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Chapitre 4 : L'Empreinte

Author: Eternel
last update Huling Na-update: 2025-11-06 20:33:44

Chloé

La nuit qui suit est un long couloir sans sommeil. Ses mots tournent dans ma tête, une mélodie obsédante et toxique. "La peur est désormais un élément tangible dans cette pièce." Il a nommé l'innommable. Il a mis des mots sur ce frisson qui me parcourt chaque fois que je pense à lui. En le reconnaissant, il l'a rendu plus réel, plus puissant.

Au petit matin, les cernes sous mes yeux sont des marques violettes, des stigmates de cette bataille que je suis en train de perdre. Je me prépare machinalement, enfilant une autre tenue neutre , beige cette fois. Une capitulation. Je n'ai même plus la force de jouer la comédie de l'autorité.

La journée est un brouillard. Les visages de mes patients se mélangent, leurs problèmes me semblent lointains, presque triviaux comparés à la tempête que Liam a déclenchée en moi. Je sursaute quand le téléphone sonne, quand une porte claque. Mon corps est constamment en alerte, attendant la prochaine secousse.

C'est en fin d'après-midi, alors que je range mon bureau avant de partir, que je la vois.

Sur la moquette, à côté du fauteuil où il s'était assis, un petit objet brille, captant la lumière du couchant.

Mon cœur cesse de battre pendant une seconde.

Je m'approche, me baissant lentement, comme si je m'apprêtais à désamorcer une bombe.

C'est un bouton. Un petit bouton de nacre, sobre et élégant.

Il provient de sa veste. Je l'ai vu jouer avec, distraitement, pendant la séance. Il doit être tombé.

Sans réfléchir, je tends la main et le ramasse. La nacre est lisse, froide contre ma paume brûlante.

Et c'est à ce moment précis qu'un vertige absolu me saisit.

Je reconnais ce bouton.

Pas dans le sens où je l'aurais vu sur sa veste. Non.

Je le reconnais parce que, deux nuits plus tôt, dans ce rêve fiévreux dont je me suis réveillée en sueur, j'avais vu ce même bouton. Il était tombé sur le sol de mon cabinet, et dans le rêve, je me baissais pour le ramasser, exactement comme je viens de le faire.

La coïncidence était déjà troublante. Mais ça...

C'est impossible.

C'est terrifiant.

Mon esprit rationnel se débat, cherche une explication. J'ai dû le voir sans m'en rendre compte pendant la séance. Mon inconscient a intégré le détail et l'a restitué dans un rêve. C'est la seule explication logique.

Mais la certitude viscérale, celle qui naît dans les tripes, me crie que ce n'est pas ça. Que la chronologie est inversée. Que le rêve a précédé la réalité. Que Liam, d'une manière que je ne peux même pas commencer à comprendre, a déposé cet objet ici pour que je fasse le lien.

Je serre le bouton dans mon poing si fort que la nacre menace de me couper la peau.

C'est un message. Une preuve. Une empreinte laissée délibérément.

Il ne se contente pas de jouer avec mes peurs dans le cadre des séances. Il étend son jeu dans ma vie, dans mes nuits, dans la texture même de ma réalité.

Je me précipite vers mon ordinateur, ouvrant frénétiquement mon agenda. Son prochain rendez-vous est dans cinq jours. Cinq jours. Cela me semble à la fois une éternité et un délai beaucoup trop court.

Je dois comprendre. Je dois enquêter. Je ne peux plus rester assise à attendre qu'il tende son prochain piège.

Mais enquêter sur quoi ? Sur un bouton de nacre ? Sur des rêves ? Je n'ai rien de concret. Rien que je puisse expliquer à quiconque sans passer pour une folle.

Je regarde le petit objet inoffensif posé sur mon bureau. Il semble irradier une énergie malsaine.

Liam ne m'a pas seulement devancée. Il a imprégné mon subconscient. Il a semé une graine dans mon esprit, et je l'ai laissée germer.

Je prends une décision soudaine, impulsive.

Je vais le suivre. Je vais découvrir qui il est vraiment en dehors de ce cabinet.

C'est contraire à toute éthique, à toute déontologie. C'est dangereux. C'est probablement exactement ce qu'il veut.

Mais je n'ai plus le choix. La peur a cédé la place à une détermination glacée.

Il veut jouer ? Très bien. Nous allons jouer.

Mais plus selon ses règles.

Je range le bouton dans un petit sachet en plastique , une preuve, peut-être, même si je ne sais pas de quoi et je le glisse au fond de mon sac.

En quittant le cabinet, je jette un dernier regard à la deuxième chaise.

La partie vient de changer de nature. La chasse est ouverte.

Et pour la première fois, je me demande qui, de lui ou de moi, est vraiment le prédateur.

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