Chapitre 1 — L’ascenseur
MARGO
Le cuir de mes talons claque sur le marbre glacé du hall, résonnant comme un défi dans le silence climatisé du building. Chaque pas est précis. Délibéré. Mes hanches balancent, mais pas trop. Juste assez pour laisser deviner que je sais exactement ce que je fais.
Trente-troisième étage. Entretien final. Luxe, pouvoir, risques.
Je n’ai pas dormi de la nuit. Pas à cause du stress. À cause de ce rêve.
Ce corps. Ces mains. Ce regard.
Il ne m’a même pas touchée, et pourtant, j’ai senti mon corps trembler. Le genre de rêve qui colle à la peau. Qui salit les draps. Qui vous réveille avec les cuisses trempées et le cœur en feu.
Et pourtant, je suis là. Droite. Glaciale. Habillée pour dominer, mais le feu est dessous.
L’ascenseur s’ouvre. Vide. Parfait. Je monte. Seule. Je respire.
Le miroir me renvoie l’image d’une femme déterminée. Jupe fendue sur la cuisse, chemisier blanc boutonné jusqu’au cou, veste noire ajustée. Lèvres rouge cerise. Cheveux tirés.
Chaque détail est étudié. Calibré pour l’impact.
Une façade parfaitement maîtrisée. Une illusion bien dressée.
Et puis… juste avant que les portes ne se referment, il entre.
Il ne fait pas que marcher. Il occupe l’espace.
Costume noir profond, parfaitement taillé. Chemise ouverte d’un bouton. Montre en or discret. Démarche souple, féline. Maîtrisée.
Ses yeux. Gris, sombres, tranchants. Ils me frôlent à peine. Comme s’il m’avait déjà vue.
Non. Comme s’il m’avait déjà prise.
Il appuie sur le même étage que moi. Trente-troisième. Évidemment.
Un parfum boisé me caresse la gorge. Cuir. Ambre. Plaisir interdit.
Je détourne légèrement la tête. Inutile. Il s’infiltre en moi.
Il ne dit rien.
Moi non plus.
L’ascenseur démarre. Le silence est plus dense que les parois d’acier.
Je fixe le miroir, mais mes yeux glissent vers lui. Lentement.
Il est appuyé contre la paroi. Une main dans la poche. L’autre libre. Dangereuse.
Il ne m’observe pas. Il m’analyse.
Je vois son regard glisser sur la ligne de mes jambes, remonter jusqu’à la naissance de mes cuisses. Ma jupe est trop fendue. Je le savais. C’était voulu. Mais là, sous ses yeux, je regrette. Non. Je frémis.
Je me raidis.
Et ce regard… ce regard est une caresse interdite. Froide. Dominante.
Il ne sourit pas. Il ne joue pas. Il exerce une pression.
Et je déteste que ça me plaise.
Son souffle me frôle. Il s’est approché.
Je ne l’ai pas entendu bouger.
Et pourtant, il est là. Juste derrière moi. Trop près. Mon dos effleure son torse.
— Première fois ici ? me demande-t-il, sa voix rauque, posée, lente.
Chaque syllabe descend en moi comme une coulée chaude.
Je hoche la tête. Incapable de répondre. Ma gorge est nouée.
Je suis sûre qu’il sent ma nervosité. Mon souffle court. Le battement affolé de ma veine sous l’oreille.
Il s’approche d’un pas. Lent. Sans brusquerie.
Il ne touche rien. Et pourtant, je sens tout.
Mon corps entier est sous tension. Mes cuisses se contractent d’elles-mêmes.
— Vous avez quelque chose… dans le regard, murmure-t-il, son souffle frôlant ma nuque.
— Quoi donc ? je parviens à chuchoter.
— Un feu mal tenu.
Je déglutis.
— C’est dangereux, ajoute-t-il.
Sa voix est presque tendre. Mais tranchante dessous. Comme un gant de velours sur une lame nue.
L’ascenseur s’arrête brusquement entre deux étages. Un choc léger. Les lumières vacillent.
Je me tends. Un hoquet m’échappe.
Je m’accroche à la barre, et je le sens derrière moi. Inébranlable.
— C’est souvent comme ça ? je souffle, mal à l’aise.
— Non. Seulement quand c’est le bon moment.
Je me tourne lentement vers lui.
Il est près. Trop près.
Ses yeux ne me quittent pas. Il n’a pas peur de croiser mon regard. Au contraire. Il l’attire. L’aspire.
Il approche une main. Elle frôle ma mâchoire. Un contact si léger, mais si autoritaire que je me fige.
Mon cœur cogne.
Je retiens mon souffle.
— Je m’appelle Espoir, dit-il en effleurant la base de mon cou. Sa voix est un murmure rauque, presque intime.
— Margo, je souffle.
Nos souffles se mélangent. Mes seins frémissent sous le tissu de ma chemise.
Je déteste ce qu’il provoque en moi. Ce déséquilibre. Ce vertige.
Et soudain, il recule. Juste assez pour me laisser respirer.
Il n’a pas besoin de me toucher davantage.
Il m’a déjà marquée.
— Tu veux vraiment travailler ici, Margo ?
Je hoche la tête.
— Oui.
— Alors tu dois savoir ce que tu risques.
Je fronce les sourcils.
— Tu crois que je ne suis pas à la hauteur ?
Il sourit. Pour la première fois.
— Je crois que tu vas perdre le contrôle.
Il recule, lentement. Un pas. Puis un autre.
Ses yeux restent sur moi. Comme une morsure.
Il appuie sur le bouton d’appel. L’ascenseur reprend.
Silence. Mon corps brûle.
Mes cuisses sont humides. Mon souffle encore court. Mon esprit… désordonné.
Quand les portes s’ouvrent, il sort le premier.
Il ne se retourne pas. Il n’a pas besoin.
Il sait.
Je sors à mon tour. Le couloir est vide. Silencieux. Tapissé d’élégance froide.
Une femme en tailleur me fait signe.
— Mademoiselle Margo ? Monsieur Espoir vous attend. Il sera votre supérieur direct.
Je ne réponds pas.
Je souris.
Je suis déjà en train de tomber.
Chapitre 15 — La chambre et le gouffre MARGO (00h14)Je referme la porte derrière moi.Le silence m’enlace aussitôt, presque brutalement. Pas celui qui apaise. Celui qui s’impose. Qui pèse. Qui murmure : tu es seule maintenant. Il ne reste que toi… et ce que tu as choisi de provoquer.J’enlève mes chaussures. Une à une.Le cuir glisse contre mes chevilles comme un dernier souvenir de ce qu’il a regardé.Je déboutonne lentement ma veste, comme on défait une armure.Les gestes sont mécaniques, mais chargés. Comme si, dans chaque bouton, je relâchais une part de la tension accumulée.Je passe devant le miroir du couloir.Je m’arrête.Mon reflet.Cheveux légèrement défaits. Regard fiévreux. Lèvres encore teintées de ce rouge discret que j’avais choisi pour affirmer, pas séduire.Et pourtant.Je suis encore là-bas.Encore dans ce salon au sommet du monde.Encore dans cette tension suspendue.Encore dans sa voix, grave, précise, posée contre mon oreille : Tu pourrais être mienne.Je frémis
Chapitre 14 — Le banquet du choix MARGO (19h45)J’attends devant l’immeuble.Mon reflet me renvoie une image que je peine à reconnaître. Cheveux relevés avec précision. Tailleur noir, légèrement cintré. Talons mesurés. Un rouge à lèvres discret, mais décidé.Je ne viens pas pour céder. Je viens pour regarder le pouvoir dans les yeux.Une part de moi frémit pas de peur, mais d’adrénaline.Sol de marbre. Mur d’un blanc cassé. Un silence qui enveloppe, juge, invite.Je traverse le hall comme une arène. L’ascenseur s’ouvre. Le miroir m’englobe. Je monte.Le sommet. Là où il m’attend.Quand la porte s’ouvre, tout est déjà en place.Espoir, debout près de la baie vitrée. La ville est à ses pieds, mais ce soir, son regard est pour moi. Il se retourne lentement.Un seul mot :— Margo.Je sens mon prénom comme une promesse. Ou une sentence.— Bonsoir, dis-je. Calme. Entière.Sur la table : deux couverts dressés avec soin. Une lumière douce, presque dorée. Pas de musique. Juste le bruit de nos
Chapitre 13 — Le piège du pouvoir MARGO (fin de matinée)Depuis l’échange avec Hugo, je vis dans l’attente.En attente de l’appel. En attente du regard. De l’invitation. Ou de la menace.Chaque mail que j’envoie à Espoir est un pari. Chaque dossier que je dépose est un message : Je suis là. Malgré tout.Et lui, depuis plusieurs jours, ne dit rien. Pas un mot, pas une allusion.Mais il est partout. Dans mes gestes. Dans ma nuque tendue. Dans chaque battement de cœur trop rapide au détour d’un couloir.Ce matin, je n’ai pas été surprise de recevoir le message de son assistante.« Monsieur Espoir souhaiterait revoir avec vous les éléments du dossier Simmons. Veuillez monter à 11h. »Ni la ponctuation, ni la formulation ne laissaient place à l’interprétation. Ce n’était pas une demande. C’était un rendez-vous fixé par quelqu’un qui pense encore avoir le contrôle.Je suis restée debout devant l’ascenseur, le dossier en main, les pensées en feu.Il pense que je suis venue pour obéir.Il ne
Chapitre 12 — Entre l’ombre et la lumière MARGO (fin d’après-midi)Le lendemain de ma confrontation avec Espoir, j’ai fermé la porte de son bureau sur un monde que je ne reconnaîtrai plus jamais.J’ai quitté l’open space sans bruit. Ni rage, ni fierté. Juste cette sensation d’avoir été jetée hors d’un rêve, d’un piège, d’un vertige… je ne sais plus.J’ai marché. Longtemps. Dans les rues froides, droites, trop normales. Je ne voulais pas rentrer. Pas encore. J’ai cherché un endroit neutre. Un endroit où il n’existait pas.J’ai fini par m’asseoir à la terrasse d’un petit café presque vide. Le serveur m’a regardée comme on regarde quelqu’un qui s’est perdue poliment, sans poser de question.J’ai commandé un café noir. Serré. Sans sucre. J’avais besoin d’amertume pour recouvrir la brûlure.Autour de moi, la vie suivait son rythme : rires étouffés, cliquetis de cuillères, notifications de téléphone. Moi, je n’étais que silence. Mon cœur battait encore, mais j’avais l’impression d’avoir la
Chapitre 11 — Après l’éclipse MARGO (le lendemain matin)Je suis arrivée au bureau à l’heure.En apparence : rien d’inhabituel. Mes cheveux tirés. Ma robe sobre. Un pas assuré, peut-être un peu trop.En réalité, j’ai tourné trois fois autour du bâtiment avant d’oser franchir la porte.J’ai attendu dans ma voiture, sous la pluie fine, à fixer le vide, à espérer que le monde s’effondre avant que je n’aie à recroiser ses yeux. Les gouttes glissaient lentement sur le pare-brise, et moi, je glissais avec elles. Je pensais : Il ne s’est rien passé. Il n’a rien pris. Je n’ai rien donné.Mensonges.Je suis entrée. Le hall brillait sous les néons blancs. Trop propres. Trop clairs.Chaque pas que je faisais résonnait comme un rappel.Je n’étais plus la même.L’ascenseur m’a renvoyé mon reflet. J’ai soutenu mon propre regard une seconde de trop. Mes yeux sont cernés. Mon rouge à lèvres trop parfait. Je ressemble à une femme en contrôle. Mais je ne suis qu’une illusion.INT. SALLE DE TRAVAIL — M
Chapitre 10 — L’éclipseMARGOSon souffle est brûlant contre ma peau.Ses doigts effleurent ma nuque, glissent lentement, comme s’il apprenait mon corps par cœur sans avoir besoin de le déshabiller.Je suis là, debout, offerte.Et lui… il ne me prend pas.Pas tout de suite.Il regarde. Il pèse. Il attend.Il ne parle pas. Il me lit.Et ce regard me dénude plus sûrement qu’aucune main.Autour de nous, le monde s’est effacé.Il n’y a plus de murs, plus de règles, plus de logique.Il n’y a que lui.Et moi.Et ce besoin, immense, presque douloureux, de me fondre en lui.Il approche ses lèvres. Lentement.Comme s’il savait que j’allais suffoquer à force d’attendre.Comme s’il voulait que je le supplie sans parler.Et puis il m’embrasse.Pas un baiser d’exploration.Pas une hésitation.Un baiser qui réclame. Qui ordonne. Qui me traverse comme un courant électrique.Un baiser qui me dit je suis là. Je t’ai vue. Tu es à moi.Je ne résiste pas.Je m’ouvre. Je me tends.Je me perds.Ses mains g