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Alba
L’été s’étire paresseusement sur la petite ville de Willow Creek, une de ces bourgades américaines où tout le monde se connaît, et où le temps semble s’écouler au rythme des cigales et des cloches de l’église du centre. Les rues pavées, bordées de maisons en bois peintes de couleurs passées par le soleil, respirent la tranquillité. Mais moi, je ne viens pas ici pour la tranquillité. Je viens pour passer l’été chez ma meilleure amie, et je sens déjà que tout va être différent cette année.
Mes parents ont insisté pour m’accompagner jusqu’à la grande maison au bord de la forêt. La voiture ralentit en tournant dans l’allée gravillonnée, et je les entends échanger des banalités, mais je suis ailleurs. Mon regard se perd sur l’ombre des arbres, là où les rayons du soleil se frayent un chemin à travers les feuilles. La maison se dresse majestueuse, un peu trop parfaite pour un endroit si reculé : des volets verts, un porche en bois verni, et cette aura de mystère qui semble m’attirer malgré moi.
— Allez, chérie, profite bien de ton été, me lance ma mère, un sourire doux mais un peu inquiet sur le visage.
— On va s’ennuyer sans toi, ajoute mon père en posant sa main sur mon épaule.
Je souris, mais mon esprit est déjà loin, captivé par ce que j’ignore encore. Je descends de la voiture et sens l’air chaud chargé de l’odeur des pins et de la terre humide. C’est là que je le vois pour la première fois, ou peut-être pour la première fois vraiment : le père de ma meilleure amie .
Il apparaît au bout de l’allée, immense et élégant, les épaules larges, les traits marqués par un charme sombre. Son regard, profond et calculateur, se pose sur moi. Instantanément, je sens une chaleur sourde se répandre dans mon ventre, un mélange d’excitation et de crainte. Chaque fois qu’il me regarde, c’est comme si mon corps se faisait lire, disséqué, analysé dans ses moindres désirs.
Avant que je puisse réagir, ma meilleure amie jaillit à ma hauteur, les bras grands ouverts.
— Alba ! s’écrie-t-elle, et sans attendre, elle m’enlace si fort que je sens sa joie contagieuse traverser mon corps.
— Samantha ! Je ris et me blottis contre elle. « Ça fait tellement longtemps ! »
— Je sais, je sais ! Tu n’imagines pas combien j’ai compté les jours, répond-elle en se reculant juste assez pour me regarder dans les yeux, son sourire éclatant illuminant son visage. « Tu as grandi… et tu es encore plus… » Elle rougit légèrement, et je sens son regard se poser sur moi avec une chaleur complice.
Nous rions, nous bousculons presque, échangeant des coups d’épaule amicaux et des petites tapes, nos voix se mêlant aux chants des oiseaux et au bruissement des feuilles.
— Tu n’imagines pas ce que j’ai préparé pour cet été, me confie-t-elle en glissant un bras autour de mes épaules. « Les soirées au lac, les excursions dans la forêt… et surtout… tu vas rencontrer mon père. »
— Ah oui, ton père… je dis en me mordillant la lèvre, déjà consciente que la mention de son nom fait battre mon cœur plus vite.
Et c’est là que je le remarque de nouveau . Il s’approche calmement, presque comme un prédateur élégant.
— Tu es arrivée enfin , dit ma meilleure amie en souriant et en me poussant légèrement vers lui.
— Et voilà ma fille, reprend Adriel, sa voix rauque caressant l’air comme une promesse.
Je me fige, incapable de détourner les yeux. Il s’approche, et je sens son aura animale me frôler. L’air autour de lui semble vibrer, chargé d’une tension électrique que je ne peux ni ignorer ni contrôler.
— Alors, vous deux, vous allez passer un super été avec moi , n’est-ce pas ? dit ma meilleure amie avec un clin d’œil, brisant un instant la tension.
— On dirait bien, murmuré-je, mes yeux restant fixés sur son père , incapable de cacher la chaleur qui monte en moi.
AlbaLe loup argenté ne me quitte pas des yeux. Chacun de ses souffles est un vent chaud qui fait trembler l'étoffe de ma robe. Je devrais hurler. Je devrais fuir. Mais mes pieds sont enracinés dans cette terre ancienne, et un étrange calme m'envahit, comme si une partie de moi attendait ce moment depuis toujours.— Tu vois maintenant, murmure la voix d'Adriel dans mon esprit.Je ferme les yeux un instant, submergée par un flot d'émotions contradictoires. La peur, bien sûr. Une terreur primitive face à cette créature de légende. Mais aussi une fascination malsaine, une curiosité brûlante qui consume toute raison.Quand je rouvre les yeux, le loup a reculé d'un pas. Sa silhouette commence à changer, à se métamorphoser. Les os craquent dans un bruit horrifiant et fascinant. La fourrure argentée se résorbe dans la peau qui pâlit. La forme massive se redresse, prenant une stature humaine.Quelques instants plus tard, Adriel se tient devant moi, nu jusqu'à la ceinture, les muscles de son t
AlbaLa maison bourdonne d'une énergie étrange, électrique. Quelque chose se prépare. Quelque chose que je ne comprends pas.Je descends pour le dîner, encore remuée par l'incident dans les bois. Samantha semble nerveuse, évitant mon regard. Son sourire est trop large, trop brillant. Et lui... Adriel est assis à la tête de la table, imposant et silencieux. Son regard pèse sur moi plus lourdement que jamais.— Une fête aura lieu ce soir, annonce Samantha dans un tintement de couvert. Une tradition familiale. Dans les bois. Tu devrais venir, Alba.— Une fête ? je répète, hésitante.— Pour les jeunes de la communauté, précise Adriel.Sa voix est calme, mais elle résonne en moi comme un tambour. Je vois le regard qu'il échange avec sa fille. Quelque chose passe entre eux, une complicité qui me glace.— C'est... pour nos dix-huit ans, ajoute Samantha à voix basse. Une sorte de rite de passage.Quelque chose dans sa voix me fait froid dans le dos. Ses doigts tremblent en portant son verre d
AdrielElle fuit à travers le sous-bois, légère comme une feuille emportée par le vent. Ses pas précipités crissent sur les feuilles mortes, un rythme affolé qui trahit la tempête en elle. Je reste immobile, l'odeur de sa peur et de son désir mêlés emplissant mes narines. Un parfum enivrant.Mon sourire s'élargit, lent, prédateur.La petite Alba. Si fragile en apparence, avec ses grands yeux pleins de rêves interdits. Elle croit cacher ses pensées, les enfouir au plus profond d'elle-même. Elle ignore que pour moi, elles crient. Elles hurlent.Je ferme les yeux un instant, laissant les images qu'elle a projetées m'envahir à nouveau. Les scènes qu'elle a imaginées contre cet arbre... si vives, si détaillées. La façon dont elle s'est abandonnée à moi dans son esprit, offerte, consentante, brûlante. Elle a honte, oui. Mais son désir est plus fort que sa honte. Bien plus fort.Et c'est exactement ce que je veux.Je rouvre les yeux, fixant l'endroit où elle a disparu. Mon territoire s'étend
AlbaJ’ouvre les yeux.Un vertige brutal me submerge, comme si on venait de me pousser du haut d’une falaise. Le tronc du chêne est rude et réel contre mon dos. La lumière filtre à travers les feuilles, inchangée. Le chant des oiseaux a repris, normal, insouciant.Il n’est pas là.Il n’a jamais été là.La scène tout entière , ses pas, sa voix, ses doigts sur ma joue, cette intimité brûlante et humiliante , s’est déroulée dans l’arène close de mon crâne. Un fantasme si vif, si charnel, qu’il a usurpé la réalité. Mon cœur bat à coups désordonnés, non pas de passion, mais de panique. Ma joue ne brûle que de honte. Mon corps tout entier est un leurre, trahi par ses propres pulsions.Je ferme les yeux un instant, essayant de chasser les derniers vestiges de l’illusion, mais ils résistent, collants comme de la toile d’araignée. Le goût de son nom sur ma langue. La sensation fantôme de sa main sur ma mâchoire. « À toi. » J’ai dit « À toi » à un homme qui n’était pas là. À mon amie. À la fill
AlbaLe jour se lève, lent, implacable. Une lumière grise et coupable filtre à travers les persiennes, striant le sol et mon corps épuisé. Je me sens vidée, comme après une longue maladie. Mais la fièvre, elle, couve toujours. Elle n’a pas quitté mes veines. Elle s’est contentée de se tapir, patiente, attendant son heure.Je m’habille mécaniquement, enfilant une robe légère qui me semble soudain trop lourde sur ma peau hypersensible. Chaque froissement du tissu est une caresse indécente, un rappel des mains qui m’ont possédée dans mes rêves. Mes propres mains.La maison est étrangement silencieuse quand je descends. Trop silencieuse. Je tends l’oreille, guettant le bruit de ses pas lourds, le timbre grave de sa voix. Rien. Seulement le tic-tac obsédant de la vieille horloge du couloir.Samantha est à la cuisine, le visage pâle et les yeux cernés.—Tu as bien dormi ? me demande-t-elle en poussant vers moi une tasse de café.—Comme un loquet, je mens, la voix rauque.Je prends la tasse.
AlbaJe recule d'un pas chancelant, puis deux, quittant le balcon comme on quitte le bord d'un précipice. La porte-fenêtre se referme dans un claquement sourd qui résonne comme un coup de feu dans le silence de ma tête. Le dos collé contre la paroi froide, je ferme les yeux, mais son image est incrustée au fond de mes paupières, plus vive que la réalité.Son torse.Dieu, son torse.Large, pâle sous la lune, strié de muscles qui dessinaient un relief de force pure. La toison sombre, une flèche sauvage traçant un chemin vers la ceinture de son pantalon, vers ce qui était caché, interdit. J'avais vu la puissance de ses bras, la carrure qui promettait de m'engloutir. Et ses yeux… ses yeux qui m'avaient déshabillée, possédée, bien plus efficacement que des mains.Un gémissement m'échappe, étouffé dans le silence de la chambre. Ma main presse le creux de mon ventre, où une douleur-aiguïsie, un besoin viscéral, s'est enracinée. C'est plus fort que la honte, plus fort que la peur. C'est un ap







