CHAPITRE 6

Xavier POV

Prenant une profonde inspiration, un soulagement m'envahit tandis que je lève les yeux vers la femme aux yeux marron qui ment comme une arracheuse de dents. Je m'attendais à lire de la peur et de l'abandon dans son regard, mais, au lieu de cela, son regard est profondément troublant, ne me laissant qu'une seule option pour dissiper ce malentendu.

Ses cheveux. Ces cheveux blancs stupides et déroutants.

« André ? » crie M. Moore derrière sa femme, me laissant d'autre choix que de me détourner de cette menteuse.

Mme Moore se tourne également vers son mari et se jette dans ses bras en s'écriant en larmes :

- Mon enfant, Nicolas. Mon enfant est là.

- André ?

Les yeux de M. Moore ne quittent pas les siens, tandis que j'observe une lueur de désapprobation et de doute dans ses yeux brillants.

Mon regard se pose sur celui d'André. Ses lèvres tremblent et ses yeux sont humides. Elle ne se précipite pas pour embrasser son père, comme je m'y attendais en le voyant.

Est-ce parce qu'elle lui en veut encore de l'avoir forcée à marcher avec moi dans l'allée ? Ou est-ce juste une de ses stratégies pour nier être la femme qu'elle est ?

Je ne peux vraiment pas nier qu'elle est différente. Ou peut-être que quelque chose a changé chez elle. Presque tout en elle. Mais je ne tomberai pas dans son piège stupide de prétendre être quelqu'un d'autre qu'elle n'est pas.

Les sanglots de Mme Moore remplissent l'air, tandis que la main de son mari reste à ses côtés au lieu de tapoter la femme en guise de consolation.

Soudain, elle se détache de lui et se précipite aux côtés d'André.

- Comment oses-tu ?!

Les yeux d'André s'écarquillent et elle commence à secouer doucement la tête, jusqu'à ce qu'une larme coule de ses yeux.

- Je ne suis pas André, Madame, admet-elle doucement.

Je suis insensible aux larmes des femmes. Mais maintenant, la simple vue d'une goutte de larmes me noue l'estomac.

Est-ce de la culpabilité ou... qu'est-ce que c'est que ça ?

D'ailleurs, je n'ai jamais vu André en larmes. Elle doit faire semblant. Elle veut continuer jusqu'au bout.

- Quoi ?! s'exclame la femme d'une voix aiguë, l'absence de ses sanglots me remplissant d'un sentiment de paix.

Je réfléchis sombrement, pas prêt à tomber dans son piège, alors que je regarde le drame du déni entre elle et sa mère.

- Il m'a prise pour votre fille, dit-elle en levant les yeux vers moi, puis se détournant vivement, la peur la consumant - probablement à cause de mon regard glacial ou de la colère qui m'envahit face à ce nouveau déni. - Je suis Jasmine Cooper. Je ne suis jamais allée à New York de toute ma vie. Mes parents sont morts depuis que je suis petite, et j'ai passé toute ma vie à Chicago, à faire des petits boulots pour survivre.

Personne ne l'interrompt. Pas même son père, comme je le pense. Quant à moi, la poussée d'adrénaline qui me parcourt l'échine m'empêche de dire un mot. Je croise les bras, essayant de toutes mes forces de ne pas faire d'imprudence.

Avec un soupir mélodramatique, elle poursuit, les yeux fixés sur la femme, submergée par le choc :

- Je ne vois aucune raison de nier être André, alors que je pourrais profiter de tout ce luxe que je n'ai pas eu à la naissance. Je ne suis pas André, je le dis depuis qu'il m'a enlevée à Chicago, mais il ne voulait pas me croire, renifle-t-elle.

Je la fusille du regard.

- Enlèvement ? je ricane, irrité. C'est le mot pour ce que j'ai fait ?

Elle ne répond pas. Elle évite aussi mon regard.

Personne ne dit un mot. J'ai beaucoup de choses à lui dire, mais pas ici. Elle m'agace à mort avec chaque mot qu'elle dit. Elle sait combien je déteste les gens qui font semblant, et pourtant elle fait ça : elle fait semblant d'être qui elle n'est pas.

Ça ne colle même pas à sa personnalité. L'André que je connais est un être fou, qui ne verserait jamais une larme ni ne serait aussi pathétique. Elle a aussi une voix forte, surtout quand elle est énervée, mais là, elle parle trop calmement à mon goût - peut-être pour me faire culpabiliser.

Mme Moore fixe son mari, dont le visage est impassible. En une fraction de seconde, elle fait face à André et commence à retrousser les manches de sa robe aussi vite que possible.

Je souris.

C'est exactement la même chose que j'ai faite.

Personne ne peut me convaincre que ce n'est pas André. C'est elle.

André Moore. Et elle va payer ses erreurs.

- On se marie demain à la liste de mariage, dis-je dès que sa mère pose les yeux sur le tatouage de bébé sur son bras. Il est toujours là.

C'est le deuxième élément parmi les nombreux qui prouvent qu'il s'agit bien d'André. André peut continuer à le nier autant qu'elle le veut, mais je connais la vérité, et je suis sûr que sa mère la connaît aussi.

- Quoi ?! s'exclame-t-elle en se retournant brusquement pour me faire face. Pourquoi cette précipitation ? On n'a même pas encore confirmé si ce qu'elle dit est vrai.

- Je m'en fiche, je hausse les épaules nonchalamment. Vraiment, je m'en fiche. Je ne laisserai pas ce qui s'est passé il y a des mois se reproduire. Elle doit remédier à la situation et...

- Ce n'est pas André, Xavier, déclare M. Moore, m'interrompant.

Je soupire de colère avant de me tourner vers lui. Je m'attendais à ça, mais pas de sa part. Je m'attends à ce que Mme Moore nie qu'il s'agisse d'André, mais pas lui.

- Ne me dites pas que vous tombez dans le panneau de ses tactiques...

- Je connais mon enfant, Xavier. Ce n'est pas elle ! affirme-t-il avec assurance, le regard fixe.

Cet homme a toujours eu peur de moi, mais ce soir, je ne vois pas cette peur.

André est la seule personne dans le coin qui n'a pas peur de moi, mais maintenant c'est l'inverse. Elle a peur de moi, et son père, non.

N'est-ce pas intéressant ?

- Comment ça alors ?

Je plonge les mains dans mes poches et m'avance vers lui avec un sourire amusé.

- Pourriez-vous m'expliquer la ressemblance frappante entre cette soi-disant Jasmine Cooper et André Moore, votre fille supposée ? Et le tatouage ? André est votre fille unique, n'est-ce pas ?

Je m'arrête devant lui, les yeux fixés sur lui, à la recherche d'une faiblesse sur laquelle m'attarder.

- André est ma fille unique, mais ce n'est pas elle. Tu connais si bien André ; elle n'est pas comme ça. Elle...

- Épargne-moi tes conneries ! je crie avec colère, les mains en l'air, tandis qu'il cligne nerveusement des yeux, la peur que j'attendais reprenant le dessus dans son regard. Je ne suis pas d'humeur à me chamailler avec toi, Nicholas. J'aurais dû savoir que tu ferais tout ton possible pour protéger ta folle de fille de moi, mais attention : je ne te lâcherai pas cette fois. On se marie demain à la liste de mariage, que ça te plaise ou non !

Sans attendre de réponse, je me retourne et me dirige vers André, immobile comme une statue, observant le drame entre son père et moi.

C'est l'une des raisons pour lesquelles elle me défie. Avant d'accepter de m'épouser, elle m'a fait promettre de respecter son père après le mariage, et je lui ai promis.

Après le mariage de demain, je commencerai à tenir ma promesse, mais pour l'instant, il n'est rien d'autre qu'un imbécile de vouloir la protéger de moi après toute l'humiliation qu'elle m'a fait subir.

J'attrape les mains froides d'André, envoyant un autre indice à mon esprit à propos de ses mains chaudes habituelles, mais je l'ignore et la traîne pratiquement avec moi jusqu'à la porte.

- On se voit demain à la réception, Nicolas, dis-je assez fort pour qu'il m'entende sans m'arrêter, tandis que l'homme à la porte pousse la porte pour nous permettre, à André et moi, de sortir de la maison dans laquelle elle ne remettra plus jamais les pieds.