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Les coeurs séparés

last update Last Updated: 2025-05-08 21:12:56

Les cœurs séparés

Un roman de ATECOSSI M

Chapitre 8 : L’étrangère au palais

Le retour d’Adama au palais n’était pas passé inaperçu. Dès l’aube, la nouvelle s’était répandue comme un feu sur de l’herbe sèche : le prince disparu était revenu. Certains en étaient soulagés, d’autres, beaucoup moins. Car avec lui, il n’était pas revenu seul.

Awa marchait timidement dans les couloirs de marbre, les pieds nus sur des tapis moelleux qu’elle n’osait fouler. Son regard se posait partout, émerveillé, un peu inquiet. Les colonnes, les dorures, les fontaines… ce monde était loin de Kéran. Trop loin. Elle n’y comprenait rien. Elle ne savait pas comment s’y tenir, ni quoi dire, ni à qui parler.

Les regards la suivaient. Certains curieux, d’autres froids, méprisants. Les femmes du palais, élégantes et hautaines, chuchotaient sur son passage. Elle n’était pas des leurs. Ça se voyait. Ça se sentait. Une simple villageoise n’avait pas sa place ici.

Adama l’avait conduite à une chambre, simple malgré le luxe. Il voulait la protéger, mais il savait que les murs ici avaient des oreilles.

— Reste ici pour aujourd’hui, lui dit-il. Je vais parler au conseil des anciens. Il faut qu’ils sachent pourquoi je suis revenu. Et surtout, il faut qu’ils t’acceptent.

Awa hocha la tête.

— Je peux attendre. Mais ne me cache pas. S’ils doivent me voir, qu’ils me voient.

Il l’embrassa sur le front et sortit.

---

Dans la grande salle du conseil, les anciens s’étaient rassemblés. Des hommes puissants, habillés de boubous somptueux, le regard dur. Le roi Demba, toujours alité, avait envoyé son bras droit, le ministre Kouréma, parler en son nom.

— Prince Adama, dit-il en se levant, nous sommes surpris mais soulagés de te revoir. Le peuple a besoin de toi. Le royaume est fragile. Ton père est malade. Il est temps que tu reprennes ta place.

Adama regarda les visages impassibles.

— Je ne suis pas venu seul, dit-il. La femme qui m’a sauvé, qui m’a appris à vivre… est avec moi. Et si je dois rester ici, c’est avec elle.

Un murmure courut dans la salle.

— Une étrangère ? lança un vieillard. Et de surcroît, une villageoise ? Tu plaisantes ?

— Elle m’a sauvé. Elle m’a appris la vie. Et je l’aime, répondit Adama calmement. C’est tout sauf une plaisanterie.

Kouréma fronça les sourcils.

— Tu sais que ce genre de choix a des conséquences. Le peuple attend une reine de sang noble.

— Le peuple attend un roi juste. Pas un roi parfait.

Un silence tendu suivit.

— Nous en parlerons, dit Kouréma. Mais sache que tout le monde ici ne te soutiendra pas.

Adama sortit sans répondre.

---

Pendant ce temps, Awa recevait la visite inattendue d’une femme.

Grande, belle, drapée dans un tissu pourpre, elle entra sans frapper.

— C’est donc toi, la fameuse Awa.

— Oui, répondit Awa, méfiante.

— Je suis Naïma. Fille du général, cousine du prince Adama. Et la femme que tout le palais voyait déjà à son bras.

Awa sentit un froid lui traverser le dos.

— Je suis désolée, dit-elle doucement. Je ne savais pas.

Naïma sourit, mais c’était un sourire glacé.

— Tu ne connais pas ce monde. Ici, rien n’est simple. L’amour ne suffit pas. Il y a des règles, des traditions. Des rangs.

— Je n’ai pas cherché à le voler, dit Awa.

— Peut-être pas. Mais tu l’as. Et tu verras, cela a un prix.

Naïma tourna les talons et sortit, laissant Awa seule, perdue.

---

Le soir, Adama revint.

— Comment s’est passée ta journée ? demanda-t-il.

— J’ai rencontré Naïma, répondit-elle.

Il soupira.

— Elle t’a menacée ?

— Pas directement. Mais elle m’a fait comprendre que je ne suis pas la bienvenue.

Adama s’assit près d’elle.

— Tu es avec moi. Et tant que je serai ici, tu le seras aussi.

Mais Awa savait déjà que leur présence dérangeait. Et que les regards qu’on posait sur elle étaient des lames cachées.

---

Le lendemain, un banquet fut organisé. Une manière de montrer que le prince était de retour. Tous les notables étaient là. Adama y avait emmené Awa. Main dans la main, ils entrèrent dans la grande salle, tous deux habillés simplement, mais dignement.

Les regards se tournèrent vers eux. Des sourires hypocrites, des murmures.

— Voilà la sauvage du prince, entendit-elle.

— Une vraie honte pour le palais.

Adama les entendait aussi. Mais il avançait, fier.

À table, Kouréma leva son verre.

— À notre prince, enfin de retour. Et à l’avenir du royaume.

Puis son regard se tourna vers Awa.

— Puisse chacun trouver sa juste place.

Les mots étaient polis, mais le ton portait un avertissement.

Awa resta droite. Silencieuse. Mais dans ses yeux brillait la même flamme qu’à Kéran.

Elle n’était pas venue pour se faire aimer. Elle était venue pour rester.

---

Et dans l’ombre du palais, alors que les rumeurs enflaient, une voix s’éleva :

— Si elle ne part pas, c’est lui qu’on fera partir.

Le retour du prince n’était pas une fin.

C’était le début d’un combat.

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