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Chapitre 3— Le silence qui reste 

Author: Eternel
last update Last Updated: 2025-07-18 23:17:58

Gabriel

Je ferme la porte de mon penthouse derrière moi, un clic sec qui résonne dans le silence du couloir. L’odeur familière m’accueille comme un rappel du quotidien, un mélange subtil de bois ciré, de vanille douce, et ce parfum léger qu’elle aime porter un sillage frais, presque glacé, qui se répand dans l’air comme une signature invisible.

Je dépose mon manteau sur le porte-manteau en bois poli, puis mes clés tintent en tombant dans le vide du bol posé sur la console. Chaque geste me paraît mécanique, distant. Je suis là, mais absent.

Le salon est baigné par la lumière tamisée des lampes design, qui donnent aux meubles des reflets chauds, presque rassurants. Elle est là, immobile, sur le canapé, ses jambes croisées avec une grâce innée. Elle me regarde, ce sourire tranquille aux lèvres, celui qui m’a séduit dès le premier regard, celui qui m’a fait croire que rien ne pourrait nous séparer.

Elle est belle. Toujours. Une beauté qui transcende la mode et le temps. La beauté lumineuse d’un mannequin, fine, élancée, où chaque mouvement se fait danse naturelle, sans effort, une grâce innée. Ses cheveux blonds presque platine tombent en cascade sur ses épaules étroites, encadrant un visage sculpté, délicat, aux pommettes hautes et aux lèvres pleines, toujours ourlées d’un léger rose naturel. Ses yeux, d’un bleu clair comme une mer calme, semblent lire en moi sans effort, percer ce masque que j’essaie d’afficher.

Elle porte une robe noire simple, élégante, qui épouse ses courbes sans artifice. Une silhouette sans excès, harmonieuse, maîtrisée parfaite, dirait-on, pour les couvertures de magazines, pour les soirées éclairées par les projecteurs.

Je sens son regard se poser sur moi tandis que je m’approche, un mélange d’attente et de douceur dans son expression.

— Tu rentres tard, dit-elle calmement, sans jugement. J’avais commencé à me demander où tu étais.

Je serre la mâchoire, le poids de cette journée m’écrase. Ce n’est pas le moment de parler. Pas maintenant. Pas avec elle.

— Je viens de la clinique, murmurai-je, la voix rauque.

Elle hoche la tête, comme si elle avait déjà anticipé cette réponse. Elle connaît mes silences, mes absences, mes humeurs parfois sombres. Elle connaît la douleur que je cache, le chagrin qui me ronge.

— Tu sais que je n’ai jamais voulu d’enfants, non ? lance-t-elle d’un ton qui se veut presque détaché, mais qui trahit un fond d’émotion contenue.

Je la regarde, mes yeux rencontrant les siens. Ce n’est pas une reproche. C’est une vérité qu’elle porte depuis toujours, une conviction solide. Elle aime sa liberté, sa carrière, sa vie à deux sans complications. Nous en avons parlé mille fois, avant même de nous marier.

— Je sais, répondis-je, presque mécaniquement , mais moi j'en voulais , la gorge serrée.

Elle sourit, un sourire doux mais un peu triste, comme si elle devinait que je cache quelque chose de plus lourd, un secret que je ne peux lui dire. Mais elle ne demande rien. Elle respecte ce silence, cette barrière invisible que je dresse entre nous.

Je m’assois sur le canapé, les épaules lourdes, la tête pleine de pensées tourbillonnantes. La rencontre sur le toit avec Clara ne cesse de me hanter. Cette fille inconnue, sa peur, sa douleur. Son secret enfoui.

Je voudrais lui parler, comprendre. Pourtant, je suis pris au piège de ma propre vie, de ce mariage sans enfants, de cette façade tranquille qui masque une tempête intérieure que je ne sais plus comment exprimer.

Je me lève, marche lentement vers la fenêtre. La ville s’étire sous la nuit, un océan de lumières pâles, presque irréelles. Je ferme les yeux un instant, respire profondément, tente de calmer ce chaos qui déchire ma poitrine.

Elle s’approche, pose une main douce sur mon épaule, un geste simple, chargé de tendresse et d’attente.

— Tu veux en parler ?

Je secoue la tête, incapable de formuler les mots, prisonnier de mon silence. Alors elle se contente d’être là, silencieuse, une ancre dans ma dérive, la présence rassurante qui me retient.

Dans le tumulte de mon esprit, une idée folle germe : revoir Clara.

Peut-être que dans son regard, dans son mystère, je trouverai un sens à ce chaos qui me déchire.

Mais pour l’instant, je reste prisonnier de ce silence partagé, entre deux âmes qui ne savent plus comment se parler, un couple construit sur l’amour mais rongé par les non-dits.

Je m’éloigne doucement d’elle, traverse la pièce. L’appartement semble trop grand ce soir, trop vide malgré la richesse de sa décoration épurée, ses œuvres d’art choisies avec soin.

Je me laisse tomber dans un fauteuil, ferme les yeux. La nuit est longue.

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