MasukRavenLa voiture glisse le long des rues pavées de Mayfair, passant devant des portes cochères derrière lesquelles se cachent des fortunes anciennes et des secrets bien gardés. Nous nous arrêtons devant une façade discrète, sans autre indication qu'un lys stylisé en fer forgé. Le "Clos du Lys". Le chauffeur ouvre ma portière. L'air froid de la nuit me frappe le visage, mais il n'arrive pas à pénétrer l'engourdissement qui m'a envahie.Un homme en queue-de-pie s'incline légèrement et ouvre la lourde porte en chêne. L'intérieur est un sanctuaire de calme et de luxe feutré. Des murs capitonnés de cuir, des tapis épais qui étouffent le bruit, un éclairage tamisé qui fait scintiller l'argenterie et les cristaux. L'odeur est un mélange de cire d'abeille, de roses et d'argent.Il est déjà là.Assis dans un booth capitonné au fond de la salle, Silas Krayton lève les yeux de son menu. Il porte un costume sombre, sobre, qui crie le pouvoir bien plus fort qu'un costume criard. Il ne sourit pas.
RavenLe soleil a traîné son corps pâle à travers le ciel de Londres et s'est finalement noyé dans la Tamise. La chambre est plongée dans le bleu profond du crépuscule. Je n'ai pas bougé de mon poste d'observation, le dos contre le lit, à regarder les raies de lumière se déplacer sur le mur opposé comme l'ombre d'un sablier géant.Jade va mieux. Physiquement. Les brûlures sont des marques roses et sensibles, mais plus douloureuses. Elle a mangé un peu de soupe. Elle m'a même souri, un petit mouvement tremblant des lèvres qui m'a fendu l'âme. Elle essaie d'être forte. Pour moi. Elle ne sait pas que le prochain round de l'abattoir m'est réservé.Quand le téléphone vibre, je n'ai pas besoin de regarder. Je sais. C'est l'heure.Je le prends. Le "Allô ?" est un souffle rauque.— Raven. La voix de Silas est lisse, huilée, comme toujours. J'espère que tu as passé une journée reposante.Je ne réponds pas. Le silence est ma seule arme.— Habille-toi. Quelque chose d'élégant, mais pas trop oste
RavenL'aube point à peine, teintant de gris les stores vénitiens. Jade dort enfin, un sommeil agité, peuplé de démons que je ne peux pas combattre. Chaque gémissement étouffé, chaque spasme soudain de son corps est un coup de couteau dans ma chair. Je suis assise par terre, adossée au lit, les yeux brûlants, rivés sur la porte. Je les attends. Je les entends dans chaque craquement du plancher, dans chaque moteur de voiture qui passe.La promesse de Silas tourne en boucle dans ma tête, une mélodie toxique. Une nuit torride. Les mots sont un viol. Ils souillent tout espace de tranquillité qui pourrait subsister en moi. Ils ont transformé mon corps, déjà une monnaie d'échange, en un champ de bataille futur. Je ne le laisserai pas faire. Je ne peux pas.Mais l'impuissance est un poison lent. Ils ont les clés. Ils ont les hommes. Ils ont la peur.Je me lève, silencieuse comme une ombre, et je marche jusqu'à la fenêtre. J'écarte deux lamelles du store. En bas, dans la rue déserte, une voit
RavenUne chambre choisi par eux, une nouvelle cage après la cave. Je referme la porte derrière nous, le clic de la serrure résonnant comme un couperet. Le poids de leur regard nous suit jusqu'au bout, jusqu'à ce que la porte se referme sur les silhouettes de leurs hommes de main.Jade vacille. Je la rattrape, mes mains se refermant sur ses bras, évitant soigneusement les taches de peau rouge vif et boursouflée qui maculent sa peau. Elle tremble, un frisson continu, incontrôlable, comme si le froid de la cave s'était logé dans ses os. Elle n'a pas dit un mot pendant tout le trajet. Son silence est plus déchirant que les cris.— Doucement, je murmure.Je la guide jusqu'à la salle de bains, une pièce étroite aux carrelages blancs écaillés. La lumière néon grésillante lui donne un teint cadavérique. Elle se laisse faire, docile, les yeux fixés sur son propre reflet dans le miroir. Elle regarde la robe en lambeaux, les marques de brûlures sur ses bras, ses jambes, comme si elle observait
JadeLa douleur est un éclair blanc qui part de mon cuir chevelu et explose derrière mes yeux. Les doigts de Leo, des tenailles de chair et d'os, se referment sur mes cheveux, traînant moi vers la chaise. Le métal rouillé me griffe les bras, le dos, à travers la fine couche de tulle de ma robe. Elle était si belle, cette robe. Elle était supposée être ma dernière armure, le symbole de ma grâce corrompue mais triomphante. Maintenant, elle n'est qu'un chiffon sale, un linceul avant l'heure.— Lâche-moi !Ma voix est un cri étranglé, un son d'animal pris au piège que je ne me reconnais pas. Je me débats, les genoux heurtant le pied de la chaise, les chevilles frottant contre le ciment. C'est inutile. Sa force est absolue, écrasante. Il me plaque sur la chaise, et un autre homme, une silhouette massive sortie de l'ombre, attache mes poignets aux barreaux froids derrière mon dos.Je cherche des yeux Raven. Elle est toujours à genoux, le visage déformé par une rage impuissante. Ses yeux, ce
RavenLa liberté a un goût de brouillard et de goudron. Elle sent le fleuve et les rues mouillées. Elle est courte. Si terriblement courte.Nous marchons d'un pas vif, les talons claquant sur le trottoir, main dans la main. La clé USB brûle dans la poche de mon manteau, un petit cube de plastique qui contient notre victoire et notre condamnation. Le sang bat à mes tempes, un tambour de triomphe sauvage. Nous avons osé. Nous avons frappé. Nous avons vu la peur dans les yeux de nos geôliers.— On va où ? murmure Jade, son souffle formant un petit nuage blanc dans l'air froid.— Loin. N'importe où. On a de l'argent, non ? Celui qu'on a planqué.Elle hoche la tête, un sourire nerveux aux lèvres. — Assez pour disparaître un moment.C'est à ce moment-là que la fourgonnette noire, aux vitres teintées, se range brusquement devant nous, coupant notre chemin. Les portes coulissantes s'ouvrent dans un grincement métallique.Le temps se fige, puis explose.Deux hommes massifs, visages dissimulés







