Camille
L’eau chaude coule sur ma peau, me brûle presque, mais je ne baisse pas la température. J’ai besoin d’effacer cette nuit, d’éclaircir mon esprit.
Ma vie a basculé en quelques heures. Mon appartement est envahi par des flics, je suis coincée dans le repaire d’un homme dont j’ignore tout, et quelqu’un a essayé de me piéger. Mais pourquoi ?
Je ferme les yeux et laisse ma tête reposer contre le marbre froid de la douche.
Lambert.
C’est forcément lui. Il a dû comprendre que je creusais un peu trop dans ses affaires. Mais pourquoi une mise en scène aussi brutale ? Pourquoi tenter de m’impliquer ?
Une certitude me serre la gorge.
Il veut me faire taire.
Et la seule raison pour laquelle je suis encore là, c’est que Lorenzo est intervenu avant.
Je serre les poings.
Je refuse d’être une victime.
J’éteins l’eau et attrape une serviette. Pas de vêtements de rechange. Merde.
J’ouvre prudemment la porte et tends la tête dans le couloir.
— Vous cherchez quelque chose ?
Sa voix me surprend et je sursaute.
Lorenzo est appuyé contre le mur, les bras croisés, un sourire en coin. Il a changé de chemise – une noire, parfaitement ajustée – et tient une coupe de vin à la main.
Il est indécent de décontraction.
— Des vêtements, dis-je en resserrant la serviette autour de moi.
Il ne répond pas tout de suite. Son regard glisse lentement sur moi, évaluant chaque détail.
Je frémis sous son attention, mais je refuse de baisser les yeux.
Il finit par sourire et tend une main vers la chambre à côté.
— J’ai fait apporter quelques affaires.
Je ne le remercie pas.
J’avance rapidement dans la pièce et referme la porte derrière moi.
Quelques affaires ?
Un dressing entier m’attend.
Des robes, des ensembles sobres mais élégants, des sous-vêtements encore emballés. Même des chaussures.
Je serre les dents. Prévoyant, hein ?
J’enfile un jean noir et une chemise blanche en soie, puis sors de la chambre.
Lorenzo est toujours là, adossé au mur, et il sourit légèrement en me voyant.
— Bien. Maintenant, on parle.
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Lorenzo
Elle s’installe sur le canapé, droite comme une épée, prête à l’affrontement.
Je me sers un autre verre de vin, puis lui tends le second.
Elle hésite avant de le prendre, ses doigts frôlant les miens. Une légère tension électrique passe entre nous.
Elle la sent aussi.
Je m’installe face à elle, posant mon verre sur la table basse.
— Vous comprenez maintenant que votre vie ne sera plus jamais la même, n’est-ce pas ?
Elle serre les lèvres, les yeux froids.
— Je veux savoir pourquoi on me cible.
— Vous êtes avocate, Camille. Une excellente avocate. Mais vous avez creusé au mauvais endroit.
Elle fronce les sourcils.
— Lambert.
Je hoche la tête.
— Vous pensiez qu’il ne remarquait pas vos recherches ? Il sait tout.
Elle se redresse, méfiante.
— Et vous ? Pourquoi êtes-vous intervenu ?
Un sourire lent étire mes lèvres.
— Parce que vous m’intéressez.
Elle me fusille du regard.
— Vous jouez à quoi ? Vous me prenez sous votre protection comme une pauvre femme en détresse ?
Je ris doucement.
— Camille, je ne vous considère pas comme une femme en détresse. Mais comme une femme trop intelligente pour se rendre compte qu’elle joue avec des flammes qui vont la consumer.
Ses yeux brillent de colère.
Parfait.
Elle se lève d’un bond.
— Alors si je suis un problème, laissez-moi partir.
Je me lève à mon tour, réduisant immédiatement la distance entre nous.
— Non.
Elle tressaille légèrement.
— Pourquoi ? chuchote-t-elle.
Je me penche, mon souffle frôlant son oreille.
— Parce que maintenant, vous êtes à moi.
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Camille
Un frisson me traverse, incontrôlable.
Je le repousse d’un geste sec.
— Je n’appartiens à personne.
Son sourire s’élargit.
— On verra.
Ma respiration est saccadée. Il joue avec moi, avec mes nerfs, avec cette attraction étrange qui flotte entre nous.
Mais je refuse de plier.
— Très bien. Expliquez-moi pourquoi Lambert a fait ça.
Il se rassoit et croise les jambes avec une désinvolture agaçante.
— Parce que vous avez mis le nez dans des affaires qui le lient à des gens très puissants. Et il n’aime pas les témoins gênants.
Je déglutis.
— Des gens comme vous ?
Son sourire s’efface légèrement.
— Non. Des gens pires.
Un silence tombe entre nous.
Je passe une main dans mes cheveux, cherchant un moyen de reprendre le contrôle.
— Alors vous allez faire quoi ? Me garder enfermée ici indéfiniment ?
Il repose son verre et me fixe.
— Non.
Je fronce les sourcils.
— Alors ?
Il s’approche, lentement, comme un prédateur.
— Je vais vous apprendre à survivre.
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Lorenzo
Je vois la méfiance danser dans ses yeux. Mais aussi autre chose.
Un éclat d’adrénaline.
Elle est fière. Forte. Mais au fond, une part d’elle est curieuse.
Je me redresse et lui tends la main.
— Première leçon.
Elle me dévisage, hésite.
Puis, lentement, elle glisse sa main dans la mienne.
Son contact est chaud. Brûlant.
Je referme mes doigts sur les siens et l’attire contre moi.
Elle se raidit, surprise.
— Qu’est-ce que…
— Ne jamais faire confiance.
D’un geste fluide, je pivote et la fais basculer en arrière.
Elle s’effondre sur le canapé, souffle coupé.
Je me penche au-dessus d’elle, maintenant son poignet.
Ses yeux s’embrasent.
— Espèce de…
— Deuxième leçon, murmuré-je. Toujours avoir une issue de secours.
Elle réagit vite. Son genou monte vers mon estomac, mais j’attrape sa jambe avant.
Un rire grave m’échappe.
— Pas mal. Mais pas suffisant.
Elle lutte pour se dégager, mais je suis plus fort.
Elle le sait.
Et pourtant, elle ne détourne pas le regard.
Je ressens son souffle rapide, son odeur légère de savon et de désir refoulé.
Lentement, mon sourire disparaît.
Il n’y a plus que nous.
Et cette tension qui nous consume.
CamilleJe sens encore ses mains sur moi. La morsure de ses doigts. Le feu dans mes entrailles. Mon corps entier résonne de sa présence, comme une cloche fêlée qu’il a frappée trop fort. Trop juste. Chaque parcelle de ma peau se souvient. De la violence. De l’abandon. De la chute. De la montée. De cette déflagration qui m’a réduite en cendres… pour mieux me faire renaître.Et pourtant, dans ce silence qui nous enveloppe après le chaos, c’est mon esprit qui hurle.Je ne bouge pas. Je suis blottie contre lui, nue, salie, glorifiée. Brûlante et glacée à la fois. Comme si tout ce qui me tenait debout avait été arraché et remplacé par autre chose. Quelque chose de plus brut. De plus vrai. Quelque chose de lui.Ses bras sont autour de moi. Lourds. Protecteurs. Possessifs. Et pourtant, je me sens libre. Libre comme je ne l’ai jamais été. Parce qu’il n’a pas cherché à me posséder. Il m’a laissée devenir. Il m’a regardée me déchirer, m’abandonner, m’effondrer pour me redresser plus forte, plus
LorenzoElle est là, ses yeux brûlants d'une intensité que je connais, d’une faim que je reconnais. Ses lèvres sont entrouvertes, et sa respiration saccadée résonne comme un signal, un appel à l'extase, à la destruction. J’attrape ses poignets, la forçant à s’abandonner dans le tourbillon que j’ai lancé. Tout en elle me crie que cette nuit, il n’y a pas de place pour la douceur. Pas de place pour les hésitations. Ce qui nous lie, ce n’est pas l’amour, ni le désir, mais quelque chose de plus primal, d’indomptable. Un cri, une rage, un besoin de brûler ensemble, jusqu'à n'être plus que des cendres.Je la soulève sans un mot. Elle s'accroche à moi comme si sa vie en dépendait. Ses mains se posent sur mon torse, ses doigts frémissent, s’enfoncent dans ma peau. Je la sens trembler, pas de peur, mais d'excitation. C’est elle qui m’attire, qui me pousse dans cette folie. Chaque fibre de son corps hurle, réclame, désire tout à la fois.Je la dépose sur le lit d’un geste impétueux. Ses yeux ne
LorenzoLe vent de la mer souffle froid, frais contre ma peau. Le bruit des vagues est comme une mélodie ancienne, une chanson que je n’ai jamais entendue avant, mais qui résonne en moi comme si elle m’avait toujours appartenu. Ce matin, il y a une douceur dans l’air, presque irréelle. Comme une promesse, mais une promesse qu’on sait qu’on ne pourra pas tenir.Je suis là, sur ce balcon, seul. Le regard plongé dans l’horizon. Camille n’est pas loin, mais elle m’a laissé ce moment. Ce moment où il n’y a plus de nous, juste moi et le vide du monde. Le vide qu’on essaie tous de fuir, mais qui revient toujours. Parce qu’il n’y a pas de fuite. Il n’y a que l’acceptation.J’ai l’impression de l’avoir cherchée toute ma vie, et quand je l’ai enfin trouvée, je l’ai laissée s’échapper à travers mes doigts, inaperçue, comme une illusion trop fragile. Camille a été ma quête, mon erreur et ma rédemption. Chaque partie d’elle, chaque mouvement, chaque geste que j’ai cru posséder, m’a échappé. Et pou
LorenzoL'aube se glisse silencieusement par les fenêtres, ses rayons effleurant notre peau encore brûlante des fragments de la nuit. L’air est frais, mais il porte encore l’odeur de la chair, de l’intimité. L’odeur de nous. Il y a dans cette lumière douce quelque chose de déconcertant, comme une promesse et une trahison, une invitation à se lever mais aussi à rester, à ne jamais bouger.Je suis allongé sur le dos, mon bras autour de son corps. Elle est là, contre moi, profondément endormie, son souffle encore irrégulier, mais apaisé. Je la regarde, fascinée par la paix qui l’habite, un calme que je ne lui connaissais pas, que je n’ai jamais cru possible.Elle est belle, fragile, humaine. Chaque imperfection, chaque fissure sur son corps est une victoire silencieuse. Une victoire sur tout ce que la vie lui a pris, sur ce que j’ai pris. Et je reste là, figé dans cette vision, comme si l’instant avait une fin, comme si demain était déjà une promesse qu’on ne pourrait pas tenir.Je cares
LorenzoLe silence après l’extase. Il est là. Dense. Chargé. Pas vide — jamais vide avec elle — mais habité de tout ce qui ne s’est pas dit.Je suis encore en elle. Ma joue contre sa tempe. Nos souffles lents, décalés. Elle ne parle pas. Elle ne me repousse pas non plus. Son bras reste enroulé autour de mon dos, ses doigts effleurent distraitement ma peau. Comme si elle essayait de dessiner un mot secret sur mes omoplates.Je me redresse un peu. Je glisse mes lèvres contre sa mâchoire, puis sa bouche. Elle m’embrasse doucement. Ce n’est plus un baiser de désir. C’est un baiser d’après. De ceux qui disent : je suis encore là. Je ne suis pas partie.— Tu pleures ? je demande, sans bouger.Elle secoue imperceptiblement la tête. Mais une larme, pourtant, trace une ligne humide sur sa joue.— Non… Je respire, c’est tout.Je fronce les sourcils. J’effleure sa tempe du bout du nez.— Ça faisait combien de temps que t’avais arrêté ?Elle esquisse un sourire. Triste. Vrai.— Assez pour ne plus
LorenzoElle ne dit rien. Elle ne m’enlace pas, ne me guide pas. Mais elle reste là. Sa main dans la mienne. Et c’est le seul consentement dont j’ai besoin ce soir.Je me relève lentement, comme on sort d’un rêve ou d’un deuil. Chaque mouvement semble soupesé par la peur de réveiller la douleur. Mon corps est lourd, mais quelque chose en moi redevient vivant. Un battement. Un souffle. Une certitude ténue.Son regard ne lâche pas le mien. Pas une seconde. Il est noir de souvenirs, de douleurs, de tempêtes. Mais il est là. Présent. Brûlant. Et dans cette intensité muette, je lis quelque chose d’infiniment fragile. Comme si elle me disait : essaie encore. Mais fais-le bien, cette fois.Je n’ai pas l’habitude qu’on me laisse aimer. J’ai toujours cru qu’aimer, c’était prendre. Enfermer. Posséder. Ce qu’on m’a appris, c’est l’obsession, le contrôle, la peur de perdre. Pas la tendresse. Pas la patience.Mais ce soir, j’ai peur de la casser si je la touche trop vite.Alors je tends la main. D