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Chapitre 7 : La Chute

Author: Nems
last update Last Updated: 2025-08-05 09:45:08

Le silence qui s'abattit sur le penthouse, après le départ de la femme blonde, n'était pas un silence de paix, mais un silence d'horreur. Alexandre Valois restait au milieu du salon, son regard fixé sur la scène qui se jouait devant lui. L'assiette brisée sur le sol, les traces de pas sales, la porte entrouverte d'où Maïa avait fui. Ce n'était pas un désordre qu'elle avait créé, mais un chaos qu'il avait lui-même engendré.

Il regarda ses mains. Ces mains qui avaient signé des contrats par millions, ces mains qui avaient caressé Maïa avec tendresse, ces mains qui venaient de la frapper. Une nausée froide lui tordit les entrailles. Il n'avait pas comploté de la frapper. La violence n'avait pas été préméditée, elle avait été une explosion soudaine et incontrôlable, une fissure dans le masque de l'homme parfait. Et maintenant, le masque était brisé.

La colère qu'il avait ressentie s'était évaporée, remplacée par une stupeur absolue. Il ne se reconnaissait pas. Cet homme capable de frapper la femme qu'il aimait, de la rabaisser avec des mots aussi violents, ne pouvait pas être lui, Alexandre Valois. L'homme qu'il avait toujours cherché à être — le chef de famille respectable, l'homme d'affaires irréprochable — s'était effondré.

Le regret le submergea, un poids lourd et suffocant. Il s'approcha lentement du mur, là où Maïa avait glissé. La vue de la porte entrouverte, par laquelle elle avait fui, lui vrilla le cœur. Il s'imaginait sa peur, la douleur sur son visage, le sang sur ses lèvres. Il sentit une vague de honte si intense qu'il ferma les yeux, souhaitant pouvoir remonter le temps.

Son premier instinct fut de la chercher. De la trouver, où qu'elle soit, pour s'agenouiller devant elle, pour lui dire qu'il était désolé. Mais où était-elle ? L'adresse de sa cousine, le nom de ses amis... des détails insignifiants qu'il n'avait jamais pris la peine de retenir. Son monde avait été tellement centré sur lui-même et sa propre réussite qu'il avait laissé Maïa exister en périphérie, comme une annexe à sa vie, et non pas comme une partie intégrante de celle-ci.

Le téléphone de Maïa, posé sur la table de chevet, était un rappel cruel de son aveuglement. Il le saisit et le regarda, impuissant. Il n'avait aucun numéro, aucune trace d'elle. Il avait tout gâché. Le sentiment d'être un échec total le paralysa.

L'orgueil, le même qui l'avait empêché de voir les fissures dans leur relation, s'opposait maintenant à son désir d'aller la chercher. Comment, lui, Alexandre Valois, pourrait-il se présenter au monde, à sa famille, avec l'échec de son couple et la honte d'avoir perdu le contrôle ? Il était prisonnier de son éducation, de ses codes, des attentes des siens. Admettre sa faiblesse était un acte de trahison envers tout ce qu'on lui avait appris.

La panique de la solitude s'installa. C'était la première fois qu'il était confronté à son propre échec, à sa propre cruauté. Le silence du penthouse, autrefois si réconfortant, était désormais assourdissant. Il s'approcha d'une baie vitrée, regardant les lumières de la ville scintillantes, indifférentes. Il avait la richesse, le succès, le pouvoir, mais il avait tout perdu en une seule nuit.

Sa fureur ne s'adressait plus à Maïa, mais à lui-même. Une colère sourde contre sa propre impuissance, contre l'orgueil qui l'empêchait d'être l'homme qu'il voulait être, contre la situation qu'il avait créée. Le désir de vengeance avait cédé la place à un sentiment de défaite et de vide.

Il ne pouvait pas la chercher, il ne savait pas où elle était. Il ne pouvait pas s'excuser, son orgueil l'en empêchait. Il ne pouvait pas faire semblant que rien ne s'était passé. Il était piégé. Seul, dans son appartement de luxe, avec ses blessures psychologiques et sa solitude pour uniques compagnons. La vie parfaite qu'il avait méticuleusement construite s'était effondrée, et le pire, c'est qu'il en était le seul responsable.

Le corps de la femme blonde n'avait pas encore refroidi le lit et son parfum sucré flottait toujours dans l'air, mais elle avait disparu. Sans un mot, sans un regard en arrière. Elle s'était éclipsée comme une ombre, une preuve gênante d'une nuit qui n'aurait jamais dû exister. La porte de l'entrée s'était refermée une fois pour elle, puis une seconde fois pour Maïa. C'était la deuxième fois qu'il se retrouvait seul, et cette fois, c'était définitif. Un sentiment de vide, d'une immensité glaciale, s'installa dans son ventre.

Il se mit à arpenter le salon. Chaque pas résonnait dans le silence, chaque écho était un rappel de l'absence. Il s'arrêta devant une photo de Maïa, prise lors de leur dernier voyage en Italie. Elle riait, son visage rayonnant de bonheur, une glace au chocolat à la main. Il se rappela l'avoir trouvée tellement belle, tellement vivante. C'était cette image qu'il avait aimée, cette image de femme pétillante qui était le reflet de son propre succès. Mais il avait détruit cette image, il l'avait brisée en mille morceaux, comme l'assiette sur le sol.

Il s'agenouilla et ramassa un des morceaux d'assiette. Le bord était tranchant. Il regarda le bout de porcelaine blanche, se sentant soudainement vulnérable, si loin de l'image de l'homme puissant qu'il était au bureau. Il pensa à Maïa, à la douleur qu'il lui avait infligée, à la peur qu'il avait lue dans ses yeux. Il imaginait ses bleus, les traces de ses doigts sur sa peau. La nausée revint, plus forte encore.

Le pire n'était pas la violence, mais le silence qui suivait. La lâcheté. Il avait laissé une femme partir, blessée, sans un sou, sans la moindre idée d'où elle allait. Il l'avait menacée, mais il ne l'avait pas retenue. Il avait tout gâché, il le savait. Mais l'orgueil, un poison lentement infusé dans son sang depuis l'enfance, l'empêchait d'aller de l'avant.

Il pensa à son père, Jean-Pierre. L'homme d'affaires dur et impitoyable, qui lui avait toujours dit que les Valois ne montrent jamais leur faiblesse. "Un homme, ça se contrôle, Alexandre." "Un homme ne se laisse pas emporter par ses émotions." "Un Valois est fait pour diriger, pas pour se faire diriger par une femme." Ces phrases résonnaient dans sa tête, des ordres anciens, inflexibles, qui l'empêchaient de faire ce qu'il fallait.

Il prit son téléphone, son doigt hésitant au-dessus de la touche "Appel". Il y avait une urgence à la trouver. Mais son orgueil lui criait de ne pas céder. De ne pas courir après elle, de ne pas se montrer faible. Il avait un empire à gérer, une famille à satisfaire, un héritage à assurer. Une femme ne pouvait pas être une source de problèmes.

Il s'assit sur le canapé, le téléphone à la main, sa tête entre les mains. Il avait tout. Et pourtant, il n'avait rien. L'argent ne pouvait pas racheter la dignité de Maïa. La puissance ne pouvait pas réparer la blessure qu'il avait infligée. L'image de l'homme parfait s'était effondrée, et le pire, c'est qu'il en était le seul responsable.

Le sommeil ne vint pas. Il passa le reste de la nuit à faire les cent pas, à repasser la scène en boucle, à imaginer où Maïa pouvait être, avec qui. Il imaginait les yeux de sa cousine, l'horreur sur son visage en découvrant ses blessures. Le spectre de la honte se matérialisait, plus fort encore que sa culpabilité. Le matin arriva, non pas avec la promesse d'un nouveau jour, mais avec la certitude que sa vie ne serait plus jamais la même. Il n'était plus l'Alexandre qui contrôlait tout. Il n'était plus l'Alexandre que Maïa aimait. Il n'était plus qu'un homme seul, hanté par ses propres démons.

Le silence du penthouse demeurait l'unique témoin de sa déchéance. Il n'y eut pas d'appel, pas de main tendue, pas de solution simple. Il restait assis sur le canapé, un pantin dont les ficelles étaient rompues, la tête enfouie dans ses mains, perdu dans un vide qu'il avait lui-même creusé. Sa vie parfaite était en ruines, et il en était le seul responsable. Il n'y avait plus personne à blâmer, plus personne pour l'aider. Il était un homme brisé. Un homme seul. Et il avait tout perdu.

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