LOGINAva
Je m’éveillai dans une solitude que l'opulence de la pièce rendait plus froide encore. Le silence qui régnait dans cette chambre du manoir De Santis n’était pas celui, familier et lourd, de notre maison à Naples, empli des murmures de la famille et des pas feutrés des gardes. C'était un silence antique, marmoréen, celui d'une histoire qui m'était étrangère.
La lumière, filtrée par des rideaux de soie lourde tirés devant des fenêtres immenses, drapait la pièce d’une teinte ambre. Le lit monumental, me faisait sentir minuscule. Mes yeux balayèrent le décor : des boiseries sombres, des tapisseries aux motifs héraldiques discrets, un luxe qui n'avait pas besoin de crier son nom pour imposer sa suprématie. Tout ici disait l’autorité, la tradition, le pouvoir qui s’h&
AvaLe moteur de la Maserati blindée ne rugissait pas ; il émettait un ronronnement sourd, une vibration constante sous la paume des mains de mon mari. Le voyage de retour vers Naples fut une longue. Nous traversions les étendues d’oliviers pétrifiés, dont le tronc noueux racontait des siècles de secrets, et des vignes en terrasses qui défilaient comme les souvenirs non digérés.Nous ne parlions pas d’avenir, non. L’avenir était trop grand, trop fragile. Nous évoquions le présent immédiat. Ce que nous avions partagé n’était pas seulement du sexe ; c’était une ancre jetée dans la panique, un serment de possession rétabli face à l’idée insoutenable de la perte. Vincenzo avait besoin de me posséder pour s'assurer que j'étais réelle, et j'avais besoin d'être possédée pour me décharger de la terreur.Mon corps se tendait à mesure que l'horizon se remplissait des formes anarchiques de Naples. À Vérone, la menace était abstraite ; ici, da
VincenzoJe la tenais contre moi, la chaleur de son corps, l’odeur de propre mêlée à l’humidité salée de ses larmes, suffisant à faire taire la boucherie mentale du hangar et la rage bouillonnante qui m’avait dévoré durant des heures. Mon étreinte n'était pas un geste tendre ; c’était un acte de possession farouche, une vérification brutale que la réalité n’était pas un cauchemar. Sa taille fine, les courbes délicates de son dos, tout était intact. Ma main, lourde et instinctivement posée sur son ventre, s'agrippait à la mince courbure sous le cachemire, la preuve irréfutable de la vie que nous avions engendrée.Pendant un instant, ce fut mon seul refuge. Le monde se réduisit au battement paniqué de son cœur contre mon sternum. J'inhumais l'air qu'elle exhalait, me réancrant dans l’instant. Mais je n’étais pas un homme fait pour les pauses. L'instinct du me tira de ce sanctuaire. Je la gardai fermement contre moi, une protection con
AvaJe m’éveillai dans une solitude que l'opulence de la pièce rendait plus froide encore. Le silence qui régnait dans cette chambre du manoir De Santis n’était pas celui, familier et lourd, de notre maison à Naples, empli des murmures de la famille et des pas feutrés des gardes. C'était un silence antique, marmoréen, celui d'une histoire qui m'était étrangère.La lumière, filtrée par des rideaux de soie lourde tirés devant des fenêtres immenses, drapait la pièce d’une teinte ambre. Le lit monumental, me faisait sentir minuscule. Mes yeux balayèrent le décor : des boiseries sombres, des tapisseries aux motifs héraldiques discrets, un luxe qui n'avait pas besoin de crier son nom pour imposer sa suprématie. Tout ici disait l’autorité, la tradition, le pouvoir qui s’h&
VincenzoL’air, dans le hangar désaffecté du port, sentait la rouille, l’huile de machine et la marée basse. Une odeur âcre, métallique, qui était la véritable essence de mon existence : le sang et l’acier. La démonstration de force que j’avais orchestrée était essentielle, pour graver dans l’esprit de mes alliés et de mes ennemis la loi immuable de Naples. La loi De Luca.Je me tenais à l'écart, appuyé contre un pilier de béton armé. Mon costume sombre contrastait violemment avec l’éclairage blafard des lampes industrielles suspendues. Ces lumières jaunâtres projetaient des ombres longues et déchiquetées sur le sol cimenté. Le silence était pesant, brisé seulement par le sifflement mélancolique du vent s’engouffrant par les vitres brisées, et le bruit étouffé des hommes qui attendaient l'inévitable.Cinq hommes, des mercenaires de basse extraction, étaient alignés devant moi, attachés à des chaises d'acier. Cinq âmes qu’on m’avait
AvaL’air de Naples, même après les fastes des fêtes, conservait cette humidité salée, cet arrière-goût de danger et de promesses non tenues qui était, pour moi, la véritable odeur de la maison. De retour, l'urgence de Vincenzo à reprendre les rênes de son empire avait été palpable. Les nuits étaient magnifiques, des lueurs brèves où la soif de son corps sur le mien me rappelait que j’étais vivante et désirée, mais les jours étaient lourds du poids de son absence et de sa fureur contenue. Le silence que le secret imposait devenait assourdissant, un mur de verre entre nous et le reste du monde.Ce matin-là, l’urgence n’était pas le sang ou la trahison, mais la soie et le coton. J’avais traîné Cora dans une boutique que j’aurais pu confondre avec une galerie d’art si les sculptures de verre n’avaient pas été des mobiles et les toiles abstraites des tapis d’éveil.« Il Nido Felice »– Le Nid Heureux. Le nom seul m’évoquait
Vincenzo Le bruit de Londres n’était pas celui de Naples. À Naples, le chaos vibrait comme une symphonie sauvage : les klaxons impatients, les scooters qui frôlaient les murs sales, les voix rauques des vendeurs de fruits, les cris d’enfants courant pieds nus dans les ruelles étroites du Quartieri. Une cacophonie qui, pour moi, était une mélodie. Elle portait l’odeur de l’essence, du café brûlant, du sel et de la misère. Elle avait ce pouvoir étrange de réchauffer l’âme et d’aiguiser les sens. Ici, à Londres, le bruit n’était qu’un souffle lointain et feutré. Un bourdonnement uniforme, filtré par les triples vitrages de l’appartement d’une opulence glacée. Une rumeur impersonnelle, froide, qui n’avait ni visage ni passion. Derrière la baie vitrée qui s’étirait du sol au plafond, la ville scintillait comme un océan d’étoiles artificielles : une marée de lumières électriques, rigoureuses, sans le moindre débordement. Tout brillait sans âme. Tout était ordre. Trop d’ordre. Un ordre qui






