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Chapitre 4

Author: Simonne Corriveau
Bien qu'elle porte une tenue identique à celle du personnel domestique, son regard affichait une provocation manifeste. Derrière elle, le petit Noah avait mis le salon sens dessus dessous.

En voyant entrer Évelyne, Rosalie s'est levée d'à côté de Martial avec un sourire d'une douceur calculée : « Madame, vous voilà de retour. Je suis la nouvelle nurse engagée pour m'occuper de Noah. »

Évelyne a serré les dents au point de manquer d'air.

Comment Martial osait-il les ramener dans leur maison à tous les deux ?

Voyant son expression se figer, Martial s'est empressé d'expliquer : « Chérie, je t'ai envoyé des messages cet après-midi. Noah est un enfant que ma mère a recueilli à l'orphelinat. Elle trouve qu'il a une affinité avec nous. »

Toute la tristesse accumulée par Évelyne s'était déjà déversée dans le bureau solitaire. Il ne lui restait plus désormais qu'une colère pure qui montait en elle.

Est-ce qu'ils la prenaient pour une idiote ?

« Est-ce pour me briser le cœur que tu fais cela ? » Sa voix tremblait de rage.

Martial a froncé légèrement les sourcils. Il ne s'attendait pas à une réaction si vive.

« Ne sois pas fâchée », a-t-il dit précipitamment, « tu sais que les Thiers doivent avoir un héritier. Et je te vois toujours souffrir pour notre enfant perdu… Alors j'ai accepté de prendre ce petit. Si tu n'es pas à l'aise, je le ferai reconduire immédiatement ! »

Tout le monde savait combien il aimait Évelyne. Que ses principes la mettaient toujours au premier plan. Même maintenant, si elle fronçait les sourcils, il était prêt à renvoyer son propre fils sans hésiter.

Mais cette préférence même a soulevé le cœur d'Évelyne d'un dégoût viscéral.

Elle s'apprêtait à tout révéler lorsque Noah, les lèvres tremblantes, a éclaté en sanglots : « Méchante femme ! Papa, pourquoi tu restes avec elle ? Tu ne veux plus de moi ? »

Ses cris perçants ont fait grimacer Martial d'impatience. « Qui t'a appris à dire des bêtises pareilles ? » a-t-il tonné avant de se tourner vers les domestiques, « Vous êtes de simples statues ? Emmenez-le immédiatement dans sa chambre ! »

Les serviteurs se sont empressés d'emporter l'enfant hurlant.

Rosalie, feignant la panique, a multiplié les excuses : « Je suis désolée, c'est de ma faute, ne lui en veux pas… » Son regard a croisé celui de Martial, une lueur de détresse calculée dans les yeux, de quoi attendrir n'importe quel homme.

Martial a soupiré, son ton s'adoucissant malgré lui : « Je ne lui en veux pas. Ce n'est qu'un enfant. Occupe-toi de lui. »

Évelyne avait saisi chaque regard, chaque sous-entendu échangé entre eux.

Elle s'est dégagée de Martial, a montée l'escalier et l'a enfermé dehors en verrouillant la porte derrière elle.

L'homme, resté devant la porte, l'esprit troublé, a tenté de l'apaiser : « Chérie, je sais que tout est de ma faute. Demain matin, je ferai reconduire Noah. Repose-toi, nous en reparlerons. »

Le long de la porte, Évelyne a senti ses forces l'abandonner jusqu'à ce qu'elle glisse au sol.

Les pas de Martial se sont éloignés. Dans sa poitrine, la douleur avait cédé la place à un engourdissement glacial.

Qu'importe qu'on renvoie Noah ou non ? Les liens du sang étaient indissolubles.

Au fond, celle qui devait partir, c'était elle.

Seule, adossée à la porte froide, elle a enfoui son visage dans ses genoux.

À cet instant, elle s'est sentie infiniment lasse, de corps et d'âme.

Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était là, effondrée contre la porte, quand une notification sur son téléphone l'a tirée de sa torpeur.

D'un geste mécanique, elle a fait glisser l'écran. Une demande d'ajout de Rosalie. Puis un message, presque instantané : « Si tu le chasses de ta chambre, ne t'étonne pas qu'il se réfugie dans la mienne. »

Le cœur soudain serré, Évelyne s'est levée et est sortie.

Au bout du couloir, une lueur filtrait sous la porte du bureau et des voix étouffées parvenaient jusqu'à elle.

Celle, doucereuse, de Rosalie : « Martial, pas si fort… tu me fais mal. »

Puis celle, rauque, de son mari : « Si tu as peur d'avoir mal, pourquoi m'avoir attiré ici ? Même mère, tu restes insatiable. »

Un froid mortel l'a traversée, glaçant son sang.

L'homme qui, quelques heures plus tôt, lui demandait pardon avec des yeux sincères, était déjà en train de se perdre dans le corps d'une autre ?

Les murmures ont repris, entrecoupés de soupirs :

« Je voulais juste te réconforter… après ce qu'elle t'a fait… »

« Épargne-moi tes excuses. Si tu veux que Noah reste ici, tiens-toi à carreau et laisse Évelyne tranquille. »

Evelyne n'a pu en supporter davantage. Elle a regagné sa chambre en chancelant, s'est précipitée dans la salle de bains et s'est penchée sur le lavabo, vomissant avec violence.

Les crampes l'ont tordue longtemps avant qu'elle ne se redresse, épuisée. Dans le miroir, son reflet lui a renvoyé l'image d'une femme brisée.

Ses larmes étaient taries depuis longtemps. Elle, la perle précieuse des Lavigne, n'aurait jamais dû en arriver là.

Ignorant le temps passé dans la pénombre des carreaux, elle n'a regagné son lit qu'aux premières lueurs de l'aube.

Une décision s'était cristallisée en elle, froide et inexorable : elle n'en voulait plus !
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