L'atmosphère dans le lounge était presque étouffante. Les abats-jours tamisés projetaient des ombres mouvantes sur les meubles en cuir. Le feu crépitait dans la cheminée, mais son bruit était omniprésent encore, silencieux face à la tension.
Elina resta immobile, les yeux fixés sur l'enveloppe noire déposée entre eux. Son coeur battait si fort qu'elle craignait qu'il ne brise sa cage thoracique. Chaque respiration sembalit plus laborieuse, comme si l'air était devenu un adversaire. Elle tenait fermement la lanière de son sac, comme un ancrage.
Alexander Verhoeven l'observait en silence. Son regard d'acier ne trahissait aucune émotion, seulement une curiosité glaciale. Il semblait à l'aise, comme s'il attendait depuis des heures ce moment. Un léger frisson parcourut Elina. Elle aurait voulu se lever, renverser la table, tout casser... mais ses jambes restaient collées au tapis.
Après un instant sans un mot, Alexander posa sa coupe sur la table basse. Le cristal tinta doucement.
- Vous êtes silencieuse. Je suppose que vous pesez le pour et le contre, observa-t-il d'un ton neutre.
Elina chercha ses mots.
- Je me demande si je n'ai pas fait une erreur en venant ici, répondit-elle, la voix tremblante.
Il hocha la tête lentement.
- Le doute est sain. Surtout dans un pacte comme celui-ci
Il s'approcha d'un pas, comme pour réduire l'espace entre eux. Elle sentit une attaque muette, subtile, presque indétectable.
- Testez-moi, dit-il. Demandez ce que vous voulez.
- Pourquoi moi? Vous êtes riche, influent, vous pourriez engager quelqu'un d'autre, osa-t-elle.
Alexander esquissa un sourire.
- Parce qu'il faut une femme pour détruire un homme comme Louis Laurens. Un homme qui croit tout contrôler. Et vous... vous avez l'intelligence et la blessure pour le faire.
Elle fixa l'enveloppe. A l'intérieur, il y avait tout: les preuves, les stratégies, les compensations financières. Beaucoup pour une simple signature. Elle sentait son esprit vaciller entre méfiance et espoir.
Elle se souvint des moments passés avec Louis: ses paroles venimeuses, ses gestes autoritaires. Elle revit le jour où il lui avait fait peur sans le vouloir vraiment. Une flamme s'alluma en elle, fragile mais persistantee.
- Et si je refuse? demanda-t-elle, le regard dur.
Sa question suspendit l'air.
- Si vous refusez, murmura-t-il, vous rentrez ce soir dans un mariage où vous n'êtes déjà plus libre. Et je trouverai un autre moyen d'obtenir ce que je veux.
Elle inspira, fermant les yeux.
- Vous m'utiliserez, hein?
- Non, je vous respecterai, je vous paierai, je vous soutiendrai. Mais je ne vous laisserai pas le détruire seule.
Elle se leva soudain, l'obligeant à la regarder droit dans ses yeux.
- Vous savez quoi? Vous pourriez être un sauveur. Ou un nouveau bourreau.
Alexander ne bougea pas.
- Vous êtes brillante. Vous voyez le piège. Vous savez quelles cartes je tiens.
Il esquissa un autre sourire, plus doux cette fois.
- Mais vous savez aussi que ce n'est pas moi qui veux le perdre. C'est lui. Et vous.
Ils restèrent silencieux un moment, les deux poids lourds d'un même dilemme. Le feu dans la heminée créait une chaleur presque surnaturelle autour d'eux.
- Alors? demanda Alexander d'une voix basse. Vous signez, ou vous repartirez ce soir exactement comme vous êtes arrivée: victime d'un mariage mort.
Le regard d'Elina glissa vers l'enveloppe puis revint sur lui. Sa main trembla.
- Et après? demanda-t-elle. Quand tout sera fini? Quand Louis sera à terre, vous me lâcherez alors?
Alexander inclina légèrement la tête.
- Non. Vous aurez ce que vous méritez. Une vie reconstruite. Pas une vengeance vaine. Enfin... une personne pourrait bien garder son numéro.
Le silence retomba à nouveau. Puis Elina inspira profondément, ferma les yeux, et signa, sur le rebord de la table.
Alexander la détailla, ses yeux impénétrables.
- Très bien. Une dernière chose, murmura-t-il. Vous devez savoir... je surveille déjà chacunde vos gestes.
Elina ouvrit les yeux.
- Pourquoi?
Alexander sourit, presque amusé.
- Parce que dans ce jeu, je ne lâche jamais ma proie.
La porte claqua derrière elle, mais Élina ne sursauta pas.Elle s’était attendue à ce qu’il vienne. Il n’aurait pas pu rester silencieux après avoir entendu cette phrase. "S’il faut le trahir pour gagner, je le ferai."Elle n’avait pas vu les micros, bien sûr. Mais elle avait senti sa présence. Comme un fauve blessé qui rôde dans l’ombre, prêt à bondir.Elle était dos à lui, dans sa robe de soie sombre, les épaules nues, les cheveux défaits. Son reflet dans la baie vitrée ne tremblait pas. Elle non plus.— Tu t’es bien amusée ? lança Alexander, la voix tranchante, dangereusement calme.Élina tourna la tête, lentement. Le regard qu’elle posa sur lui n’était plus celui d’une victime.— Tu m’espionnes dans ma propre chambre. C’est ça, ta façon d’aimer ?Il rit, froidement.— Ne joue pas l’offensée. Tu mènes une guerre contre moi en glissant des promesses à mes ennemis. Ne viens pas pleurer quand je vérifie sur quel front tu dors.Elle s’avança de quelques pas, sans détourner les yeux.—
Le carnet d’Élina s’étalait sur le lit, griffonné de noms, d’alliances, de trahisons. Des flèches reliaient Marcus à Camille, Damian à Alexander, Sophia à des souvenirs enfouis… et elle, Élina, trônait au milieu de cette toile.La proie était devenue tisseuse.Et cette fois, elle n’allait pas se contenter de survivre.Marcus fut le premier à mordre à l’hameçon.Il l’avait rejointe dans un restaurant discret, réservé par ses soins, éclairé à la bougie. Élina portait une robe noire, simple mais assassine. Elle savait comment jouer ce rôle désormais : séduire pour manipuler.— Tu veux que je trahisse Camille ? demanda Marcus en sirotant un whisky.— Non. Je veux que tu la serves... en me servant, répondit-elle. C’est une nuance subtile.Il la fixa, amusé.— Et qu’est-ce que j’y gagne ?Elle sourit, s’approchant lentement, ses doigts frôlant son poignet.— Le frisson du pouvoir. Et peut-être... moi.Il haussa un sourcil, intrigué. Il n’avait jamais vu une femme aussi calme, aussi dangereu
Le club privé se trouvait derrière une façade anonyme, dissimulée au cœur d’un immeuble haussmannien. Aucune enseigne. Aucun nom. Juste une porte de bois massif, gardée par deux hommes en noir qui ne souriaient jamais.Camille lui avait donné rendez-vous ici. “Un lieu où les décisions se prennent, Élina. Pas où elles se subissent.”Élina franchit le seuil, guidée par une hôtesse vêtue de noir. L’intérieur ressemblait à un ancien salon de diplomates : murs tapissés de velours sombre, candélabres en bronze, et au centre… elle, Camille, assise sur une méridienne en cuir bordeaux, comme une reine décadente.— Élina, souffla-t-elle en se levant. Tu ressembles de plus en plus à une Montalban sans le savoir.Élina ne répondit pas. Ses pas résonnaient sur le parquet. Elle gardait le visage fermé, le cœur en guerre.Camille lui tendit un verre de vin rouge.— Bois. Ce que je m’apprête à te proposer ne peut s’entendre le cœur sec.Élina prit le verre. Mais ne but pas.Camille s’approcha, si prè
La pluie battait contre les vitres de l’ancienne maison familiale. Une pluie fine, insistante, comme si le ciel lui-même voulait laver les souvenirs incrustés dans les murs.Élina était venue seule.Elle n’avait rien dit à Alexander. Ni à personne.Juste un besoin irrépressible de fouiller. De comprendre. De respirer loin de la suffocation ambiante.La maison appartenait à son grand-père. Fermée depuis sa mort. Abandonnée, figée dans une époque révolue. L’air y était froid, poussiéreux, chargé d’un parfum de cire et de secrets.Dans le bureau, elle ouvrit les tiroirs un à un. Des carnets, des lettres, des photos en noir et blanc. Et puis… un double fond.Ses doigts tremblèrent lorsqu’elle fit glisser la planche. Une enveloppe jaunie s’y trouvait, scellée par un cache de cire craquelé. Dessus, un mot manuscrit : “À Élina, quand le moment sera venu.”Son cœur rata un battement.Elle l’ouvrit, lentement, comme on entrouvre une porte qu’on n’est pas sûr de vouloir franchir.À l’intérieur,
La nuit avait recouvert la ville comme une seconde peau. Silencieuse, lourde, complice.Élina hésita un instant devant la porte d’Alexander. Sa main tremblait à peine. Pas de peur. De conscience. Une conscience aiguë de ce qu’elle s’apprêtait à franchir. Une limite. Un point de non-retour.Quand elle frappa, la porte s’ouvrit aussitôt.Il était là.Nu-pieds, chemise entrouverte, les manches relevées. Le regard fatigué mais félin. Comme s’il l’attendait depuis toujours.— Tu es venue, murmura-t-il.— J’aurais dû fuir.— Tu ne fuis pas, Élina. Tu choisis le feu.Un silence. Elle entra.La porte se referma doucement derrière elle. Le monde extérieur n’existait plus. Il n’y avait que ce huis clos tendu, palpitant, où tout n’était que désirs contrariés et vérités suspendues.Il ne lui demanda rien.Elle ne dit rien.Leurs corps parlèrent à leur place.Ses doigts glissèrent sur la nuque d’Alexander. Il répondit d’un souffle rauque. En une seconde, elle fut plaquée contre le mur, ses lèvres
Le calme de la nuit était trompeur.Dans l’appartement plongé dans une lumière douce, Élina venait à peine de s’endormir sur le canapé, un dossier entrouvert sur ses genoux. La fatigue avait eu raison de sa vigilance. Elle n’entendit pas la serrure manipulée. Pas tout de suite. Pas assez tôt.Un cliquetis. Puis une ombre.Quand elle rouvrit les yeux, ce ne fut pas un cauchemar qui l’accueillit.C’était Louis, debout dans l’entrée, le regard incandescent.— Tu dors bien, Élina ?Sa voix était glaciale. Étrangère.Elle se redressa brutalement, le cœur tambourinant.— Qu’est-ce que tu fais là ?! Comment tu es entré ?Il avança, referma la porte derrière lui avec une lenteur calculée. Ses traits étaient durs, creusés, mais son regard brillait d’une rage maîtrisée.— Tu m’as oubliée vite… pour courir dans les bras de ce prédateur.— Tu n’as pas le droit d’être ici.— Ah bon ? siffla-t-il. Parce que tu penses encore avoir des droits, Élina ? Après tout ce que tu as fait ?Elle se leva, droi