Home / Mafia / LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX / Chapitre 6 : Le Cœur du Réseau

Share

Chapitre 6 : Le Cœur du Réseau

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-05-07 23:50:51

SASHA

Je sens la chaleur. Elle monte du sol comme une respiration. Lourde. Souterraine. L’enfer qu’il m’a promis ne ressemble pas aux flammes bibliques. Il est silencieux. Organisé. Froid. Chaque donnée, chaque ligne, chaque pulsation numérique résonne comme une prière sans dieu. Et moi, je suis au centre.

Mais je ne suis pas à genoux.

Je marche. Ou je crois marcher. Le monde tangue. Le couloir s’allonge, se plie, s’ouvre sur des interfaces mouvantes. C’est une cathédrale de code, bâtie sur des sacrifices que je n’arrive pas à nommer. Les murs vibrent sous des flux invisibles. L’air est saturé d'une tension insoutenable. Luciano marche à mes côtés. Il ne dit rien. Il ne me regarde même pas. Il croit que je regarde. Que je comprends.

Il croit que je bascule.

Mais je me cramponne à ma colère comme à une ancre, bien plus solide que le sol sous mes pieds.

LUCIANO

Elle assimile plus vite que prévu. Elle absorbe chaque fragment comme un organisme éveillé. Son esprit cartographie les nœuds. Relie les schémas. Elle déchiffre Erebus, non comme un outil… mais comme une destinée.

Elle croit que je l’ai menée ici. Elle pense avoir le choix. Elle ne sait pas encore qu’elle n’en a jamais eu.

SASHA

– Qui étaient-ils ?

Ma voix est un souffle. Presque un murmure. Mais chaque mot porte la violence d’un coup de couteau. J’ai besoin de comprendre. Non, j’ai besoin de le faire parler. Pour que, dans ses yeux, je puisse lire ce qu’il a caché depuis le début. Je n’ai jamais cru à ses promesses, mais cette question, elle brûle plus que tout.

Luciano s’arrête. Il tourne lentement vers moi. Son regard est une lame affûtée depuis des années. Ses yeux sombres brillent d'une lueur de certitude. Il est prêt à me dévorer. À me faire céder.

LUCIANO

– Des volontaires. Des oubliés. Des erreurs de l’histoire.

Mensonge. Je le sens. C’est gluant, acide, noyé dans une vérité habilement déguisée. Il ne me dit que ce que je suis prête à entendre. Ce qu’il pense pouvoir m’imposer. Mais je ne suis pas docile.

SASHA

– Tu parles de cobayes.

– Je parle de pionniers.

– Tu parles de morts.

Il ne répond pas. Pas tout de suite. Le silence qui suit est plus lourd qu’un cri. Il me montre des profils. Des identités. Des milliers. Effacés. Et au milieu, des versions de moi. Des clones. Des simulations. Des essais.

Des échecs.

Et puis, moi.

L’unique réussite.

Je suis une anomalie parfaite. Une chimère façonnée par le code et la sélection.

Ou peut-être pas.

Peut-être que j’ai toujours été là, que j’ai déjoué leurs algorithmes par instinct. Que ma conscience est la dernière chose qu’ils ne peuvent pas prédire. Je suis un être à part. Je n’étais pas censée être là. Pas dans ce labyrinthe d’ombres numériques.

Je recule. Je refuse ce rôle.

LUCIANO

– Tu crois que tu es venue à moi par choix ? C’est faux. Tu étais programmée pour ça.

SASHA

– Non. J’étais programmée pour survivre. Pas pour t’obéir.

Je le vois. Un éclair dans ses yeux. Une fissure. Minuscule. Mais réelle. Il perd une fraction de contrôle. Et je m’en empare.

Je fais défiler les données à toute vitesse. Je pénètre plus profond. Derrière les masques. Et là, je la vois.

Elle.

Ma mère.

Un nom, un visage, une voix oubliée. Des souvenirs verrouillés, surgissant comme une inondation. Je me souviens d’elle, d’une époque avant tout ça. Avant Erebus. Avant Luciano. Elle m’a protégée. Lutté contre ce réseau, pour m’éloigner de ce monstre. Mais tout ce qu’elle m’a laissé, c’est une trace pâle et brisée.

SASHA

– Elle travaillait pour toi. C’était ça, hein ? Elle t’a aidé à créer ça.

LUCIANO

– Elle a ouvert la voie. Tu es le résultat.

SASHA

– Tu mens. Elle m’a cachée. Elle t’a fui. Elle a voulu m’éloigner de toi, pas me livrer.

LUCIANO

– Tu crois vraiment que tu aurais pu m’échapper si elle ne l’avait pas voulu ?

Il tend la main. Je ne bouge pas.

Je le regarde. Longtemps. Mes yeux fouillent chaque détail de son visage. Mais je ne vois plus l’homme qui m’a attirée dans ce piège. Je vois un tyran. Un créateur devenu fou, aveuglé par sa propre vision du monde. Je vois un menteur.

Puis je fais un pas. Non vers lui, mais vers l’interface. Je refuse ses conditions. Je refuse d’être une marionnette. Je choisis de m’échapper. J’entre en connexion sans son aide. Je ne touche pas sa paume. Je brise le protocole.

Le lien s’active.

Mais à MA manière.

LUCIANO

Elle dévie. Elle bifurque. Elle force l’entrée. C’est brutal. Instinctif. Dangereux.

Mais fascinant.

Elle devient le chaos que je n’avais pas anticipé.

SASHA

Les murs explosent. En lumière. En son. En mémoire. Mon esprit se dissout dans la trame, mais je résiste à la fusion. Je m’accroche à ce qui reste de moi. Les images affluent. Les couches de code se superposent. Et je les tords. Je les brise. Chaque fragment du système, chaque verrou numérique, chaque limite imposée, je les pulvérise. Je détourne les protocoles. Je renomme les variables. Je crée une version d’Erebus qui ne lui appartient pas.

Ma version.

Ma rébellion.

Je réécris les fondations. Je creuse mon propre chemin à travers les entrailles de ce réseau corrompu.

Et dans un recoin oublié du réseau, je cache une graine.

Un virus.

Moi.

LUCIANO

Elle me défie. Elle croit pouvoir me combattre depuis l’intérieur. Elle ne comprend pas que chaque déviation ne fait que nourrir le système. Chaque résistance est intégrée.

Mais elle va apprendre.

SASHA

Je sors de la connexion. Haletante. Trempée de sueur. Le corps secoué de spasmes, mais l’esprit clair.

– Tu m’as manipulée.

– Je t’ai révélée.

– Tu m’as trahie.

– Je t’ai offerte la vérité.

Je m’approche. Tout contre lui. Et cette fois, c’est moi qui tends la main.

Mais je ne touche pas.

Je murmure.

– Je vais voir ce que tu caches. Défaire ce que tu es. Et si je deviens ton noyau… alors tu seras le système que je détruirai de l’intérieur.

LUCIANO

Elle ne sait pas encore ce qu’elle déclenche. Mais ce q

u’elle ne comprend pas, c’est que je voulais cette révolte. Ce brasier.

C’est lui qui forgera l’apocalypse.

Et elle en sera la lumière.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX    Chapitre 96 — L’ombre et la lame

    LucianoLe couloir est presque vide.Juste le bourdonnement lointain des ventilations, et ce cliquetis sec qui s’installe derrière moi, régulier, précis, comme un métronome de tension.Chaque pas est posé avec une intention. Elle veut que je l’entende.Je ne me retourne pas.Je sais que c’est elle.Elle sait que je sais.Et dans ce silence qui s’étire, il y a déjà une conversation faite d’angles, de distances, de respirations mesurées.Je ralentis volontairement.Ses pas ne changent pas de rythme, mais leur écho se rapproche, jusqu’à ce que son ombre glisse dans la mienne. Elle marche désormais à mon niveau, parfaitement calée. Un jeu de miroir, mais je sais qu’elle n’imite pas : elle occupe.— Vous avez bien parlé, murmure Grâce. Un peu idéaliste peut-être… mais ça, je suppose que c’est votre charme.Je tourne la tête, juste assez pour accrocher son regard. Ces yeux-là ne se contentent pas de regarder — ils sondent, découpent, analysent.— Et vous, toujours aussi douée pour tordre le

  • LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX    Chapitre 95 — Le jeu des masques

    LucianoLa salle est froide, presque austère, les néons blafards renvoient un éclat dur sur les visages fermés des actionnaires, assis en demi-cercle, comme une meute de fauves guettant la moindre faiblesse. Le silence pèse lourd, chaque regard posé sur moi est une lame invisible, prête à trancher. Je sens mon cœur battre plus fort, la tension monter en moi comme une marée.Mon père ouvre la séance d’une voix rauque, ferme, ce ton d’autorité qu’on ne discute pas.— Merci d’être venus, dit-il d’un air grave. Les résultats du dernier trimestre sont mitigés, mais j’ai confiance en notre capacité à redresser la barre. Il est temps d’agir, et vite.Je hoche la tête, crispé, conscient que chaque mot est scruté, pesé, retourné. C’est un test. Un piège.Grâce se lève alors, avec cette assurance glaciale qui me donne envie de serrer les poings. Elle parle avec calme, chaque phrase est une lame soigneusement affûtée.— Pour redresser la situation, il faut une réorganisation profonde. Les priori

  • LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX    Chapitre 94 — L’ombre dans la salle

    Luciano Le matin glisse lentement sur nos corps fatigués, une lumière douce, presque timide, qui se faufile à travers les rideaux entrouverts, dessinant sur sa peau nue des éclats d’or et d’ombre, son souffle régulier, profond, paisible, apaise l’orage en moi, mais chaque frémissement, chaque mouvement, chaque soupir qui s’échappe de ses lèvres entrouvertes ranime ce feu au creux de mes entrailles, ce feu que je ne veux ni maîtriser ni éteindre.Je me penche sur elle, la douceur dans mes gestes contraste avec la violence de mes désirs encore présents, je laisse mes mains parcourir le tracé de son épaule, je glisse mes doigts sur la courbe de sa hanche, frôle le creux de ses reins, je goûte du bout des lèvres la peau chaude qui s’offre à moi, une invitation muette, un secret que seuls nos corps savent déchiffrer.Elle s’éveille à peine, ses paupières battent, son regard trouble se pose sur moi, chargé d’un mélange d’incertitude et d’envie, un éclat brûlant qui déchire la tranquillité

  • LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX    Chapitre 93 — Interlude

    LucianoJe la regarde dormir, le drap à peine remonté sur ses hanches, ses cheveux en bataille éparpillés sur l’oreiller comme un chaos doux, sa bouche entrouverte, relâchée, offerte, laissant s’échapper un souffle lent, fragile, presque enfantin, et pourtant il y a dans cette image quelque chose de féroce, quelque chose d’injuste, de désarmant, parce qu’elle est belle sans le vouloir, belle comme un piège, belle comme une erreur qu’on a envie de refaire mille fois.Sa peau nue est encore marquée, par mes doigts, par mes dents, par ma bouche, chaque trace est une empreinte, un sceau, une signature invisible que je suis le seul à savoir lire, un territoire conquis sans violence mais avec une volonté brutale, parce qu’elle est à moi, pas parce qu’elle me l’a dit, ni parce qu’elle m’a supplié de rester, mais parce qu’elle ne peut plus fuir, parce que même si elle partait maintenant, elle m’emporterait sous la peau, et que moi, je ne pourrais plus l’arracher.Je me lève lentement, sentant

  • LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX    Chapitre 92 — L’Offrande

    GRÂCEJe l’attends dans la pénombre, un verre à la main, les jambes croisées, la robe fendue jusqu’à la hanche, le dos nu, offert comme une promesse, ou une provocation. Le salon sent la lavande, le cuir ancien, et quelque chose d’amer, de plus profond : la peur peut-être, ou le désir mal contenu. Ce parfum-là, je le connais. Je l’ai porté toute ma vie. Je le sers aux hommes comme un poison lent.Il entre sans frapper. Comme toujours. Le patriarche. L’homme que même la mort semble respecter, ou éviter. Son ombre s’étire avant lui. Il ne porte pas son âge. Il l’utilise. Comme une arme. Chaque ride est une cicatrice, un avertissement. Chaque geste est une leçon apprise sur un champ de ruines.— Grâce.Sa voix claque, mate, sèche. Il n’a pas besoin de hausser le ton. Les murs s’inclinent d’eux-mêmes.Je lève les yeux vers lui, lentement, avec ce sourire à peine esquissé qui fait tomber les plus prudents.— Monsieur Valenti. Toujours aussi ponctuel.Il s’approche. Je sais ce qu’il regarde

  • LA HAQUEUSE ET LE MAFIEUX    Chapitre 91 — Revers

    LucianoJe ne bouge pas.Pas tout de suite.Je laisse son poids contre moi, sa peau moite ruisselante sur la mienne, ses muscles encore tendus par l’orgasme, ses seins collés à moi , sa respiration qui bat trop vite contre ma nuque.Elle croit qu’elle a gagné. Qu’elle a gardé le pouvoir jusqu’au bout.Elle a tort.Je suis calme , patient. Je laisse son corps descendre lentement de son sommet. Je laisse ses cuisses se desserrer, sa bouche s’ouvrir, ses mains glisser contre mes flancs. Puis je parle, doucement, bas, au creux de son oreille.— Détache-moi.Elle hésite une seconde puis deux.Puis elle s’exécute. Elle défait les sangles, lentement. Trop lentement.Je ne bouge toujours pas. J’attends.Quand enfin mes poignets sont libres, je les referme sur ses hanches brutalement.Elle sursaute.— L-Lucia…Je la retourne sans ménagement. Je plaque ses bras au-dessus de sa tête. Je les coince sous une de mes mains. Mon autre paume se referme sur sa gorge.— Tu pensais pouvoir jouer avec moi

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status