LOGINLe lundi matin s’annonçait comme tous les autres, du moins en apparence. Le soleil filtrait timidement à travers les stores du grand appartement d’Isalya Lysandre, dessinant sur les murs les reflets d’une journée qui s’éveillait. Le silence, seulement troublé par le ronronnement discret de la machine à café, contrastait avec le tumulte intérieur qu’elle s’efforçait d’apaiser.
Assise sur son tabouret de cuisine, tasse en main, elle feuilletait distraitement les notifications de son téléphone : mails, rappels de réunions, un message de Selyra. Rien d’extraordinaire. Et pourtant, chaque vibration de l’écran semblait lui rappeler un écho de la veille.
Elle inspira profondément, comme pour se ramener à la réalité. Aujourd’hui, elle devait se concentrer. Elle était analyste financière senior et gestionnaire de portefeuille dans une société d’investissement internationale — un poste exigeant, rigoureux, où la moindre erreur se payait cher. Et ce matin, comme à chaque début de semaine, elle avait un rapport à finaliser avant la réunion de direction.
Elle enfila un tailleur crème, attacha ses cheveux en un chignon soigné et enfila ses escarpins. Devant le miroir, son reflet semblait serein, professionnel, parfaitement maîtrisé. Personne n’aurait pu deviner le tumulte de pensées qui dansaient encore derrière ses yeux.
Les bureaux de Lornay Capital respiraient la discipline et la précision. Le bruit des claviers se mêlait au léger vrombissement des imprimantes, et les conversations se faisaient à voix basse. Isalya traversa le grand open space d’un pas assuré, saluant d’un signe de tête les collègues déjà plongés dans leurs tableurs.
— Bonjour, Isalya, lança Marc, son assistant junior. Le rapport sur le portefeuille Asgard est prêt à être relu.
Mais à mesure qu’elle s’installait à son bureau, ses pensées dérivaient. La chanson du bar lui revenait, sans prévenir, comme une vague discrète. Les notes, sa voix à lui, la chaleur de l’instant — tout semblait s’être imprimé en elle. Elle cligna des yeux, secoua la tête, et rouvrit son ordinateur.
Non, pas maintenant.
Sur son écran, les chiffres défilaient, les courbes prenaient forme, les rendements s’affichaient. Le langage rationnel de la finance — froid, méthodique — l’aidait à se recentrer. C’était sa manière à elle de reprendre le contrôle.
Pourtant, il suffisait d’un rien pour que la faille se rouvre. Un client portant le même parfum que Tavrik, croisé dans le couloir. Une brève chanson à la radio, semblable à celle du Blue Velvet. Et soudain, tout revenait. Son regard. Son sourire. Sa voix grave lorsqu’il l’avait appelée par son prénom.
La matinée passa rapidement. Entre deux présentations et quelques échanges avec le siège de Londres, Isalya réussit à maintenir l’illusion d’un calme total. Elle plaisantait avec ses collègues, échangeait sur les fluctuations des marchés, et donnait des instructions précises à son équipe.
Mais à midi, seule dans la cafétéria, elle s’autorisa une minute de pause. Le café chaud entre les mains, elle regardait distraitement les passants à travers la baie vitrée. Et c’est là qu’elle se rendit compte : chaque homme brun qui passait lui rappelait vaguement Tavrik. C’était absurde. Irrationnel. Et pourtant, impossible à ignorer.
Selyra lui écrivit à ce moment-là :
Selyra 💫 : Alors, ton lundi ? Toujours en train de penser à ton mystérieux inconnu ? 😏
Isalya esquissa un sourire.
Isalya : Je bosse. J’ai pas le temps pour ça.
Selyra : Menteuse.
Elle reposa le téléphone, amusée malgré elle. Selyra avait ce don de la ramener à la légèreté, même dans les moments où elle se prenait trop au sérieux.
L’après-midi s’étira lentement. Elle présenta ses résultats devant le comité, répondit à des questions techniques, argumenta sur les stratégies d’investissement à adopter pour le trimestre. Son ton était sûr, posé, professionnel — comme toujours.
Mais dans les intervalles, entre deux phrases, entre deux respirations, son esprit retournait au Blue Velvet. À la façon dont il l’avait écoutée chanter, concentré, presque captivé. À la manière dont il lui avait parlé, avec cette assurance tranquille, mais sans arrogance.
Quand la réunion se termina, elle resta seule un moment dans la salle vide, les lumières tamisées. Elle posa les mains sur la table, baissa la tête et ferma les yeux.
Pourquoi lui ?
Sur le chemin du retour, dans sa voiture, elle croisa son reflet dans le rétroviseur. Elle avait l’air calme, presque impassible. Mais à l’intérieur, tout bouillonnait.
La voix douce de la chanteuse murmurait :
"Certains regards marquent plus que mille baisers…"
Elle leva les yeux, fixant le vide devant elle. C’était exactement ça. Un simple regard, et tout son équilibre s’était fissuré.
À plusieurs kilomètres de là, Tavrik sortait d’une séance de sport, essuyant la sueur sur son front. Il essayait, en vain, de se vider la tête.
Il avait pensé que ce serait une nuit comme une autre, une parenthèse sans suite. Mais depuis ce soir-là, rien n’était plus pareil. Il n’arrivait pas à s’intéresser à d’autres femmes. Même les messages de ses anciennes conquêtes lui semblaient fades.
— Tu tires une sale tête, mec, lança Kael, en s’asseyant à côté de lui dans le vestiaire.
Tavrik les fusilla du regard, mais ne répondit pas. Ils se mirent à rire, comme toujours, mais lui ne riait qu’à moitié.
Elle aurait pu l’appeler une folie. Une erreur.
Et pourtant, elle choisissait de ne pas le chercher. De laisser le destin décider. Elle n’était pas ce genre de femme qui courait après une histoire sans fondement. Elle avait trop travaillé, trop bâti sa stabilité pour tout ébranler sur un coup de cœur.
Mais parfois, malgré toute la raison du monde, le cœur refuse d’obéir.
Minuit approchait. Les lumières de la ville brillaient au loin à travers la baie vitrée.
Et tout revint.
Tavrik se réveilla ce lundi matin, encore prisonnier d’images qu’il n’avait pas cherché à convoquer.Le souvenir d’Isalya hantait ses pensées comme un parfum persistant : sa voix, son regard, la douceur féroce de ses gestes. Depuis ce week-end, il n’avait cessé de repasser la scène, encore et encore, comme un film impossible à effacer.Lui, Tavrik Drayce, connu pour son détachement et sa maîtrise de soi, ne reconnaissait plus le calme cynique qui faisait sa force. Une part de lui refusait d’admettre qu’une inconnue — une simple femme rencontrée dans un bar — puisse le troubler à ce point. Et pourtant, chaque respiration lui rappelait ce qu’il tentait d’oublier.Il passa une main sur son visage, soupira, et décida de céder à l’impulsion qui le tenaillait. Direction le Blue Velvet.Là où tout avait commencé.Le bar était déjà animé. La lumière tamisée, le son d’une guitare jazz, les rires étouffés… mais aucune trace d’elle.Tavrik entra, scruta la salle du regard, chaque table, chaque s
Le lundi matin s’annonçait comme tous les autres, du moins en apparence. Le soleil filtrait timidement à travers les stores du grand appartement d’Isalya Lysandre, dessinant sur les murs les reflets d’une journée qui s’éveillait. Le silence, seulement troublé par le ronronnement discret de la machine à café, contrastait avec le tumulte intérieur qu’elle s’efforçait d’apaiser.Assise sur son tabouret de cuisine, tasse en main, elle feuilletait distraitement les notifications de son téléphone : mails, rappels de réunions, un message de Selyra. Rien d’extraordinaire. Et pourtant, chaque vibration de l’écran semblait lui rappeler un écho de la veille.Le bar.Les lumières tamisées.Et ce regard. Celui de Tavrik.Elle inspira profondément, comme pour se ramener à la réalité. Aujourd’hui, elle devait se concentrer. Elle était analyste financière senior et gestionnaire de portefeuille dans une société d’investissement internationale — un poste exigeant, rigoureux, où la moindre erreur se pay
Le soleil matinal glissait doucement sur le visage d’Isalya Lysandre, traversant les rideaux de sa chambre comme un fil de lumière tiède. Elle ouvrit les yeux avec lenteur, son corps encore engourdi par le sommeil, son esprit flottant entre la torpeur et les souvenirs brûlants de la veille. La scène, le bar, et… lui. TavrikUn mélange d’excitation et de surprise la submergea. Elle n’aurait jamais imaginé vivre une telle soirée. Elle, prudente, réservée, sérieuse, s’était laissée emporter par un inconnu dans un salon privé du Blue Velvet. Et pourtant, ce n’était pas qu’une simple impulsion : il y avait quelque chose dans la façon dont il l’avait regardée, parlé, écoutée… quelque chose qui l’avait captivée.Elle attrapa son téléphone, inspira profondément et appela ses parents. Sa voix trahissait un léger trouble, mais elle fit de son mieux pour paraître naturelle.— Oui, maman… Oui, j’ai bien dormi… Non, je ne sors pas aujourd’hui, je vais juste me reposer.Après avoir raccroché, elle
Le Blue Velvet était un petit bijou de bar lounge niché au cœur de Paris. La lumière tamisée jouait sur les murs sombres, créant un halo doré autour des tables. L’odeur du bois ciré, mêlée à celle du café chaud et d’un soupçon de vin, flottait dans l’air.La musique pop-soul vibrait dans chaque recoin, rythmant les conversations et ponctuant les rires. C’était un endroit chaleureux, vivant, mais jamais impersonnel.Isalya était installée à sa table habituelle, un verre de vin rouge à la main, tapotant du pied sur le rythme. Elle suivait le chanteur principal avec un sourire amusé, ses yeux pétillant d’une énergie tranquille. Comme toujours, elle partageait ce refuge avec sa meilleure amie Selyra, mais ce soir, Selyra avait préféré passer la soirée avec son petit ami.Isalya était donc seule, un peu lasse de sa semaine de travail, mais prête à s’évader dans la musique.Au fil des notes, elle se leva sur un coup de tête. Le chanteur l’avait remarquée depuis quelques chansons et, avec un







