Camille
Mon souffle est court.
Je suis allongée sous lui, mon poignet prisonnier de sa main, son corps à quelques centimètres du mien. Chaque muscle tendu. Chaque nerf à vif.
Sa respiration est profonde, maîtrisée. La mienne est plus erratique, et je déteste ça.
Il joue. Il me teste.
Je refuse d’être un pion sur son échiquier.
Mon regard s’accroche au sien. Une seconde, deux… Puis je cesse de lutter.
Je détends mon bras, relâche la tension dans mes muscles et l’observe avec un calme calculé.
Un sourire amusé étire ses lèvres.
— Bonne réaction.
Il me libère lentement.
Je me redresse, réajuste ma chemise en soie, et me lève du canapé sans un mot.
Lorenzo me suit du regard, toujours appuyé contre les coussins, comme un félin satisfait de sa proie.
— Vous apprenez vite.
— Je n’ai pas le choix, n’est-ce pas ?
Son sourire s’élargit.
— Non.
Il se lève à son tour, et je ressens immédiatement sa présence derrière moi. Il me dépasse de plusieurs centimètres, son aura est écrasante, magnétique.
— Alors apprenez-moi.
Les mots franchissent mes lèvres avant même que je ne les contrôle.
Si je veux survivre, je dois comprendre ses règles.
Son regard s’assombrit légèrement, et il incline la tête, comme s’il pesait ma demande.
Puis il fait un signe de tête vers la porte.
— Suivez-moi.
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Lorenzo
Elle est plus intelligente que je ne l’imaginais.
Elle sait qu’elle est piégée. Que Lambert veut la voir disparaître et que moi seul peux la protéger. Mais elle ne se soumettra pas.
Elle veut comprendre mon monde pour s’en sortir seule.
Et ça… Ça me plaît.
Je l’emmène à l’étage inférieur, dans une salle peu éclairée, où s’entraînent plusieurs de mes hommes.
Des coups résonnent dans l’air – des poings contre des sacs de frappe, des lames qui s’entrechoquent.
Camille s’arrête, légèrement tendue.
Je me tourne vers elle.
— Ce que vous voyez ici n’est qu’une fraction du monde dans lequel vous avez mis les pieds.
Elle ne détourne pas le regard.
— Alors montrez-moi tout.
Un sourire lent me vient.
— D’accord.
Je claque des doigts, et un homme s’avance.
Grand, massif, le regard dur.
— Luca, dis-je, fais-lui une démonstration.
Camille fronce les sourcils.
— Une démonstration de quoi ?
Je ne réponds pas.
Luca s’avance d’un pas, et avant qu’elle ne puisse réagir, il saisit son bras.
En un instant, Camille pivote et tente de se dégager. Mais il est plus rapide.
Elle se retrouve plaquée contre le mur, son bras maintenu dans une clé de bras parfaite.
Elle se crispe, mais ne crie pas.
Elle réfléchit.
— Comment je sors de ça ? demande-t-elle, la voix ferme.
Je souris.
— Bonne question.
Je m’approche et place mes doigts sous son menton, relevant légèrement son visage vers moi.
— Utilisez votre environnement. Votre adversaire est plus fort ? Alors soyez plus rapide.
Je vois la lueur d’intelligence s’allumer dans ses yeux.
Elle donne un coup de genou rapide, mais Luca s’écarte juste à temps.
Elle pivote, frappe du coude… Raté.
Je croise les bras.
— Pas assez précis.
Elle serre les dents.
Et tente une autre approche.
Elle feinte vers la gauche, puis bascule son poids pour attraper Luca par surprise.
Son poing atteint son flanc.
L’impact est minime, mais suffisant pour qu’il relâche légèrement sa prise.
Camille en profite pour reculer et lever les poings.
— Mieux, dis-je. Mais encore insuffisant.
Elle me fusille du regard.
— Alors continuez à m’entraîner.
Je ris doucement.
— Avec plaisir.
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Camille
Les heures s’enchaînent.
Chaque mouvement est analysé, chaque erreur exploitée. Lorenzo me pousse à bout, corrige ma posture, critique mon manque de vitesse.
Mais je progresse.
Mon corps hurle de douleur, mais mon esprit refuse de céder.
Luca m’attrape une nouvelle fois, et cette fois, je contre-attaque avant même qu’il ne serre son emprise.
Je frappe son genou, pivote et me dégage avec une fluidité que je n’aurais jamais imaginée il y a quelques heures.
Lorenzo applaudit lentement.
— Enfin.
Je me redresse, essoufflée, mais fière.
— Qu’est-ce que vous allez me montrer maintenant ?
Il s’approche, attrape une lame sur une table et la fait tourner entre ses doigts.
— Comment tuer un homme.
Un frisson me parcourt.
— Je ne suis pas une meurtrière.
Son sourire est sombre.
— Vous ne l’êtes pas encore.
Il tend la lame vers moi.
— Mais si vous voulez survivre, il faudra apprendre.
Je fixe le couteau.
Une part de moi hurle que ce n’est pas mon monde, que je suis avocate, pas tueuse.
Mais une autre part, plus sombre, me murmure que j’ai déjà franchi une limite.
Que si je veux me venger de Lambert… je vais devoir plonger encore plus loin.
Je tends la main et saisis la lame.
Lorenzo sourit, satisfait.
Et moi… Je sens que mon destin est en train de changer.
Le couteau pèse dans ma main.
Son poids n’est pas aussi lourd que je l’imaginais.
Il est froid, métallique, parfaitement équilibré. Une arme conçue pour tuer.
Lorenzo m’observe avec une patience presque féline. Il ne parle pas. Il attend.
Attendre quoi ? Que je craque ?
Je serre la lame plus fort.
— Vous êtes sûr que c’est nécessaire ?
Sa réponse est immédiate.
— Oui.
Il fait un pas vers moi et guide ma main, positionnant mes doigts correctement sur le manche.
— Votre première erreur, c’est votre prise. Trop rigide. Un couteau doit être une extension de vous, pas un poids mort.
CamilleJe sens encore ses mains sur moi. La morsure de ses doigts. Le feu dans mes entrailles. Mon corps entier résonne de sa présence, comme une cloche fêlée qu’il a frappée trop fort. Trop juste. Chaque parcelle de ma peau se souvient. De la violence. De l’abandon. De la chute. De la montée. De cette déflagration qui m’a réduite en cendres… pour mieux me faire renaître.Et pourtant, dans ce silence qui nous enveloppe après le chaos, c’est mon esprit qui hurle.Je ne bouge pas. Je suis blottie contre lui, nue, salie, glorifiée. Brûlante et glacée à la fois. Comme si tout ce qui me tenait debout avait été arraché et remplacé par autre chose. Quelque chose de plus brut. De plus vrai. Quelque chose de lui.Ses bras sont autour de moi. Lourds. Protecteurs. Possessifs. Et pourtant, je me sens libre. Libre comme je ne l’ai jamais été. Parce qu’il n’a pas cherché à me posséder. Il m’a laissée devenir. Il m’a regardée me déchirer, m’abandonner, m’effondrer pour me redresser plus forte, plus
LorenzoElle est là, ses yeux brûlants d'une intensité que je connais, d’une faim que je reconnais. Ses lèvres sont entrouvertes, et sa respiration saccadée résonne comme un signal, un appel à l'extase, à la destruction. J’attrape ses poignets, la forçant à s’abandonner dans le tourbillon que j’ai lancé. Tout en elle me crie que cette nuit, il n’y a pas de place pour la douceur. Pas de place pour les hésitations. Ce qui nous lie, ce n’est pas l’amour, ni le désir, mais quelque chose de plus primal, d’indomptable. Un cri, une rage, un besoin de brûler ensemble, jusqu'à n'être plus que des cendres.Je la soulève sans un mot. Elle s'accroche à moi comme si sa vie en dépendait. Ses mains se posent sur mon torse, ses doigts frémissent, s’enfoncent dans ma peau. Je la sens trembler, pas de peur, mais d'excitation. C’est elle qui m’attire, qui me pousse dans cette folie. Chaque fibre de son corps hurle, réclame, désire tout à la fois.Je la dépose sur le lit d’un geste impétueux. Ses yeux ne
LorenzoLe vent de la mer souffle froid, frais contre ma peau. Le bruit des vagues est comme une mélodie ancienne, une chanson que je n’ai jamais entendue avant, mais qui résonne en moi comme si elle m’avait toujours appartenu. Ce matin, il y a une douceur dans l’air, presque irréelle. Comme une promesse, mais une promesse qu’on sait qu’on ne pourra pas tenir.Je suis là, sur ce balcon, seul. Le regard plongé dans l’horizon. Camille n’est pas loin, mais elle m’a laissé ce moment. Ce moment où il n’y a plus de nous, juste moi et le vide du monde. Le vide qu’on essaie tous de fuir, mais qui revient toujours. Parce qu’il n’y a pas de fuite. Il n’y a que l’acceptation.J’ai l’impression de l’avoir cherchée toute ma vie, et quand je l’ai enfin trouvée, je l’ai laissée s’échapper à travers mes doigts, inaperçue, comme une illusion trop fragile. Camille a été ma quête, mon erreur et ma rédemption. Chaque partie d’elle, chaque mouvement, chaque geste que j’ai cru posséder, m’a échappé. Et pou
LorenzoL'aube se glisse silencieusement par les fenêtres, ses rayons effleurant notre peau encore brûlante des fragments de la nuit. L’air est frais, mais il porte encore l’odeur de la chair, de l’intimité. L’odeur de nous. Il y a dans cette lumière douce quelque chose de déconcertant, comme une promesse et une trahison, une invitation à se lever mais aussi à rester, à ne jamais bouger.Je suis allongé sur le dos, mon bras autour de son corps. Elle est là, contre moi, profondément endormie, son souffle encore irrégulier, mais apaisé. Je la regarde, fascinée par la paix qui l’habite, un calme que je ne lui connaissais pas, que je n’ai jamais cru possible.Elle est belle, fragile, humaine. Chaque imperfection, chaque fissure sur son corps est une victoire silencieuse. Une victoire sur tout ce que la vie lui a pris, sur ce que j’ai pris. Et je reste là, figé dans cette vision, comme si l’instant avait une fin, comme si demain était déjà une promesse qu’on ne pourrait pas tenir.Je cares
LorenzoLe silence après l’extase. Il est là. Dense. Chargé. Pas vide — jamais vide avec elle — mais habité de tout ce qui ne s’est pas dit.Je suis encore en elle. Ma joue contre sa tempe. Nos souffles lents, décalés. Elle ne parle pas. Elle ne me repousse pas non plus. Son bras reste enroulé autour de mon dos, ses doigts effleurent distraitement ma peau. Comme si elle essayait de dessiner un mot secret sur mes omoplates.Je me redresse un peu. Je glisse mes lèvres contre sa mâchoire, puis sa bouche. Elle m’embrasse doucement. Ce n’est plus un baiser de désir. C’est un baiser d’après. De ceux qui disent : je suis encore là. Je ne suis pas partie.— Tu pleures ? je demande, sans bouger.Elle secoue imperceptiblement la tête. Mais une larme, pourtant, trace une ligne humide sur sa joue.— Non… Je respire, c’est tout.Je fronce les sourcils. J’effleure sa tempe du bout du nez.— Ça faisait combien de temps que t’avais arrêté ?Elle esquisse un sourire. Triste. Vrai.— Assez pour ne plus
LorenzoElle ne dit rien. Elle ne m’enlace pas, ne me guide pas. Mais elle reste là. Sa main dans la mienne. Et c’est le seul consentement dont j’ai besoin ce soir.Je me relève lentement, comme on sort d’un rêve ou d’un deuil. Chaque mouvement semble soupesé par la peur de réveiller la douleur. Mon corps est lourd, mais quelque chose en moi redevient vivant. Un battement. Un souffle. Une certitude ténue.Son regard ne lâche pas le mien. Pas une seconde. Il est noir de souvenirs, de douleurs, de tempêtes. Mais il est là. Présent. Brûlant. Et dans cette intensité muette, je lis quelque chose d’infiniment fragile. Comme si elle me disait : essaie encore. Mais fais-le bien, cette fois.Je n’ai pas l’habitude qu’on me laisse aimer. J’ai toujours cru qu’aimer, c’était prendre. Enfermer. Posséder. Ce qu’on m’a appris, c’est l’obsession, le contrôle, la peur de perdre. Pas la tendresse. Pas la patience.Mais ce soir, j’ai peur de la casser si je la touche trop vite.Alors je tends la main. D