LOGINCHAPITRE 107 — LES CENDRES DU MATIN 1MargoLe jour se lève, lent, implacable. La lumière grise filtre à travers les stores de la chambre de Lysander, estompant les ombres, révélant la poussière qui danse dans l’air immobile. Elle caresse le visage de mon fils endormi, si paisible, si parfaitement inconscient de l’abîme sur lequel sa petite vie est construite.Mes membres sont engourdis par la nuit passée dans le fauteuil à bascule. Chaque muscle crie, chaque souvenir de la veille est une marque à vif sous ma peau. L’odeur de Liam, de cognac, de sueur et de cuir, semble imprégnée dans mes narines, dans mes pores. Je me lève, le plaid glissant de mes épaules, et je m’approche du berceau.Je ne touche pas Lysander. Je n’ose pas. Je crains que la souillure qui m’habite ne soit contagieuse, que le simple contact de mes doigts ne transmette l’ombre qui m’étreint. Je me contente de le regarder, de boire la vue de ses cils dorés sur ses joues, du mouvement régulier de sa petite poitrine. Il
CHAPITRE 106— LE FEU SOUS LA GLACE 2Margot Un grognement sourd, triomphant, monte de sa gorge. Il interprète ma réponse comme la capitulation ultime, la fusion totale. Ses mains deviennent plus insistantes, plus exploratrices. Elles parcourent mon dos, mes côtes, se referment sur ma hanche pour presser mon bassin contre le sien. Je peux sentir son érection dure, exigeante, à travers les couches de nos vêtements. C'est un fait brutal, une revendication physique.Il rompt le baiser, respirant lourdement, ses yeux noirs brillant d'un feu qui n'a rien à voir avec celui de la cheminée.— Je t'ai désirée comme ça depuis le premier jour, souffle-t-il, les lèvres gonflées, humides. Mais maintenant… maintenant c'est différent. Tu es différente. Tu es à la hauteur.Ses mots sont des couteaux. À la hauteur. À la hauteur du crime. À la hauteur de lui.Il n'attend pas de réponse. Sa bouche se pose sur mon cou, des baisers brûlants, voraces, qui deviennent des morsures étouffées. Ses mains remont
CHAPITRE 105— LE FEU SOUS LA GLACE 1MargotLa conscience aiguë de la vérité est un poison qui agit lentement, distillant une froideur nouvelle dans chaque veine. Depuis ma découverte au pavillon, je vis dans un état de perception exacerbée. Je vois les angles cachés de chaque pièce, l'ombre derrière chaque sourire de Liam, l'imperceptible faille dans le vernis parfait de notre enfer domestique. Je suis une étrangère dans ma propre peau, une espionne dans ma propre vie.Et Liam, lui, semble fleurir.Sa victoire sur le commissaire, son emprise totale sur moi, sur notre secret, l’ont empli d'une énergie sombre et expansive. Il rayonne d'une assurance qui frôle l’arrogance. Ses affaires prospèrent, ses coups téléphoniques sont brefs, autoritaires, conclus par des rires brefs et satisfaits. La maison n'est plus une forteresse assiégée, mais le quartier général d'un conquérant. Son quartier général.Et je suis son trophée le plus précieux.La faim dans son regard a changé. Avant, c'était u
CHAPITRE 104 — CENDRES ET PORCELAINE 4Margo Le hurlement qui monte en moi cette fois ne peut être contenu. Il explose, rauque, animal, déchirant le silence mortuaire du pavillon. Il rebondit sur les murs nus et revient me frapper en pleine poitrine. Je tombe à genoux sur le carrelage glacé, les mains sur les oreilles, comme pour empêcher la vérité d’entrer, ou pour l’empêcher de ressortir.Je reste là, je ne sais combien de temps, secouée de sanglots silencieux, au milieu des preuves disposées comme un autel. L’ours en peluche me regarde de ses yeux de bouton, accusateur, éternel.Quand la vague de terreur et de dégoût se retire, elle me laisse vidée, mais d’une froideur nouvelle. Une froideur pire que toutes celles qui ont précédé. Celle de la connaissance absolue.Je me relève. Mes jambes me portent à peine, mais elles me portent. Je m’approche du petit coussin de velours. Je ne touche pas l’ours. Je prends la boucle d’oreille. La petite perle est froide entre mes doigts. Je la gl
CHAPITRE 103— CENDRES ET PORCELAINE 3MargotLes jours qui suivent la visite du commissaire se déroulent comme une lente submersion. L’air de la maison, déjà lourd, s’est épaissi jusqu’à devenir sirupeux, chargé de tous les non-dits et de la menace suspendue de son retour. Il ne revient pas. La neige a cessé, laissant place à un ciel de plomb et à un froid sec qui grince sous les pas. Le monde extérieur semble s’être retiré, nous laissant, Liam, Lysander et moi, dans notre bulle de porcelaine fine et fêlée. Une bulle où chaque sourire est un éclat tranchant, chaque caresse une marque de possession.Je suis devenue une gardienne silencieuse. Je surveille les fenêtres, l’allée, le moindre bruit de moteur. Je surveille aussi Liam. Son calme est désormais celui d’un prédateur repu, sûr de son territoire. Il passe des heures dans son bureau, au téléphone, sa voix un murmure bas et continu derrière la porte de chêne. Il parle affaires, restructurations, « résolutions de problèmes ». Je ne c
Chapitre 102— Cendres et Porcelaine 2MargotLa voix vient de la porte.Liam est là. Il s’y appuie, élégant et calme comme s’il sortait d’une réunion d’affaires, pas des profondeurs de notre enfer privé. Son intervention est parfaite. Calculée. Il a dû entendre la voiture, les voix. Il a pris le temps de composer son masque.Vernin se tourne vers lui, et je vois sa mâchoire se durcir. Il n’a jamais gobé l’aisance de Liam, y voyant le vernis d’un homme qui a trop à cacher.— De Roche. Enfin. Vous allez m’expliquer pourquoi vous ignorez mes demandes. Et vous allez me dire ce qui se passe vraiment avec cet enfant.— Rien qui ne relève de votre juridiction, Commissaire, dit Liam en entrant dans la pièce, les mains dans les poches de son pantalon. Les questions de santé sont des affaires privées. Ma femme a besoin de repos. Nous préservons son intimité. C’est tout.— Votre intimité sent le cadavre, rétorque Vernin, brut. Cette maison en est pleine. La femme de chambre. Et maintenant ce sil







