 Masuk
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AlbaLa lumière est la même, cette lumière dorée et laiteuse des matins naissants, filtrant à travers les mêmes rideaux de lin. Elle dessine les mêmes motifs sur le parquet, caresse les mêmes meubles, et pourtant... pourtant tout est différent. L'air lui-même a changé. Il est chargé, non plus seulement de notre histoire, mais de notre avenir.Je suis allongée contre lui, ma tête sur son épaule, notre position si familière, si ancrée dans notre chair après toutes ces années. Mais entre nous, maintenant, il y a ce troisième pouls. Ce petit cœur qui bat en contrepoint du nôtre. Ma main se joint à la sienne, pressant plus fort sur mon ventre encore plat, comme pour mieux sentir le miracle.— Tu es sûre ? il avait chuchoté, et dans sa voix, j'avais entendu toute la fragilité de l'homme fort, tout l'émerveillement de l'enfant. Ses yeux, ces yeux sombres qui avaient connu tant d'orages, brillaient d'une larme qu'il refusait de laisser couler. Une perle de bonheur pur, trop précieuse pour êtr
AlbaLe sommeil de Sandro est un continent à part. Une terre lente et paisible où je débarque, éveillée. Je compte les secondes entre ses respirations, je devine les rêves derrière ses paupières closes. La lumière de l'aube dessine des rectangles pâles sur le drap qui nous couvre, comme des portes vers d'autres mondes possibles.Je retiens mon propre souffle.Si je bouge,ce sortilège va-t-il se briser ?Mon corps est une chambre d'écho où résonne encore la mémoire de ses mains,de sa bouche, de la douce violence avec laquelle il m'a ramenée à la vie. Chaque muscle, chaque parcelle de peau le reconnaît, se souvient. Ce n'était pas une simple étreinte. C'était une résurrection.Il remue, un grognement sourd au fond de sa gorge. Ses bras, lourds de sommeil, se resserrent autour de ma taille dans un réflexe possessif et tendre. Même inconscient, son corps réclame le mien.— Chut, je murmure dans la coquille de son oreille. Je ne pars pas. Plus jamais.Mes lèvres effleurent la cicatrice sur
AlbaNous rentrons à la maison, entrouvrant la porte de notre royaume, fatigués mais soulagés. La lumière filtre à travers les rideaux, douce, dorée, presque timide. Elle danse avec les ombres, créant des motifs délicats sur le sol. Le monde dehors continue de tourner, mais ici, tout semble arrêté, comme si le temps nous avait accordé une pause précieuse.Son bras pèse sur ma taille, sa respiration glisse contre ma nuque, chaude et régulière, comme une mélodie familière. Je ne bouge pas. Je laisse ce silence m’envelopper, un cocon douillet où les cris du passé s’évanouissent. Depuis combien de temps n’ai-je pas connu un matin sans colère, sans cette tension dans la poitrine qui me rongeait lentement de l’intérieur ?Je me retourne lentement, mon cœur battant à l’unisson avec le silence qui nous entoure. Sandro dort encore, ses traits détendus, presque apaisés. Rien à voir avec l’homme que j’ai affronté hier soir, ni avec celui qui m’a blessée tant de fois par ses silences. Je le regar
SandroJe la regarde partir, puis s’arrêter.Son dos, droit, fragile, semble dire tout ce qu’elle tait.Je pourrais la laisser fuir. Ce serait plus simple.Mais je ne suis plus cet homme-là.Pas quand tout en moi hurle son nom.Je m’avance.Une, deux, trois secondes suspendues.Le bruit de la ville s’efface.Il ne reste plus qu’elle — et ce vide entre nous, chargé de tout ce qu’on n’a jamais dit.— Alba.Ma voix tremble un peu. Pas de peur. De vérité.Elle se retourne, lentement. Ses yeux sont rouges, pas de colère, mais de fatigue, de tout ce qu’elle retient depuis trop longtemps.— Ne recommence pas, souffle-t-elle.— Non. Cette fois, je finis.Je m’approche, sans chercher ses yeux, juste assez près pour qu’elle entende mon souffle.— Tu veux savoir pourquoi je suis resté silencieux ? Pourquoi j’ai laissé le doute s’installer ? Parce que j’avais peur de ce que je ressentais. Peur de te le dire. Peur que tout s’effondre dès que je prononcerais ton nom comme on prononce une prière.El
SandroJe la vois avant qu’elle ne me voie.Assise sur le banc, dos droit, les mains crispées sur son sac.Elle a cette façon de se tenir, entre la fuite et la défense, comme si le moindre mot pouvait la faire exploser.Le vent joue dans ses cheveux. La lumière grise du matin lui découpe le visage , pâle, tendu, obstinément calme.Je reste là quelques secondes, immobile, avant d’avancer.Chaque pas est une lutte contre moi-même.Parce que je sais que si je parle trop fort, elle partira.Et si je me tais, elle m’échappera autrement.— Alba…Ma voix n’est qu’un souffle.Elle sursaute. Se retourne. Son regard me traverse, et je sais déjà qu’elle était ailleurs , pas seulement loin de moi, mais dans un endroit où je n’existe plus.— Qu’est-ce que tu fais là ?Sa voix est basse, tendue.— Je pourrais te poser la même question.Elle soupire, détourne les yeux.Je vois la fatigue dans ses traits, la nuit blanche qui s’y accroche.Je m’assois à l’autre bout du banc. Pas trop près. Juste assez
AlbaJe marche vite dans la rue, le souffle court, comme si accélérer pouvait me faire oublier la nuit, ses silences et ses phrases.Le vent mord mes joues et emmêle mes cheveux. Je sens chaque regard posé sur moi, mais je n’ai pas la force de le croiser.Le café que j’ai vidé à la hâte ce matin brûle encore ma gorge. Il est trop amer, trop froid, tout comme cette histoire.Mon téléphone vibre.Marco. Je ne réponds pas. Je ne veux pas.Chaque fois que son nom s’affiche, c’est une faille ouverte dans ma poitrine.Je sais pourtant que je finirai par céder. Que cette culpabilité, ce besoin de fuite, va me pousser à décrocher.Je marche jusqu’au passage piéton, m’arrête au feu rouge. Les voitures passent, le monde continue, indifférent.Moi, je suis coincée entre hier soir et demain, entre ce que je veux et ce que je devrais faire.Le feu passe au vert. Je traverse, rapide, maladroite, sans regarder.Le téléphone vibre de nouveau.Je lève les yeux au ciel, exaspérée par moi-même.Marco in








