à moi, lui, Victor Harrington, fils d’une dynastie ancrée dans la finance, réputée pour ses investissements audacieux, ses banques, ses gratte-ciel. Un nom qui résonne dans tous les cercles de pouvoir, qui inspire autant de crainte que de fascination.

Les Harrington et les Vanderbilt, deux mondes qui se rencontrent, se défient, s’embrasent dans un mariage que beaucoup appellent déjà « l’union du siècle ».

Les invités affluent, femmes drapées de soie et de diamants, hommes aux smokings taillés par les plus grands couturiers, et je reconnais leurs visages, certains de mes amis d’enfance, d’autres que je n’ai croisés qu’au détour d’un gala ou d’une réception. Les Rockefeller sont là, austères et hautains, les Astor, parfumés de vanité, les Morgan, impassibles comme des statues de marbre. Le gotha entier est assis dans les bancs, leurs regards braqués sur moi, attendant que je franchisse cette allée qui me sépare de lui.

Et lui… oh, lui.

Victor se tient debout près de l’autel, dans un costume sombre où chaque pli épouse son corps avec une perfection presque arrogante. Ses épaules larges, son port altier, sa mâchoire serrée tout en lui respire la maîtrise, l’autorité, et pourtant ce sont ses yeux qui me transpercent plus que tout, ces yeux noirs qui brillent d’un éclat fiévreux, comme s’il ne voyait que moi, comme si le reste du monde n’existait plus.

Un murmure parcourt l’assemblée quand j’avance, mon voile blanc glissant comme une cascade sur le sol de pierre, ma robe signée par Dior enveloppant mes formes d’une grâce intemporelle. Je sens leurs regards avides, leurs chuchotements, mais je n’entends qu’une seule chose : le battement de mon cœur qui tambourine, rapide, violent, comme au soir de notre dispute, comme au soir de notre abandon charnel.

Mes pas résonnent, un à un, et chaque pas est une brûlure, une promesse, une chute.

Quand j’arrive près de lui, Victor tend sa main, large, forte, et ses doigts se referment sur les miens avec une intensité qui me fait frissonner malgré la chaleur des cierges.

— Tu es magnifique, souffle-t-il, trop bas pour que quiconque d’autre n’entende.

— Et toi… insupportable, murmuré-je en retour, mes lèvres à peine entrouvertes.

Ses yeux s’embrasent, et dans ce bref échange je comprends que la cérémonie ne sera qu’un théâtre, un voile posé sur ce qui brûle réellement entre nous.

L’évêque parle, prononce les mots sacrés, ses phrases résonnent dans la nef, mais je n’entends presque rien. Tout mon être est happé par la présence de Victor, par la chaleur de sa main serrant la mienne, par cette tension électrique qui me traverse et m’empêche de respirer.

— Consentez-vous à prendre pour épouse…

Sa voix résonne, grave, ferme, sans la moindre hésitation.

— Oui.

Et quand vient mon tour, ma gorge se serre, mes lèvres tremblent, mais je sens son regard accroché au mien, impérieux, exigeant, brûlant.

— Oui, dis-je enfin, ma voix vibrante, étranglée, comme une confession.

Un tonnerre d’applaudissements éclate, les invités se lèvent, les fleurs pleuvent sur nous, mais je ne vois plus rien, je ne sens plus rien, seulement lui, sa main, son corps qui se rapproche du mien, et quand ses lèvres viennent capturer les miennes sous l’arche fleurie, c’est un baiser de feu, un baiser sans pudeur, un baiser qui scandalise sans doute les plus conservateurs mais qui me laisse pantelante, consumée, prisonnière.

Victor Harrington est désormais mon mari.

Et Amélia Vanderbilt, héritière orgueilleuse, rebelle, insoumise, devient sa femme, sa proie, sa rivale et son amante à la fois.

Au milieu des applaudissements, des flashes, des regards, une vérité silencieuse s’impose dans mon cœur : ce mariage n’est pas une fin heureuse, c’est le commencement d’une guerre de passion, et je brûle déjà d’y plonger tête la première.

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