MasukIsabelle
Le silence pesait comme une menace . Le penthouse s’étendait sous ses yeux : vaste, froid, presque inhumain. Des murs de verre offraient une vue sur New York, éclatante et indifférente. Tout brillait le marbre, les dorures, les reflets de la ville , sauf elle. Isabelle s’avança lentement, ses talons résonnant sur le sol immaculé. Une partie d’elle voulait s’émerveiller : c’était beau, irréel, le genre d’endroit où tout le monde rêverait de vivre. Mais elle savait déjà que c’était une cage. Une cage de luxe. -Vous pouvez utiliser la chambre du fond, dit Alexander sans la regarder. Sa voix, grave et posée, vibrait comme une lame polie. -Et vous ? demanda-t-elle, les bras croisés. -J’ai d’autres pièces, répondit-il simplement. Il s’éloigna vers le minibar et se servit un verre. Elle le suivit du regard. Chaque geste chez lui semblait calculé, maîtrisé même la façon dont il faisait tourner le whisky entre ses doigts. Elle eut un frisson. Pas de peur. Pas vraiment. Plutôt… un mélange d’agacement et d’attirance qu’elle refusait de nommer. -Ce mariage, dit-elle d’une voix basse, vous donne le droit de m’humilier, ou seulement celui de me posséder sur le papier ? Il releva enfin les yeux vers elle. Un sourire à peine esquissé vint effleurer ses lèvres. -Ni l’un ni l’autre. Je n’ai pas besoin d’humilier, Isabelle. Et je ne possède que ce qu’on me laisse prendre. Un silence Long Brûlant Leurs regards se heurtèrent comme deux lames. Elle voulut parler, mais aucun mot ne vint. Alors elle tourna les talons, fière, et disparut dans la chambre qu’il lui avait désignée. Derrière la porte, son cœur battait trop vite. Pourquoi avait-elle ressenti cette décharge, ce vertige ? Ce mariage n’était qu’un arrangement. Un mensonge nécessaire. Et pourtant, une part d’elle , la plus folle, la plus fragile redoutait ce qu’elle pouvait désirer. ⸻ Alexander Elle le hantait déjà. Alexander posa son verre, regardant les gouttes de whisky glisser sur le cristal. Il s’était promis d’être froid, méthodique. Ce mariage n’était qu’un acte de vengeance bien ficelé, une pièce sur l’échiquier. Mais depuis qu’il l’avait vue avancer dans l’allée il, les yeux pleins de fierté et de peur mêlées, quelque chose clochait. Isabelle Mayers. Le nom sonnait comme une dissonance familière. Fille de l’homme qui avait ruiné son père. Fille du passé qu’il avait juré d’effacer. Et pourtant… quand elle l’avait défié, là dans son salon, il n’avait pas vu la fille d’un ennemi. Il avait vu une femme. Vivante. Courageuse. Brisée, peut-être, mais pas soumise. Il ferma les yeux un instant, se passa une main sur la nuque. Non. Pas question de flancher. Il ne pouvait pas ressentir ça pour elle. Pas maintenant. ⸻ Isabelle La chambre était magnifique. Trop. Des draps de soie, une baie vitrée donnant sur les toits, un parfum de cèdre et de quelque chose d’indéfinissable lui. Elle se laissa tomber sur le lit, encore vêtue de sa robe de mariée. Le tissu glissa le long de ses épaules. Elle ferma les yeux, tentant d’oublier sa journée, son père, ce contrat absurde… et cet homme dont le regard la poursuivait. Un bruit la fit sursauter. La porte s’était entrouverte. Alexander, debout dans l’embrasure, la fixait. Il n’avait plus sa veste, sa chemise blanche était légèrement ouverte, révélant un éclat de peau. Rien d’indécent, mais suffisant pour que son souffle se bloque. -Je voulais juste vérifier que tout allait bien, dit-il doucement. -Je vais bien, répondit-elle, sans bouger. -Tant mieux. Il resta là, quelques secondes de trop. Le silence entre eux se chargea d’une tension étrange, presque tangible. Puis il détourna le regard, esquissa un signe de tête et referma la porte. Isabelle resta immobile, la gorge sèche. Elle savait qu’il n’avait rien fait, rien dit d’inapproprié. Et pourtant, elle avait l’impression d’avoir frôlé quelque chose d’interdit. Quelque chose qui changerait tout, s’ils osaient le traverser. ⸻ Alexander Dans le couloir, il inspira profondément. Il avait senti son parfum. Il avait vu la lumière se poser sur sa peau. Et pour la première fois depuis longtemps, il avait eu peur pas d’elle, mais de lui-même. La vengeance exige le contrôle. Mais ce soir, face à Isabelle, le contrôle s’était fissuré. Et dans la fêlure, il avait entrevu un danger bien plus grand que la haine : « le désir ».La pluie avait cessé depuis l’aube, et la ville s’éveillait lentement, enveloppée d’un voile argenté. Au dernier étage du manoir Kane, le silence n’était rompu que par un souffle doux, celui d’un nouveau-né endormi dans les bras de sa mère.Isabelle caressait les cheveux fins de son fils, encore surpris d’un tel calme après les longues heures de douleur. La lumière filtrait par les grandes fenêtres, dorant les draps et le berceau. Le monde entier semblait s’être arrêté suspendu entre deux respirations.Elle leva les yeux, et son regard croisa celui d’Alexander. Il se tenait près d’elle, immobile, vêtu simplement d’une chemise blanche. Son visage habituellement si impassible était adouci par une émotion rare, presque fragile. Il tendit la main, effleurant la joue de l’enfant comme s’il craignait de le réveiller.- Il te ressemble, murmura-t-il, un sourire discret au coin des lèvres.- Non, répondit Isabelle dans un souffle. Il a ton regard, cette façon intense de tout observer… comme s
Le manoir Kane avait retrouvé un calme presque irréel. Les couloirs autrefois pleins de tension semblaient respirer de nouveau, baignés par la lumière dorée d’un après-midi d’hiver.Isabelle était dans le salon, assise près de la fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux qu’elle ne lisait pas vraiment. Depuis l’accident, depuis son retour de l’hôpital, Alexander se montrait étrangement silencieux. Présent, mais ailleurs. Il parlait peu, observait beaucoup, et semblait lutter contre quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore.Ce jour-là, il entra sans prévenir. Vêtu simplement, encore pâle mais debout, il portait dans la main un dossier ancien, usé le contrat de leur mariage arrangé.Il s’approcha lentement. Ses yeux, d’habitude si durs, étaient d’une clarté presque désarmante.-Tu sais ce que c’est ? demanda-t-il doucement.Elle hocha la tête. - Le contrat. L’accord entre toi et Julian.Alexander eut un léger sourire, triste.- Le début de tout ce mensonge. La cage que j’ai constru
Le manoir Kane avait retrouvé un calme presque irréel. Les couloirs autrefois pleins de tension semblaient respirer de nouveau, baignés par la lumière dorée d’un après-midi d’hiver.Isabelle était dans le salon, assise près de la fenêtre, un livre ouvert sur ses genoux qu’elle ne lisait pas vraiment. Depuis l’accident, depuis son retour de l’hôpital, Alexander se montrait étrangement silencieux. Présent, mais ailleurs. Il parlait peu, observait beaucoup, et semblait lutter contre quelque chose qu’elle ne comprenait pas encore.Ce jour-là, il entra sans prévenir. Vêtu simplement, encore pâle mais debout, il portait dans la main un dossier ancien, usé le contrat de leur mariage arrangé.Il s’approcha lentement. Ses yeux, d’habitude si durs, étaient d’une clarté presque désarmante.-Tu sais ce que c’est ? demanda-t-il doucement.Elle hocha la tête. - Le contrat. L’accord entre toi et Julian.Alexander eut un léger sourire, triste.- Le début de tout ce mensonge. La cage que j’ai constru
Depuis la tempête, depuis la vérité, chaque pièce semblait respirer autrement.Les ombres s’étaient allégées, comme si les murs eux-mêmes avaient cessé de retenir leur soufflée.Isabelle vivait toujours à l’aile ouest, mais Alexander avait cessé de l’éviter.Chaque matin, il frappait doucement à sa porte — parfois pour un mot, parfois juste pour un regard.Les repas redevenaient des moments partagés, timides au début, puis presque naturels.Leur silence n’était plus une barrière, mais une présence familière.Un soir, il entra dans la serre, là où Isabelle s’occupait des plantes qu’elle avait fait venir de Londres.La lumière du couchant baignait son visage d’une douceur irréelle.Il resta un instant sans rien dire, puis murmura :- Tu rends cet endroit plus vivant.Elle leva les yeux, surprise, un sourire hésitant aux lèvres.- Il n’était pas mort, il avait juste besoin d’un peu de soin.Il hocha la tête.Leur échange aurait pu s’arrêter là, mais quelque chose dans son regard la retin
Le train s’arrêta dans un sifflement.La pluie fine tombait sur la gare comme un voile gris.Isabelle resta un moment immobile sur le quai, la main serrée sur la poignée de sa valise.Londres s’éloignait derrière elle et devant, c’était le manoir Kane, les fantômes, et cet homme qu’elle n’arrivait ni à haïr, ni à oublier.Depuis que le scandale avait éclaté, les journaux ne parlaient que de ça : les affaires Kane sous enquête, les soupçons de détournement, les dossiers refaisant surface après des années d’oubli.Des rumeurs disaient que la faillite de la famille Mayers celle qui avait justifié le mariage arrangé pourrait avoir été provoquée par un associé corrompu de feu Richard Kane, le père d’Alexander.Tout vacillait.Les fondations mêmes de sa vengeance se fissuraient.---Au manoir, Alexander n’était plus l’homme qu’elle avait quitté.Les couloirs étaient silencieux, les employés nerveux, et la presse campait presque aux grilles.On murmurait que certains actionnaires réclamaient
Londres avait cette façon cruelle d’absorber la douleur des gens.Ses rues bruyantes, ses visages pressés, son ciel sans couleur semblaient tout avaler : la solitude, les regrets, les souvenirs.Isabelle avait trouvé refuge dans un petit appartement au-dessus d’une librairie, dans un quartier discret de Bloomsbury.Chaque matin, elle descendait aider à ranger les livres. Chaque soir, elle lisait des ouvrages sur la liberté, sa nouvelle obsession. C’était son remède, sa manière d’apprendre à respirer sans lui.Pourtant, certaines nuits, le passé revenait. Le souvenir de ses mains, de sa voix grave, de ce regard qui la brûlait. Elle se haïssait de l’aimer encore, mais on ne guérit pas d’un homme qu’on a compris avant qu’il ne se comprenne lui-même.⎯ ⎯Au manoir, Alexander tournait en rond comme une âme enfermée.Depuis le départ d’Isabelle, le silence lui était devenu insupportable.Il travaillait sans relâche, mais dès qu’il fermait les yeux, il revoyait sa douleur et cette phrase : «







