Eden
La porte claque derrière nous.
Je recule d’un pas. Puis un autre.
Mon souffle est court, mes muscles tendus comme des cordes prêtes à rompre. L’ombre d’Aleksandr s’étire sous la lumière tamisée, menaçante. Il n’a pas besoin de parler pour que l’air s’alourdisse. Sa simple présence est une prison invisible, un étau qui se referme lentement autour de moi.
— Tu comptes aller où ? demande-t-il, sa voix basse et traînante, presque moqueuse.
Je me raidis.
— Loin de toi.
Un sourire étire ses lèvres. Il s’avance d’un pas.
Je recule encore, jusqu’à heurter le lit derrière moi.
— Et tu crois pouvoir m’échapper ?
— Je crois surtout que je n’ai pas l’intention de me laisser faire.
Il secoue légèrement la tête, amusé, et glisse une main dans la poche intérieure de sa veste. Son regard ne me lâche pas une seconde.
— Tu ne fais que retarder l’inévitable.
— C’est ce qu’on verra.
Je me jette sur le côté, rapide, visant la porte.
Mais Aleksandr anticipe.
Il m’attrape au vol, ses doigts se refermant sur mon poignet. Je me débats aussitôt, tentant de lui échapper, mais il m’attire brutalement à lui.
— Combien de fois faudra-t-il que je te le dise, Eden ? murmure-t-il contre mon oreille.
Je sens la chaleur de son souffle sur ma peau. Un frisson me traverse. Je refuse de lui donner ce plaisir. Je le fusille du regard et tente de le frapper d’un coup de genou.
Il esquive avec une aisance qui me fait grincer des dents.
— J’adore quand tu essayes.
Il rit doucement, un rire sans joie, chargé d’une condescendance qui me brûle.
Je tends la main vers son visage, prête à le griffer, mais il attrape mon poignet avant que je ne l’atteigne.
— Pas cette fois.
D’un mouvement sec, il me tourne face à la porte et m’y plaque.
Je grogne, essayant de me dégager, mais il me maîtrise trop facilement. Mon ventre est écrasé contre le bois massif, mes poignets bloqués au-dessus de ma tête par sa poigne d’acier.
— Tu es trop impatiente, Eden.
Sa voix vibre tout contre ma nuque.
— Trop imprévisible. Mais c’est ce que j’aime chez toi.
— Va te faire voir.
J’essaie de me dégager, de lui échapper, mais il renforce son emprise.
— Continue.
Son ton est presque satisfait.
— Continue de te débattre. Continue d’être indomptable.
Sa prise sur mes poignets se relâche brusquement. Je profite de la faille et me retourne vivement, prête à lui faire face.
Il n’attendait que ça.
Il me plaque contre la porte à nouveau, cette fois de face. Son torse puissant presse contre le mien, son regard brûlant ancré au mien.
— Tu crois que tu peux me tenir tête éternellement ?
— Je ne crois pas, Aleksandr. Je le sais.
Je ne suis pas une poupée de chiffon entre ses mains.
Je ne serais jamais un de ses jouets dociles.
Je le défie, avec mes yeux, avec mon corps, avec chaque once de volonté qui me reste.
Il m’observe un long moment, son regard scrutant chaque infime réaction de mon corps. Puis, il recule d’un pas.
Je ne bouge pas, sur mes gardes.
Ses doigts effleurent mon poignet, descendant lentement jusqu’à mes doigts crispés. Il les caresse du bout des siens, comme un prédateur amusé par la résistance de sa proie.
— Tu as encore de l’énergie.
Je retiens un frisson et tente de dégager ma main.
Il me la reprend aussitôt, cette fois avec plus de fermeté.
— Lâche-moi.
— Fais-moi.
Son sourire est un défi.
Je me jette sur lui, cherchant à le repousser, à le faire reculer, mais il m’attrape par la taille et me soulève comme si je ne pesais rien.
Mon dos heurte le matelas avec force. Je me redresse aussitôt, mais Aleksandr est déjà sur moi, dominant chacun de mes mouvements.
Je me débats comme une furie.
Je frappe.
Je griffe.
Il rit.
— Tu crois pouvoir me faire mal, Eden ?
Je ne réponds pas.
Je concentre toute ma force pour me dégager, tentant de le repousser avec mes jambes.
Il attrape mes poignets et les plaque au-dessus de ma tête.
— Tu n’abandonneras jamais, pas vrai ?
Je halète, mon corps tendu, épuisé par la lutte.
— Jamais.
— Parfait.
Il me lâche d’un coup.
Je sursaute, surprise.
Mais avant que je ne puisse réagir, sa main saisit mon menton et force mon regard à croiser le sien.
— Alors montre-moi jusqu’où va ta résistance.
Ses yeux brûlent d’un éclat sombre.
Un frisson me parcourt.
Mais cette fois, je ne me débats plus.
Je le fixe, la respiration saccadée, les poignets toujours endoloris par sa poigne.
Il relâche doucement mon menton, son regard s’attardant sur mes lèvres.
Je n’ai jamais eu aussi peur.
Et pourtant…
Je n’ai jamais été aussi vivante.
EdenL’air est lourd dans la chambre.Ma poitrine se soulève rapidement sous l’effet du combat qui vient de s’achever. Mais est-ce vraiment fini ? Aleksandr est là, tout près, accroupi au bord du lit, le regard plongé dans le mien. Il n’a pas besoin de m’attacher pour que je sois prisonnière. Son simple regard m’enchaîne.J’ai encore l’impression de sentir ses doigts sur mes poignets, sa poigne d’acier, cette façon qu’il a eue de me maintenir sans effort, comme si je n’étais qu’un caprice dans ses bras.— Tu es trop belle quand tu luttes.Sa voix est un murmure, un souffle chaud contre ma peau brûlante.— Va te faire voir.Il sourit.Un sourire qui fait naître un frisson d’avertissement le long de mon échine.Je ne devrais pas l’énerver.Je ne devrais pas jouer à ce jeu.Mais quelque chose en moi refuse de plier.Il se redresse lentement, sa silhouette se découpant sous la lumière tamisée. Il retire sa veste d’un geste lent, maîtrisé, la jetant sur le fauteuil en velours sombre près d
EdenSon regard est un piège.Une mer d’ombres et de lumières qui me noie lentement. Aleksandr est là, si proche que je sens chaque souffle qu’il expulse, chaque tressaillement imperceptible de son corps. Il ne bouge pas. Il attend. Il me laisse croire que j’ai encore un choix, alors que nous savons tous les deux que ce n’est qu’une illusion.J’ai perdu la bataille bien avant de la livrer.J’ai beau me le répéter, une part de moi refuse d’accepter cette vérité. Je veux lutter. Je veux continuer à me battre contre lui, contre moi-même, contre ce désir qui rampe sous ma peau comme une malédiction.Mais Aleksandr est patient.Il sait que la lutte ne dure jamais éternellement.AleksandrJe la regarde se débattre avec elle-même.Eden est un paradoxe fascinant. Un feu indomptable qui refuse de s’éteindre, mais qui brûle d’autant plus fort à chaque souffle d’air que je lui donne. Elle est piégée dans ses propres contradictions, incapable de choisir entre la haine et l’acceptation.Je pourrai
EdenL’erreur est là, entre nous.Accrochée à ses lèvres. Gravée dans mon souffle court, dans mes doigts crispés sur sa chemise.Je viens de l’embrasser.Je viens de lui donner ce qu’il attendait, ce qu’il voulait depuis le premier instant.Et le pire ?Je l’ai voulu aussi.La prise qu’il exerce sur moi se relâche légèrement. Juste assez pour me faire croire que j’ai encore un échappatoire. Mais je connais déjà la vérité : il ne me retient pas. C’est moi qui ne pars pas.Ma respiration est saccadée. Mon cœur bat trop vite.Aleksandr me regarde, et je devine ce qu’il va dire avant même qu’il ouvre la bouche.— Tu te mens à toi-même, Eden.Il murmure ces mots avec une douceur assassine, une certitude tranchante qui me donne envie de hurler.Alors je fais ce que je fais de mieux.Je le repousse violemment.Son dos heurte le mur avec un bruit sourd. Mais il ne riposte pas.Il se contente de me fixer avec cet air suffisant, ce sourire arrogant qui me donne envie de le frapper.— Ne crois p
EdenJe tombe.Pas au sens littéral. Pas cette fois.Mais je sombre dans quelque chose de plus profond, de plus dangereux.Aleksandr me prend. Sans hésitation. Sans douceur inutile.Il ne m’offre pas d’échappatoire. Il ne m’accorde aucun répit.Et moi, je m’y abandonne.Sa bouche s’écrase sur la mienne avec une brutalité qui me coupe le souffle.C’est sauvage. Cru. Affamé.Je devrais lutter. Mon corps devrait protester contre cette emprise impitoyable.Mais au lieu de ça, je le retiens plus fort.Mes doigts s’accrochent à ses épaules, mes ongles s’enfoncent dans sa peau nue sous sa chemise entrouverte.Je le déteste pour ce qu’il me fait ressentir.Et j’en veux encore plus.Aleksandr m’entraîne avec lui, me plaquant contre le mur dans un choc sourd.Ses mains explorent mon corps sans la moindre hésitation. Il ne demande pas la permission. Il prend.Et moi, je le laisse faire.Mon souffle se mélange au sien. Ma tête tourne.Je suis prise au piège, oui.Mais est-ce vraiment lui qui me r
EdenLe jour s’étire lentement, traînant son poids lourd et pesant sur mes épaules.Je devrais déjà être partie.Je devrais être loin de lui, loin de cet appartement où le luxe dissimule à peine la brutalité qui règne entre ces murs.Mais je suis toujours là.Toujours enfermée dans cette chambre, toujours piégée dans cette emprise que je prétends refuser, mais qui m’attire avec une force contre laquelle je ne peux pas lutter.Aleksandr est là aussi.Immobile. Assis sur le bord du lit, le dos tourné vers moi.Il est torse nu, son corps sculpté d’ombres et de lumière dans la semi-pénombre du matin.Je devrais détourner les yeux.Mais je les laisse traîner sur les cicatrices qui marquent sa peau.Preuves silencieuses d’un passé dont je ne sais rien.— Tu comptes me fixer encore longtemps, Eden ?Sa voix est basse, traînante.Je sursaute légèrement, prise en faute.Mais je ne réponds pas.Je ne vais pas lui donner ce plaisir.Il tourne légèrement la tête, et ses yeux noirs se posent sur m
EdenJe le fixe, le souffle court.Ses mots résonnent encore dans ma tête."Tu restes avec moi. Entièrement. Sans demi-mesure."Je devrais rire. Me moquer de lui. Lui dire qu’il rêve, que je ne suis pas une femme qu’on enferme et qu’on possède.Mais les mots restent coincés dans ma gorge.Parce que je sais.Je sais que je suis déjà à lui, d’une manière qui me terrifie.Aleksandr attend, patiemment.Il sait que je vais répondre.Il sait que, malgré ma fierté, je ne peux pas me contenter de silence.Alors, je fais ce que je fais de mieux : je le provoque.— Et si je préfère te briser plutôt que de me laisser conquérir ?Un sourire carnassier s’étire sur ses lèvres.— Tu crois pouvoir me briser, Eden ?Il s’approche, lentement.Trop lentement.Et mon cœur tambourine dans ma poitrine, indécis entre la peur et l’excitation.— Je crois que personne n’est invincible. Pas même toi.Je le fixe, relevant le menton pour ne pas lui laisser voir à quel point sa proximité me trouble.Il s’arrête à
EdenJe suis piégée.Contre cette porte, entre ses bras, entre cette envie qui me consume et cette raison qui hurle de fuir.Aleksandr ne bouge pas, mais sa présence est une cage invisible, un piège dont je ne peux m’échapper. Son souffle est là, contre ma peau, un rappel constant du pouvoir qu’il exerce sur moi.Je devrais me dégager.Je devrais dire non.Mais je ne fais rien.— Tu ne me repousses pas.Ses doigts glissent lentement le long de mes bras, son contact brûlant chaque centimètre de ma peau.Je retiens mon souffle.— C’est ce que tu voulais ? Ma voix est rauque, troublée malgré moi.Aleksandr rit doucement.— Ce que je veux ? Il se penche, sa bouche frôlant l’angle de ma mâchoire. Tu n’as aucune idée de ce que je veux, Eden.Sa main se referme sur ma hanche, m’attirant un peu plus contre lui. Mon corps répond avant même que je ne puisse le contrôler. Je sens la tension de ses muscles sous sa chemise, l’électricité dans l’air qui nous entoure.— Alors dis-moi.C’est un défi.
EdenIl me laisse là.Brûlante. Tremblante. Consumée.L’air est encore saturé de lui, de son parfum, de la fièvre de ce baiser qui m’a laissée au bord du précipice. Mes lèvres picotent sous le souvenir de son contact. Mon corps entier est un champ de bataille, tiraillé entre colère et désir, fureur et manque.Je serre les poings.Respire.Ravale ce cri de frustration qui menace d’éclater dans l’air.Il croit qu’il peut jouer avec moi, me pousser au bord puis me laisser retomber seule ?Il croit qu’il peut imposer ses règles, dicter le tempo, contrôler ce qui se passe entre nous ?Non.Je refuse d’être une marionnette entre ses mains.Je veux inverser le jeu.Je veux le faire plier.Aleksandr pense avoir le contrôle. Il va comprendre qu’il se trompe.---AleksandrLa porte claque derrière moi, et je m’appuie contre le mur, inspirant profondément.Merde.Je passe une main sur mon visage, tentant d’éteindre l’incendie qu’elle a déclenché en moi.Eden…Ce n’était pas censé être ainsi.J’a
AleksandrElle dort encore, roulée contre moi, ses jambes entrelacées aux miennes, sa bouche entrouverte sur mon épaule.Son souffle est calme, régulier. Son corps enfin apaisé, comme si le monde pouvait s’effacer, tant que mes bras l’entourent.Et moi, je ne bouge pas. Je la regarde. Comme un condamné regarde sa grâce. Comme un roi en exil qui retrouve enfin son royaume.Le silence autour de nous est sacré. Un cocon tissé par la nuit, par nos soupirs, par tout ce que nous n’avons pas eu le droit de rêver.Je la caresse du bout des doigts, lentement, presque religieusement.Le long de sa colonne. Le creux de sa taille. La douceur de ses hanches.Je m’imprègne d’elle. Je grave chaque frisson, chaque parcelle de chaleur, chaque battement de son cœur contre ma peau.Aleksandr — (pensée)Si tu savais ce que tu fais de moi, Eden. Si tu savais ce que tu défais.Tu déchires mes chaînes une à une. Tu fais trembler mes murailles.Je ne suis plus un monstre. Je ne suis plus une arme. Je suis… v
EdenIl ne dort plus.Je le sens avant d’ouvrir les yeux, dans la manière dont son souffle change, s’alourdit, s’étire comme s’il portait un poids invisible.Sa main dans mes cheveux s’est figée, plus tendue qu’auparavant.Comme si une peur ancienne venait de le réveiller.J’ouvre lentement les paupières. Son regard me fixe déjà.Il ne me quitte pas. Il ne cligne même pas.Je lis dans ses yeux ce qu’il ne dit pas : la crainte. L’avidité. L’attachement.Aleksandr— Tu ne vas pas partir, hein ?Il parle bas, sa voix rauque semble gratter la nuit.Je sens ses doigts trembler contre ma nuque.Comme si l’idée même de mon départ pouvait faire vaciller son monde.Eden— Non. Je suis là. Je reste.Je caresse sa joue, lentement, comme pour lui réapprendre la douceur.Son corps soupire, comme un navire qui rentre au port après une tempête.Ses bras me referment contre lui. Fermes. Totaux.Il me serre comme on serre la vie.Je me glisse sur lui. Nos peaux se reconnaissent. Nos souffles s’accorde
EdenJe ne sais plus où finit sa peau, où commence la mienne.La chambre est un sanctuaire saturé de gémissements, d’ombres mouvantes et de halètements fébriles.Les murs retiennent notre fièvre.L’air est épais de nous.Je suis étendue sur son torse, nue, offerte, la joue écrasée contre son cœur.Je le sens battre fort, rapide, presque douloureux.Son souffle se mêle au mien, ses doigts dansent sur mon dos comme s’il m’écrivait en silence.Je frissonne.Non pas de froid.Mais parce qu’il me touche comme si j’étais sacrée.Comme si je pouvais disparaître entre deux battements.Je redresse la tête.Ses yeux sont ouverts, noirs, fiévreux, fixés sur moi.Il ne dort pas.Il ne veut pas dormir.Il ne me veut pas absente.Il me garde entre ses bras comme on retient une arme, ou une prière.Je monte sur lui.À califourchon.Mes muscles me font mal, mes hanches sont meurtries, mais mon corps le réclame encore.Je suis à vif.Et pourtant affamée.Je baisse la tête.Je lèche sa gorge.Je retrou
AleksandrJe n’ai plus de pensée.Je n’ai plus de conscience.Juste elle.Sa peau contre la mienne.Son cœur qui bat sous mes lèvres.Sa chaleur qui m’enveloppe.Je grogne contre sa gorge, incapable de me retenir.Je la mord.Pas pour la blesser.Pour l'ancrer.Pour la réclamer.Pour hurler à l'univers que c’est elle.Que je tuerai, que je mourrai pour elle.---EdenSes dents s'enfoncent dans ma peau.Je me cambre contre lui, incapable de respirer, incapable de fuir.Je ne veux pas fuir.Je veux brûler.Je veux hurler.Je veux m’engloutir dans lui, jusqu’à ne plus exister autrement que dans ses bras, dans ses griffes, dans son sang.---Il me renverse sur le sol trempé de sang et de larmes.Son corps entier me cloue au sol.Je sens chaque muscle, chaque vibration de rage contenue dans ses gestes.Il me prend encore.Plus fort.Plus profond.Comme si chaque coup de reins pouvait nous sauver.Comme si chaque coup de reins était un serment.Son souffle se brise contre ma bouche.Ses doi
EdenLa nuit s’est enfoncée dans mes veines.Je suis allongée sur lui, ses bras serrés autour de moi, ses doigts agrippés à ma peau comme s’il pouvait m’ancrer à lui pour l’éternité.Mais le monde ne nous appartient plus.Il s’effrite.Il s'effondre.Il saigne.Et nous avec.Aleksandr gémit dans son sommeil agité. Un son rauque. Arraché à sa gorge.Je glisse mes doigts sur son front trempé de sueur, tente d’apaiser les tremblements qui secouent son corps massif.Rien n’y fait.Il lutte contre des ennemis invisibles. Des fantômes que je ne peux pas chasser.Je le vois.Je le sens.La peur.Pas pour lui.Pour moi.Pour ce qu'il est prêt à devenir pour me garder en vie.---Un cri étouffé m’arrache au peu de calme qu’il reste.Roman fait irruption dans la chambre, le visage livide.Roman — Ils attaquent. Maintenant.Aleksandr se réveille en sursaut.Ses yeux s’ouvrent. Glacés. Bestiaux.En un mouvement brutal, il se lève, m'arrache à lui et m'entraîne.Tout est chaos.Tout est feu.---L
EdenLa nuit s’est enfoncée dans mes veines.Épaisse. Lourde. Poisseuse.Je suis allongée sur lui, son souffle râpeux effleurant ma gorge, ses bras serrés autour de moi comme si l’univers entier pouvait s’effondrer et qu’il ne lâcherait toujours pas.Ses doigts s’accrochent à ma peau, griffant presque, tentant de m'ancrer à lui, de me clouer à sa chair.Mais le monde ne nous appartient plus.Il s’effrite.Il s’effondre.Il saigne.Et nous avec.Aleksandr gémit dans son sommeil agité.Un son brut.Déchiré.Arraché de ses entrailles comme une bête blessée.Je glisse mes doigts tremblants sur son front trempé de sueur, caresse ses cheveux collés, tente d’apaiser les secousses incontrôlables qui traversent son corps massif.Rien n'y fait.Il se bat.Contre des ennemis que je ne peux pas voir.Contre des démons que je ne peux pas tuer.Je le vois.Je le sens.La peur.Pas pour lui.Pour moi.Pour nous.Pour tout ce qu’on pourrait perdre en une seconde.---Un cri étouffé déchire le peu de
EdenLe matin s'étire comme une lame lente sur nos corps enchevêtrés.Je suis réveillée par son souffle contre ma gorge, par le poids de sa jambe jetée sur les miennes, par la chaleur brute de sa présence. Il ne dort pas. Je le sens dans la tension de ses muscles, dans la cadence nerveuse de sa respiration. Aleksandr ne dort jamais vraiment. Pas quand il pense que je peux lui échapper.Je reste là, immobile, écoutant son cœur battre contre mon flanc. Chaque battement est un coup de marteau. Chaque respiration un serment silencieux.Mais le monde n’attend pas.Un coup à la porte. Trois frappes sèches, sans appel.Aleksandr se redresse aussitôt, son regard fauve, sauvage, prêt à tuer. Il se penche, attrape son arme posée sous l’oreiller, et son corps se place devant le mien dans un geste pur, instinctif : me protéger. Moi, avant lui. Toujours.Voix de Roman derrière la porte. — Chef. Ils sont là.Aleksandr serre la mâchoire. Ses yeux croisent les miens.Aleksandr — Reste ici.Eden — Non
EdenLe jour s’effrite sans éclat. La maison est devenue un tombeau silencieux, imprégné de la chaleur de son corps et de l’odeur de sa peau contre la mienne.Je reste allongée quelques secondes. Ou quelques heures. Le temps a perdu tout sens. Ma peau garde encore l’empreinte de ses mains, comme une cicatrice brûlante que je chérirai jusqu’à mon dernier souffle.Quand Aleksandr finit par se lever, c’est sans bruit. Il ramasse son pantalon, sa chemise arrachée, et se rhabille avec une lenteur presque douloureuse. Ses gestes sont précis, mécaniques, comme ceux d’un soldat avant la bataille.Je le regarde s’éloigner de moi et chaque centimètre qui nous sépare me fait l’effet d’une érosion. Un morceau de moi s’arrache.Eden— Reste encore.Ma voix est rauque, éraillée par le sommeil et l’amour. Elle claque dans l’air comme une prière.Il s’arrête. De dos. Ses épaules se contractent.Puis il se tourne, lentement. Ses yeux accrochent les miens, et tout ce que je lis dedans me coupe le souff
EdenNous avons enterré les corps dans le silence. Sans mots, sans prières. Juste de la terre retournée à la hâte, et le poids de ce qu’ils représentaient : une promesse de violence. Une déclaration de guerre.Chaque pelletée me déchirait les bras. Pas à cause de la douleur physique, non. Mais parce que j'avais l’impression de m’enterrer moi-même, centimètre par centimètre. Mon innocence. Ma paix. Mon illusion de pouvoir encore choisir une vie tranquille.Le jour s’est levé sans lumière.Le ciel est d’un gris sourd, dense comme la cendre, comme s’il savait ce qui s’est joué cette nuit. Comme s’il pleurait ce que nous venons de perdre : la paix illusoire, le répit, ce mince fil d’air qu’on appelait « avenir ».Mais je ne veux plus penser à eux. Ni à ceux qui viendront. Je ne veux plus penser à la fuite, aux pièges, au sang.Je veux lui.Aleksandr est resté debout devant la fenêtre. Les mains croisées dans le dos. La nuque tendue. Le dos droit comme un commandant devant un champ de bata