LOGINAlba
Mes parents s’activent à décharger les valises, mais je n’entends plus leurs voix. Tout disparaît, sauf cette présence magnétique. Même le bruit des branches froissées sous mes pas, le craquement discret des planchers de la maison, tout semble s’effacer devant lui. Je me surprends à imaginer ses mains puissantes glissant sur ma peau, ses lèvres effleurant mon cou, et un frisson interdit me parcourt la colonne vertébrale. Chaque mouvement de son corps est une danse hypnotique, chaque regard échangé est un défi silencieux.
Je deviens folle. Qu’est-ce qui m’arrive ? Pourquoi mon cœur s’emballe-t-il à ce point, pourquoi mes pensées me trahissent-elles ? Je devrais ressentir de la gêne, du respect, mais tout cela s’efface devant l’intensité brute de sa présence. Je me surprends à imaginer ses bras m’enserrant, ses mains explorant avec une délicatesse féroce, et j’ai peur… mais une partie de moi brûle de ce feu interdit.
La maison est grande, presque trop silencieuse. Les pièces en bois poli résonnent de nos pas, et j’ai l’impression que chaque recoin, chaque ombre, est témoin de quelque chose que je ne devrais pas ressentir. Chaque miroir, chaque cadre, chaque reflet me semble complice de cette tension qui s’accumule. Je frissonne et me pince l’avant-bras pour me rappeler que je suis consciente de moi-même, mais même ce petit geste me semble dérisoire face à la tempête qui gronde en moi.
La forêt derrière la maison devient un écrin mystérieux, un sanctuaire où mes pensées les plus secrètes se perdent. Là-bas, entre les pins et les fougères, j’imagine ses mains me trouver, ses doigts s’accrochant à moi, et mon souffle s’accélère rien que d’y penser. Chaque fois que je ferme les yeux, je le vois : son regard sombre, perçant, comme s’il pouvait lire chaque désir, chaque crainte, chaque secret enfoui. Et je sens cette chaleur monter, comme un feu qui refuse de s’éteindre.
La nuit tombe rapidement sur Willow Creek. Les bruits de la forêt deviennent plus présents : le chant lointain des hiboux, le bruissement des feuilles sous une brise timide, le clapotis discret d’un ruisseau derrière les arbres. Mais tout cela s’efface lorsque je pense au père de ma meilleure amie . Son ombre s’étend sur moi comme un voile, et je me sens à la fois vulnérable et irrésistiblement attirée. Mon cœur s’emballe, mes mains deviennent moites, mes jambes tremblent, et je sais que je ne suis plus maîtresse de mes sensations.
Chaque fois qu’il passe près de moi, je sens une chaleur insidieuse envahir mon corps. Une simple effleurement de sa main sur une porte, ou la façon dont son regard accroche le mien, suffit à me désarmer complètement. Mes barrières s’effritent peu à peu, et je me rends compte que mon esprit et mon corps réclament quelque chose que je n’oserais avouer à personne. Même mes parents, assis dans le salon, semblent être dans un monde éloigné, incapables de percevoir ce mélange de désir et de peur qui m’envahit.
Je me surprends à parler toute seule, à murmurer des phrases que je n’aurais jamais imaginé prononcer :
— Pourquoi est-ce que… pourquoi celà m'arrive-t-il ?
La voix me paraît étrangère, trop fragile, mais elle trahit ce que je ressens. Chaque seconde passée près de lui est un supplice délicieux, un mélange de crainte et de désir qui me consume. Je sais que je devrais m’éloigner, mais je ne peux pas. Je me sens happée, irrésistiblement, vers quelque chose de dangereux et d’inconnu.
Je ferme les yeux et tente de respirer, mais c’est inutile. Mes pensées me ramènent toujours à lui : le frôlement de sa peau contre la mienne alors qu’il passait dans le hall, la façon dont il incline la tête pour m’observer, ce sourire à peine perceptible qui semble m’inviter à franchir une frontière que je devrais respecter. Et plus je résiste, plus le désir devient viscéral, insatiable.
Je suis consciente du danger, de l’interdit. Je sais qu’il pourrait tout détruire , mon amitié, mon innocence, peut-être même quelque chose en moi que je n’ai jamais voulu révéler. Et pourtant, l’adrénaline qui monte en moi est addictive. La forêt, la maison, la petite ville endormie… tout devient le théâtre d’un jeu silencieux où je me laisse happer, irrémédiablement.
Je sens que chaque instant passé près de lui me rapproche du précipice. Et pourtant, je ne veux pas reculer. Une partie de moi hurle pour que je parte, mais une autre partie… une partie que je ne reconnais pas encore, est prête à se laisser guider dans cet univers obscur et brûlant, où la frontière entre l’homme et la bête se dissout dans un souffle chaud et prohibé.
Je ferme les yeux une dernière fois, me laissant envahir par cette folie douce et dangereuse, consciente que, cette fois, je ne pourrais plus faire marche arrière.
Samantha Ils n’ont pas signé pour ça.Je compose le numéro. Le crépitement du cadran est un tambour dans le silence.— Allô ?La voix de Claire, douce, un peu inquiète.— Claire. C’est Samantha.— Sam ! Ma chérie ! Quelle surprise. Tout va bien ? Alba… ?— C’est à propos d’Alba, oui.Je prends une voix qui tremble, pour de vrai cette fois. L’émotion est là, bouillonnante, mais elle est mêlée à tant d’autres choses. Je la canalise, je la façonne.— Je… je ne sais pas par où commencer. Je suis si inquiète. J’ai peur pour elle.— Mon Dieu, qu’est-ce qu’il se passe ? Elle est malade ?— Non, pas physiquement. C’est… plus grave. C’est mon père.Un silence à l’autre bout du fil. Un silence qui se tend.— Adriel ? Mais… il veille tellement sur elle. — C’est ça le problème, Claire. Cette… proximité. Elle a pris une tournure… que je ne reconnais pas. Qu’il ne contrôle peut-être pas lui-même.Je marque une pause. Je laisse le poids des mots s’installer.— Ils sont tout le temps ensemble. Seul
AlbaJe lève les yeux vers lui. Je vois la fatigue, la tension, et une lueur de défi qui n’y était pas avant.— Elle me hait maintenant. Vraiment.— Elle craignait l’ombre que tu projetais avant même que tu ne saches toi-même que tu en avais une, répond-il. Ce n’est pas toi qu’elle hait. C’est la lumière que tu reflètes.Il retire sa main, se tourne vers le brocard.— Va te laver. Repose-toi. Nous parlerons plus tard.Je fais un pas, puis deux. Mes jambes sont de plomb. Le froid du matin s’infiltre enfin sous ma peau, remplaçant le feu de la course.Je jette un dernier regard à la porte close de la remise.Je suis rentrée en conquérante, chargée du poids d’une bête et d’une nouvelle peau.Mais une autre chasse vient de commencer. Une chasse silencieuse, dans les couloirs de pierre, où les armes sont des sourires et des sous-entendus, et où la proie, c’est moi.SamanthaLe cognac brûle, mais c’est un feu glacé. Il ne réchauffe rien, il calcine. Il calcine cette image, imprimée au fer r
AlbaLa forêt recule, pas à pas, derrière nos épaules. Elle nous relâche, comme à regret.Entre nous, suspendu à une branche solide, le brocard se balance. Son poids rythme notre marche. Une cadence lente et conquérante. La chaleur de son flanc mort cède déjà à la fraîcheur de l’air matinal. Mon propre corps est une seule vibration. Une corde tendue qui n’a pas encore fini de résonner. Le sang sur mes mains est une seconde peau, collante, métallique, vraie.Chaque pas vers le manoir est une affirmation.Je ne sais pas ce que je suis devenue, là-bas, entre les arbres. Je sais seulement que je ne rentre pas en ayant fui. Je rentre en ayant pris.À mes côtés, Adriel marche. Son silence n’est plus un ordre, ni une mise à l’épreuve. C’est un écho. Il porte l’autre bout du fardeau, et notre synchronie est palpable, physique. Le monde semble réduit à la largeur du sentier, à la solidité du sol sous nos bottes, à la créature que nous rapportons.Le manoir émerge des brumes de l’aube. Il sembl
AlbaLa forêt nous a avalés.Il n’y a plus de temps, plus d’heures. Seulement le mouvement et l’écoute. Le lien. Je ne vois presque plus Adriel. Je le devine. Une ombre plus dense que les autres, un silence qui commande au mien.Chaque pas est une décision irréversible. Chaque respiration, une prise de risque.La trace du brocard devient plus nette. Elle n’est plus une hypothèse, mais une certitude. Une chaleur animale qui flotte dans l’air, mêlée à la sève et à la mousse. Mon cœur ralentit, comme s’il comprenait enfin ce qu’on attend de lui. Il ne bat plus pour fuir. Il bat pour traquer.Adriel s’accroupit brusquement. Je m’immobilise dans le même souffle, sans réfléchir. Devant nous, le sous-bois s’ouvre sur un terrain plus meuble. Une zone de passage. Une coulée.Il lève lentement la main.Arrêt.Je reste figée, muscles bandés, équilibre parfait. Le silence devient si dense qu’il bourdonne dans mes oreilles. Puis je l’entends. Le frottement lourd d’un corps puissant contre les foug
AlbaJe dépose mon front contre son sternum, écoutant le battement régulier de son cœur, ce métronome de puissance animale.— J'ai peur, admis-je, la voix étouffée par son torse.— Bien, dit-il, ses bras se refermant autour de moi. La peur est l'aiguillon. Sans elle, il n'y a pas de courage, seulement de la stupidité. Ta peur, demain soir, tu la donneras à la forêt. Tu la transformeras en attention. En acuité.La veille de la pleine lune, il n'y a plus d'entraînement. Il m'emmène aux thermes, la même salle de bain où tout avait basculé. L'eau est chaude, parfumée aux mêmes huiles. Mais il n'entre pas avec moi. Il reste sur le rebord, me regardant.— Demain, tu ne seras plus Alba, la femme. Tu ne seras pas non plus la promise de l'Alpha. Tu seras un prédateur. Une moitié d'un tout. Oublie tout le reste. Oublie les regards, les jugements, Samantha, Boran. Il n'y aura que la forêt, la lune, moi, et la proie.Je m'enfonce dans l'eau, laissant la chaleur pénétrer mes muscles endoloris.— E
AlbaLes jours avant la pleine lune sont une forme d'entraînement brutal et intime. Adriel ne me prépare pas à chasser un cerf ou un sanglier. Il me prépare à chasser avec lui. La nuance est tout.Il m'emmène chaque après-midi dans une clairière isolée, loin des yeux de la meute. Ici, il n'est plus seulement l'Alpha. Il est un prédateur qui démonte sa propre mécanique pour moi.— Ce n'est pas une question de force, dit-il la première fois, en tournant autour de moi comme un loup autour d'une proie curieuse. C'est une question de perception. Tu dois sentir la forêt avant de la voir. Entendre le silence qui parle.Il m'apprend à écouter le vent non pour sa force, mais pour ce qu'il porte : l'odeur de la terre humide, la trace lointaine d'un animal, l'alerte subtile des oiseaux. Il me fait fermer les yeux, plaçant ses mains lourdes sur mes épaules.— Respire , pas avec ta poitrine. Avec ton ventre. Jusqu'aux racines. Maintenant, dis-moi. Que sens-tu ?Je lutte contre la frustration, cont







