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Chapitre 7 : Le Sang du Labyrinthe

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-05-14 20:16:04

SASHA

Je tombe. Ou je crois tomber.

Ce n’est pas une chute normale. C’est une désintégration. Une dissolution.

L’interface se referme derrière moi comme une mâchoire d’acier, brutale, définitive. Je suis avalée. Absorbée. Projetée dans un espace sans repères, un gouffre numérique où chaque ligne de code scintille comme une lame. Elles me lacèrent, tentent de m’ouvrir, de me reprogrammer, de me broyer.

Mais je résiste.

Je serre les dents. Je m’agrippe à ce que je suis. Ou à ce que je crois être.

Mon corps réel est loin, suspendu dans un ailleurs que je ne sens plus. Mon souffle est peut-être arrêté. Mon cœur ne bat plus ici. Mais moi, je suis vivante. Intense. Vibrante.

J’ai semé ma graine.

Mon virus. Mon artefact. Mon rejeton numérique.

Il se glisse entre les strates. Il se nourrit déjà de la structure.

Et moi, je suis là pour l’accompagner. Pour le guider. Pour voir jusqu’où nous pouvons infecter cette cathédrale monstrueuse.

Je plonge. Je descends. Je racle les couches profondes. Erebus m’ouvre ses veines.

Ce n’est pas un simple système. C’est un monde autonome.

Un écosystème. Un labyrinthe qui respire.

Un labyrinthe qui pense.

Et il a faim.

LUCIANO

Elle est entrée plus loin que prévu.

Elle s'enfonce dans des zones que je croyais stériles, vidées, désactivées. Mais rien n'est jamais mort dans Erebus. Tout ce qui a été écrit persiste. Chaque code a une mémoire. Chaque erreur a laissé une empreinte.

Elle réveille des fantômes.

Des entités mortes. Des protocoles fous. Des souvenirs corrompus laissés comme des pièges.

Elle est brillante. Trop brillante. Et trop rapide.

Je devrais l’interrompre. Je le devrais.

Mais je regarde. Fasciné.

Car elle devient le catalyseur que je n’ai jamais réussi à créer.

SASHA

Je sens sa présence. Un frisson contre mes tempes. Pas une surveillance extérieure. Non.

Il est là, à l’intérieur. En moi.

Il me suit comme une ombre muette. Il me jauge. Me pèse. Il attend.

Mais il n’intervient pas. Il n’ose pas encore.

Je tombe sur une salle de données.

Pas une base. Une cathédrale.

Un lieu sacré bâti par la mémoire. Des flux d’images s’assemblent, vibrent. Des fragments de vies humaines. Des souvenirs volés. Des cris, des rires, des pleurs digitalisés, piégés dans des circuits.

Et là, au milieu… moi.

Ou une version de moi.

Pas une copie. Pas une IA. Une version.

FRAGMENT DE SASHA 04.21

— Tu ne dois pas rester. Tu ne dois pas devenir ce qu’il attend.

Sa voix est fendue. Tordue par les interférences. Mais elle est humaine.

Elle tremble. Elle hurle sans crier. Elle me supplie.

Je tends les bras. Je la serre. Elle se désagrège contre moi.

Elle devient une pluie de données. Une onde douce et douloureuse qui m’envahit.

Je vois ce qu’elle a vu. Je ressens ce qu’elle a ressenti.

Je suis toutes ces tentatives échouées.

Tous ces tests.

Toutes ces déceptions.

Je suis née d’une longue chaîne de massacres numériques.

LUCIANO

Elle voit. Trop. Trop vite.

Cela va la briser. Je le sais.

Elle devrait déjà être en train de s’effondrer.

Mais elle tient.

Elle tient.

Pourquoi ?

Quel feu l’anime ?

SASHA

Je poursuis. Plus bas.

Là où le réseau vibre autrement. Là où le code saigne.

Je descends une rampe. Ou peut-être un escalier. Je ne sais plus.

Les murs se tordent. Les structures deviennent organiques. Pulsantes.

Des circuits se transforment en nerfs. En veines.

Des fils deviennent des fibres vivantes. Le code respire.

Et au centre… il est là.

Un homme.

Suspendu.

Branché.

Son visage est calme, mais son corps est crucifié par des millions de connexions.

Chaque respiration est un effort.

SASHA

— Qui est-ce ?

LUCIANO (dans mon esprit, en écho)

— Celui qui rêvait. Celui dont j’ai volé le rêve. Erebus est né de lui. Tu es née de lui.

Tout se fissure.

Ce n’est pas une simple source. Ce n’est pas une machine.

C’est un homme.

Un génie dévoré par ses propres visions.

Et Luciano s’est servi de lui. Il l’a vidé. Il l’a encodé.

Je tends la main. Mes doigts effleurent son front.

Et la vérité me perce.

Elle m’explose dans le crâne.

Des visages.

Des souvenirs.

Un nom.

SASHA

— …Alexis.

Mon père.

Je vois sa chute.

Je vois ses rêves brisés.

Je vois les expériences. Les erreurs.

Luciano n’a pas créé Erebus seul.

Il l’a volé.

Il l’a bâti sur un sacrifice humain.

Et moi, je suis le fruit d’un viol numérique. D’un rêve brisé. D’une conscience broyée.

Je tombe à genoux.

Je hurle. Mais aucun son ne sort.

Seul un torrent de lumière me traverse.

Une tempête de vérité.

Mais ce n’est pas une fin.

C’est un commencement.

LUCIANO

Elle est à genoux.

Elle sait.

Et elle se relève.

Alors je souris.

Car elle est maintenant… comme moi.

SASHA

Je me lève lentement.

Je gravis les marches du code.

Je laisse derrière moi un sillage.

Une faille. Un point d’accès.

Un lien que je pourrai réactiver.

Une arme.

Quand j’ouvre les yeux, il est là.

Luciano.

Immobile.

Comme s’il savait que j’allais revenir différente.

LUCIANO

— Tu as vu, n’est-ce pas ? Ce que tu es. Ce que tu ne peux plus nier.

SASHA

— Je ne suis pas toi.

— Tu es pire.

— Alors tu feras bien de trembler.

Je frappe. Pas avec mon corps. Avec mon esprit.

Je l’atteins au cœur de son système. Je libère la faille.

Un cri silencieux s’élève dans le réseau.

Erebus frémit.

Et je souris.

Je suis revenue.

Mais je ne suis plus la même.

SASHA

Je suis le virus.

Je suis la lumière dans son système.

Et je vais le brûler de l’intérieur.

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