MasukChapitre 2 — Le bureau privé
MARGO
Le couloir est un tunnel feutré, silencieux, d’une élégance presque intimidante. La moquette épaisse étouffe chacun de mes pas, pourtant je sens mon cœur battre avec une intensité douloureuse, comme un tambour sourd dans ma poitrine.
Je suis guidée par cette assistante à l’allure parfaite, trop lisse, aux gestes mécaniques, qui ne daigne même pas m’accorder un regard. Un silence de plomb nous enveloppe. J’ai l’impression que chaque seconde s’étire, que le temps ralentit pour mieux faire monter la pression.
Nous arrivons devant une porte noire mate, sans ornement, froide au toucher. Je pose ma main dessus, mes doigts effleurent la surface lisse. La poignée est glacée, un avant-goût de ce qui m’attend.
L’assistante frappe doucement.
— Entrez, ordonne une voix sèche, distante, qui résonne comme un coup de fouet dans ce silence parfait.
Je pousse la porte et pénètre dans ce sanctuaire de pouvoir.
Le bureau est vaste, presque trop grand, dominé par une baie vitrée qui laisse filtrer la lumière grise de la ville. Les immeubles se dressent, immobiles témoins d’un monde froid et impitoyable.
Au centre, un bureau en verre noir, épais, imposant, reflète le visage d’un homme assis, immobile comme une statue.
Espoir.
Je retiens mon souffle.
Il est là, concentré, signe des papiers avec une précision chirurgicale. Pas un mot. Pas un regard. Rien que le bruit feutré du stylo sur le papier.
Il ne lève pas les yeux quand je m’avance, pas même un frémissement d’intérêt apparent.
Un homme normal pourrait sembler grossier, distant, mais lui impose sa loi avec cette même absence d’émotion : un message clair, un ordre silencieux : tu es entrée dans mon univers, et c’est à mon rythme que tout se joue.
Je reste figée, une statue face à une autre.
Puis, brusquement, il lève la tête.
Et là, c’est comme si le monde s’arrêtait.
Sa beauté est presque irréelle, sculptée à la perfection par un artiste impitoyable : pommettes hautes, lignes du visage anguleuses, bouche fermée qui pourrait trancher, peau diaphane qui contraste avec la noirceur de ses cheveux.
Mais ce n’est pas ce qui me frappe le plus.
C’est son regard.
Gris acier. Glacial. Un froid mordant qui me transperce jusqu’à l’âme.
Ce regard n’est pas fait pour juger, ni pour aimer. Il est une arme. Une lame aiguisée qui dissèque, dépèce, fouille sans relâche chaque recoin de mon être.
Je me sens nue, mise à nu sans aucune protection.
Et pourtant, il y a dans ce regard quelque chose d’hypnotique. Quelque chose qui attire malgré tout le danger.
— Asseyez-vous, ordonne-t-il, froid, en désignant d’un geste sec le fauteuil en cuir face à lui.
Je m’installe, mes genoux effleurant presque les siens. Un frisson me parcourt.
Il me fixe en silence, ses yeux ne quittant pas les miens, cherchant, scrutant.
— Pourquoi vous ? demande-t-il soudain, sa voix claire et tranchante.
— Pardon ?
— Pourquoi ce poste ? Pourquoi moi ? Pourquoi vous ?
Chaque mot tombe comme un couperet. Il ne cherche pas de réponses banales. Il veut une faille, une faiblesse.
— Parce que je suis compétente, et…
— Non, coupe-t-il, impatient. Pas ça.
Il se redresse, ses doigts effleurant le verre froid du bureau.
— Vous êtes belle, provocante. Votre CV est trop parfait, trop lisse, presque suspect.
Un silence pesant.
— Et vous êtes excitée.
Je le fixe, troublée, déstabilisée.
Il incline la tête, presque imperceptiblement, ses yeux rivés aux miens.
— Vous frémissez. Vos pupilles se dilatent. Votre voix tremble à peine. Votre jupe est bien trop fendue pour une simple ambition professionnelle.
Je serre les cuisses, honteuse de la vérité.
— Je n’accepte pas les menteuses, poursuit-il, son ton dur.
Il prononce mon prénom lentement, presque comme un avertissement.
Je me redresse, reprenant contenance.
— Je suis ici pour le poste. Je ne couche pas pour réussir.
Un silence. Puis un rire sec, presque cruel, qui résonne dans la pièce.
— Je ne vous ai jamais proposé ça.
Il se lève, sa silhouette imposante dominant l’espace.
L’air semble vibrer autour de lui.
Il contourne lentement le bureau et s’approche de moi, chaque pas mesuré, implacable.
Je reste immobile, même si mon cœur bat la chamade, menaçant de s’échapper.
Il s’arrête juste derrière moi.
Je sens sa présence comme une lame froide posée contre ma nuque.
Son parfum envahit l’air : cuir brûlant, bois de santal, une promesse de feu dissimulé sous la glace.
Il ne touche pas, ne dit rien. Il attend.
Je sens son regard glisser le long de mon cou, de mes épaules, de la courbe de mon dos.
Un mélange de honte et de désir me brûle. Mes tétons durcissent sous le tissu fin de ma chemise.
Je veux qu’il m’effleure, qu’il me prenne.
Mais il ne fait rien.
Il retourne à sa place, s’assoit avec la froideur d’un roi sur son trône.
— Bien, dit-il enfin, voici les règles. Vous commencez lundi. Vous serez mon assistante personnelle. Vous travaillerez tard. Vous serez à disposition. Vous ne poserez jamais de questions sur ma vie. Jamais.
Je hoche la tête, consciente qu’il n’y a pas d’autre option.
— Et la règle la plus importante : ne tombez pas amoureuse de moi.
Je le regarde, cherchant une trace d’humanité dans son regard vide.
— Je suis incapable d’aimer, ajoute-t-il, plus froid encore. Et encore moins de consoler.
Je me lève lentement, mes jambes tremblent légèrement sous la tension.
— Je ne tombe jamais, murmuré-je avec défi.
Un sourire cruel effleure ses lèvres.
— On verra, Margo.
Je me retourne, quittant le bureau.
Mais je sens son regard sur moi, lourd, pesant.
Et entre mes jambes, ce feu insoutenable.
Il ne m’a pas touchée.
Et pourtant, je suis déjà à lui.
Chapitre 78 — Le Prix du SangDe RocheLa paix n’a duré qu’un souffle. À peine les pas d’Espoir se sont-ils évanouis dans le couloir que le changement en Margot est palpable. Son corps, si offert et si confiant contre le mien il y a un instant, se raidit. Son souffle, qui se mêlait au mien, devient saccadé. Je sens le doute revenir en elle comme une marée froide, effaçant la chaleur de notre étreinte.— Margot ? murmuré-je, ma voix plus rauque que je ne le voudrais.Elle se dégage légèrement, sans rompre complètement le contact, mais l’espace qu’elle crée entre nous est un abîme. Ses yeux, qui brillaient de larmes de joie et de désir, scrutent maintenant mon visage avec une intensité nouvelle, presque effrayée.— Ce que tu lui as dit… « Elle est à moi »… Ce n’était pas nécessaire, De Roche.Une pointe acérée perce mon triomphe. La protéger, même de la vérité, même de la nécessité, est mon premier instinct. Mais un autre, plus sombre, gronde. La voir douter, ne serait-ce qu’un instant,
Chapitre 77 — Les Cendres de l'ÉclatMargotLe baiser de De Roche a consumé le monde. Un instant de fusion pure, où le doute n'avait plus sa place, où seul existait le goût de ses lèvres, la solidité de ses bras, l'écho de mes propres mots dans sa poitrine. « Je t'aime. » Ils résonnent encore en moi, comme une incantation qui a tout changé, tout balayé.Puis il s'est éloigné, et le monde est revenu, mais transformé. L'air est différent, plus lourd, chargé des étinces que nous avons libérées. Je sens encore la brûlure de sa peau sur la mienne, l'empreinte de ses doigts dans mes cheveux. Mon corps tout entier vibre, un instrument qui a enfin trouvé son musicien. Je regarde De Roche, et je vois dans ses yeux cette même certitude sauvage, triomphante. C'est un vertige, mais un vertige doux, celui de se savoir enfin rattrapée.Mais alors que mon souffle se calme contre son torse, un autre souvenir perce la bulle de félicité : le regard d'Espoir. Ce n'était pas de la colère. C'était de la d
Chapitre 76 — Éclat de possession De RocheJe sens enfin ce poids immense se lever, comme si des semaines de tension, de doute et de colère retenue s’étaient évaporées d’un seul coup. Margot vient de prononcer ces mots que j’attendais depuis toujours : « Je t’aime ». Mon cœur s’emballe, mes muscles vibrent de cette vérité qu’elle m’offre enfin. Je souris, involontairement, laissant éclater ce bonheur que je n’ai jamais osé montrer. Ce silence, cette attente, cette frustration… tout cela s’évanouit dans un souffle brûlant de soulagement et de désir.— Margot… je… je… murmure-t-elle, tremblante mais avec un regard qui ne vacille pas. Je la vois. Elle est là, entière, et pour la première fois, elle n’hésite pas. Elle est à moi, entièrement, dans ses mots, dans ses yeux, dans ce frisson qu’elle ne peut cacher.Je m’avance, chaque pas lourd de certitude et de passion, chaque mouvement une déclaration silencieuse mais implacable. Espoir se tient derrière moi, figé, le souffle court, la mâc
Chapitre 75 — Conflit incandescent MargotMon cœur bat comme un tambour sauvage, chaque pulsation résonnant dans ma poitrine et jusqu’au creux de mes tempes. L’air du bureau semble chargé d’électricité, vibrant sous la tension qui flotte autour de nous. Chaque regard échangé, chaque mouvement devient une étincelle prête à déclencher l’incendie. Espoir est là, ardent, brûlant de colère et de désir. De Roche, lui, est la force tranquille, solide comme un rocher, mais derrière ses yeux se devine une tempête prête à éclater.— Espoir… murmuré-je, presque en implorant, il faut que tu partes… pour tout le monde.Mais il ne recule pas. Ses poings se serrent, ses traits se durcissent, et je sens cette énergie brûlante qu’il contient depuis des semaines déferler peu à peu.— Non… je ne peux pas partir. Pas tant que je ne t’ai pas dit… je… je ne peux plus… souffle-t-il, la voix tremblante mais vibrante de défi et de passion.Chaque mot est un coup de poignard contre mon cœur déjà en lambeaux.
Chapitre 74 — Tempêtes intérieures EspoirJe n’ai pas dormi. Mes pensées tournent en boucle, brûlant tout sur leur passage. La réunion de ce matin, la tension silencieuse avec Margot, la voir avec De Roche… Tout cela me consume. Chaque minute passée loin d’elle est une torture, chaque respiration me brûle les poumons. Et maintenant, je sais qu’elle est dans son bureau, avec lui, discutant d’un contrat majeur. Mon sang bouillonne rien qu’à l’idée de les voir ensemble, tranquilles, comme si je n’existais pas.Je pousse la porte du bureau, prétextant une vérification de documents. Mais dès que je franchis le seuil, mon regard se fixe sur elle. Margot. Assise derrière son bureau, impeccable, concentrée, les mains posées sur les papiers, mais ses yeux s’élèvent immédiatement vers moi. Surprise, peur, désir… un cocktail qui me frappe au cœur.— Espoir… souffle-t-elle, sa voix tremblante mais ferme.Je fais un pas en avant, chaque muscle de mon corps tendu, prêt à exploser. L’adrénaline me
Chapitre 73 — Flammes cachéesEspoirJe traverse les couloirs de l’entreprise, chaque pas résonnant comme un avertissement silencieux. L’air climatisé n’a aucun effet sur la chaleur qui m’envahit. Chaque seconde passée loin de Margot me brûle de l’intérieur, et je sens mes mains devenir moites rien qu’à l’idée de la voir avec De Roche. Elle est là, concentrée, ordonnant les dossiers avec une précision parfaite. Et pourtant, malgré la distance physique, je sens que chaque mot qu’elle prononce pour lui me transperce comme une lame invisible.Je l’aperçois enfin, penchée sur son rapport, son dos droit, le front légèrement froncé. Une image anodine pour un œil extérieur, mais pour moi, c’est une invitation au chaos. Je dois me contrôler, mesurer chacun de mes gestes, chaque pas. Je suis conscient que le moindre faux mouvement pourrait tout détruire — sa confiance, sa sécurité, et mon propre cœur.Je m’avance lentement, la main crispée sur le rebord de la table. Elle relève la tête et nos







