Chapitre 2 : Le Pacte Oublié

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Le matin se leva sans promesse.

Un faible rayon de lumière filtrait par une fissure dans la paroi, traçant une ligne pâle sur la peau nue d’Isalys. La nuit avait été longue. Inconfortable. Chaque minute s’était étirée comme une éternité, les bruits de la grotte peuplés de grognements, de pas lents et de murmures qu’elle ne comprenait pas. Elle n’avait pas dormi. Pas vraiment. Son corps était resté en tension, prêt à fuir — même attachée.

Et pourtant, une part d’elle restait curieusement calme. Ce n’était pas normal. Elle aurait dû paniquer, hurler, s’effondrer. Mais quelque chose la retenait. Quelque chose d’étrange, d’invisible… comme un fil accroché à sa poitrine, tendu vers l’inconnu.

Vers lui.

Thorne.

Elle n’avait pas besoin de demander son nom. Il portait l’autorité naturelle de ceux qui n’ont jamais eu à se présenter. Son regard, sa posture, sa voix… il était le centre d’un monde auquel elle n’appartenait pas. Mais son arrivée avait changé l’équilibre. Et Isalys sentait, sans comprendre pourquoi, qu’elle aussi bouleversait quelque chose chez lui.

Les pas revinrent.

Elle se redressa autant que ses liens le permettaient. Une silhouette fine entra dans la grotte — une femme. Belle, puissante, au regard froid. Ses cheveux noirs tressés retombaient sur une armure de cuir sombre. Elle portait un plateau de métal sur lequel fumait un bol de soupe.

— Tu dois manger.

Isalys la fixa. Elle ne bougea pas.

— Je ne suis pas ton ennemie, humaine. Et si tu veux survivre ici, tu ferais mieux de garder tes forces.

Elle déposa le plateau à ses pieds. Puis, sans douceur mais sans brutalité, elle coupa les liens.

Isalys se frotta les poignets, mais ne fit toujours aucun geste vers la nourriture.

— Qui es-tu ? demanda-t-elle enfin.

— Je suis Vaena. Bêta de la meute de Thorne.

— Pourquoi suis-je ici ?

Vaena eut un rictus sans joie.

— Ce n’est pas à moi de répondre. Thorne le fera… quand il le jugera bon.

Elle tourna les talons et sortit sans ajouter un mot.

Isalys regarda le bol. L’odeur de thym et de viande lui noua l’estomac. Contre sa volonté, elle trempa les lèvres, puis prit une gorgée. Elle réalisa à quel point elle avait faim. Elle termina le bol en silence, puis resta immobile, le regard perdu dans la lumière pâle.

Thorne ne revint pas ce jour-là.

Mais la nuit, il apparut dans ses rêves.

Elle était dans une forêt. Nue. Courant sans savoir où aller. La lune baignait les feuilles d’une lueur argentée. Et derrière elle, des pas. Non… une présence. Il ne parlait pas. Ne la touchait pas. Mais il était là, dans son dos, dans sa nuque, dans son souffle.

Et quand elle se retourna, il était là. Nu lui aussi. Ses yeux dorés plantés dans les siens. Et il murmurait :

— Tu es à moi.

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Le lendemain, elle fut emmenée.

Deux gardes l’attendaient à l’entrée de la grotte. De jeunes hommes massifs, tatoués de symboles anciens. Ils ne parlèrent pas. L’un d’eux lui lança un manteau de fourrure qu’elle enfila à contrecœur. Ils la guidèrent à travers les galeries sombres de la montagne, puis vers l’extérieur.

Le paysage la laissa sans voix.

Le territoire des lycans n’était pas un repaire de bêtes. C’était une forteresse naturelle, nichée dans une vallée sauvage, protégée par des pics inaccessibles. Des cabanes en bois massif, des tentes, un feu central. Une vraie communauté.

Des enfants jouaient. Des femmes riaient autour du feu. Des hommes réparaient des armes. Et tous, tous s’arrêtèrent à son passage.

Le silence tomba comme une vague.

Leur regard n’était pas haineux.

Il était… curieux.

Comme si elle était une apparition. Un présage.

On l’amena jusqu’à une bâtisse plus grande que les autres. Une sorte de longhall aux poutres anciennes. Thorne y attendait.

Assis sur un large fauteuil taillé dans une souche millénaire, il la fixa sans dire un mot. Vaena se tenait à sa gauche. À droite, un vieil homme aux yeux voilés, vêtu d’une cape de plumes sombres.

— Laissez-nous, dit Thorne.

Tous sortirent.

Le silence s’installa. Isalys soutint son regard.

— Pourquoi suis-je ici ? répéta-t-elle, la voix plus ferme.

Il se leva. Avança lentement.

— Parce que tu portes une marque, Isalys. Une marque que même toi, tu ignores.

Elle fronça les sourcils.

— De quoi parles-tu ?

Il s’arrêta à un mètre d’elle. Baissa les yeux. Puis, d’un geste lent, il tendit la main vers son épaule. Elle recula, mais il n’insista pas. Il tira doucement sur le col de sa tunique.

Et elle vit.

Un symbole, gravé dans sa peau. Foncé. Ancien. Une lune entre deux griffes. Elle n’avait jamais vu ça. Jamais senti sa présence.

— Ce symbole… murmura-t-elle.

— C’est celui du Pacte Lyrien. Un pacte ancien, signé entre ton sang et le mien. Entre nos lignées. Un lien d’âme. Une union sacrée.

Elle recula.

— C’est impossible. Je n’ai jamais…

— Et pourtant tu le portes.

Il avança d’un pas.

— Ce symbole, Isalys, signifie que tu es destinée à devenir l’âme sœur de l’Alpha.

Son cœur s’arrêta.

— Non. Non, je ne suis pas…

— Ce lien n’est pas un caprice. Il a été écrit par la Lune elle-même. Par le destin. Et maintenant que tu es ici, il grandit. Tu le sens, n’est-ce pas ?

Elle haleta. Elle voulait le nier. Mais elle savait qu’il disait vrai. Ce frisson dans sa nuque. Cette chaleur dans son ventre. Ce rêve…

— Tu n’as pas le choix, conclut Thorne. Tu es liée à moi. Et je suis lié à toi.

Elle sentit ses jambes faiblir.

Captive. Oui.

Mais pas enchaînée par des cordes.

Enchaînée par quelque chose de bien plus cruel.

Le destin.

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