Home / Mafia / SÉDUIRE EL INFIERNO / Chapitre 4 – La Chute des Masques

Share

Chapitre 4 – La Chute des Masques

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-09-12 02:58:26

Camila Reyes

Il est là.

Torres.

Le seul visage du passé qui n’est pas tâché de sang.

Il me regarde sans bouger. Sa mâchoire serrée. Ses mains crispées sur les accoudoirs d’un fauteuil miteux. Il n’applaudit pas. Il ne réagit pas.

Mais je vois tout.

La sueur dans son cou. La peur dans ses yeux. Et ce frisson qu’il tente de réprimer quand ma voix grimpe une octave.

Je chante pour lui. Pour qu’il comprenne. Pour qu’il sache que je suis encore vivante.

Mais je chante aussi pour moi. Pour la Camila d’avant. Celle qui croyait que les promesses pouvaient sauver. Celle qui a cru en lui.

Et dans cette salle pleine de prédateurs, il est le seul à être venu sans armes visibles.

Le seul à porter encore un morceau de moi.

Mon regard plonge dans le sien. Il a changé. Sa silhouette, son allure. Mais ses yeux… ils sont les mêmes. Comme des fissures dans un miroir brisé, comme une fenêtre ouverte sur un passé que je n’avais jamais cru revoir. Chaque seconde de silence, chaque battement de cœur, me rappelle ce qu’il a été pour moi. Et pourtant… je ne peux pas oublier ce qu’il a fait. Cette fuite. Le choix de sa propre survie, quitte à me laisser derrière.

Et maintenant, il est là. Dans un endroit où il aurait dû savoir qu’il ne trouverait pas de réponses. Mais la vérité, je la connais. Il est venu pour une raison bien plus sombre que de me sauver.

Cristóbal Vargas

Elle le voit.

Elle tente de cacher ce micro-mouvement de recul, cette étincelle de reconnaissance dans les yeux. Mais je suis un homme de détails. Et elle vient de me donner une réponse sans que je pose la question.

Mateo est derrière moi. Silencieux. Attentif.

— C’est lui, murmuré-je.

Il hoche la tête.

— Il a réservé seul. Pas d’arme visible. Pas de contact dans les vingt dernières heures.

Je me tiens droit, observant à travers la vitre, ma position favorite pour regarder les gens se croire invisibles. Torres, ce vieux fantôme de Veracruz, il n’est pas encore assez rusé pour comprendre qu'il est déjà pris dans mes filets.

— Il l’a cherchée. Maintenant il l’a trouvée. Et elle l’a reconnu.

Je laisse échapper un rire. Pas de ceux qu’on attend. Ce n’est pas un rire de joie. C’est un rire froid. Un rire de prédateur, qui sait déjà que le jeu est en train de changer.

La voix de Camila fend l’air comme un rasoir.

Elle chante pour survivre, mais ce soir, il y a une note de rage. De tristesse pure. Une douleur qui touche même le plus insensible des hommes. J’observe. Parce qu'elle m’intéresse. Parce qu'elle résiste.

Mais si elle croit que Torres peut la sauver, alors elle est encore plus naïve que je le pensais.

Mateo

Je n’aime pas ça.

Trop de tension. Trop d’imprévus.

Et ce connard de Torres qui arrive comme un chien perdu alors qu’on allait à peine commencer à l’étrangler lentement. Je serre les poings, observant cette scène se dérouler sous nos yeux. Ce n’est pas le moment pour des imprévus. Torres est un ennemi. Un rat, comme Cristóbal aime à les appeler. Un rat qui s’égare dans un piège qu’il ne comprend même pas encore.

— Tu veux que je le fasse sortir discrètement ? demandai-je, ma voix trahissant une inquiétude qui me ronge.

Cristóbal me regarde, pensif, les yeux fixés sur la scène. Puis, avec ce calme presque inquiétant, il secoue la tête.

— Non. On laisse le spectacle se jouer. Elle va nous montrer ses cartes. Et lui, il va paniquer.

Il sourit, ce sourire glacé que je connais trop bien.

— Quand les rats sortent des murs, c’est qu’ils ont faim ou qu’ils crèvent. Dans les deux cas, on les tient.

Torres

Je n’aurais pas dû venir.

Je le sens dès l’instant où nos regards se croisent.

Camila.

Vivante.

Mais changée. Brisée, recollée. Sauvage.

Sa voix me transperce. Elle ne chante pas pour la foule. Elle me parle. Chaque parole est un cri étouffé. Un message codé. Elle m’en veut. Et elle a raison. Je l’ai laissée seule. Quand j’ai compris qu’ils me suivaient, j’ai fui. Pas pour me sauver. Pour revenir mieux armé.

Mais je suis revenu trop tard. Trop tard pour la sauver de l’ombre de cet homme. Trop tard pour réparer ce que j’ai détruit.

Et maintenant, je la regarde se vendre pour ne pas mourir. Elle se tient là, dans la lumière de ces néons cruels, comme une prisonnière qui sait que tout ce qu’il reste, c’est son corps. Et moi, je suis là. Spectateur. Impuissant.

Mais je ne suis pas venu les mains vides.

J’ai quelque chose. Une preuve. Une faille dans l’empire de Vargas. Une brèche que je peux exploiter. Mais je dois tenir. Tenir assez longtemps pour la sortir d’ici. Ou mourir en essayant.

Camila Reyes

La chanson se termine.

Le silence est brutal.

Puis les applaudissements. Froids. Automatiques.

Sauf lui. Torres. Qui ne bouge pas.

Je l’observe. Chaque muscle de son visage est tendu. Il ne me regarde pas comme un homme venu sauver une femme. Non, il me regarde comme un homme prêt à mourir pour la vérité. Une vérité qu’il cherche désespérément à faire éclater. Et ce regard, aussi lourd qu’un fardeau, me transperce.

Soudain, je comprends.

Il ne va pas partir.

Il va rester. Se battre. Il va se battre pour moi. Pour ce que nous étions. Pour ce qu’il croit pouvoir encore réparer.

Alors, je tourne la tête. Je fixe la loge où Cristóbal m’observe.

Et je souris. Un sourire de guerre.

Ce soir, les masques tombent.

Et moi, je suis prête à brûler pour qu’il voie ce que ça coûte d'enfermer une femme vivante.

Cristóbal Vargas

Elle sourit.

Pas de peur. Pas de soumission.

Le sourire de quelqu’un qui sait que quelque chose a changé.

Et ça, c’est une erreur.

Parce que je suis le seul ici à décider quand le jeu commence.

Et surtout, qui en sort vivant.

La tension dans l’air est palpable. Chaque fibre de mon être m’ordonne de réagir. De frapper avant que tout ceci ne m’échappe. Mais je sais. Je sais que si je bouge trop vite, je vais perdre le contrôle.

Alors, je me contente d’observer. De savourer ce moment, car je sais qu’il ne durera pas.

Ce soir, les masques tombent. Et seul un homme, un vrai prédateur, sortira du chaos que nous créons.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • SÉDUIRE EL INFIERNO   CHAPITRE 82 : LA POSSESSION DU RESSAC 2

    CRISTÓBAL— Tu es tendue, murmure-je contre son oreille. Tu devrais te reposer davantage.— Je me reposais, avant que tu n’arrives, dit-elle d’une voix sourde, le visage enfoui dans le tissu.— Tu ne te reposais pas. Tu t’enfuyais. Il n’y a pas d’échappatoire, Camila. Je suis partout où tu es.Je la guide hors de la baignoire, ses pieds laissant des empreintes sombres sur le carrelage. Je ne la lâche pas. Je la dirige vers la chambre à coucher adjacente, une pièce plus petite, plus intime que la nôtre, qu’elle utilise pour ses siestes avec les enfants. Le lit est défait, couvert de coussins. La lumière est dorée.Là, je lâche la serviette. Elle tombe à ses pieds en un tas humide. Elle est de nouveau nue, frissonnante sous la caresse de l’air plus frais. Elle tente de se recroqueviller, mais je pose une main à plat sur son ventre, juste sous le nombril. La paume couvre la marque de ce qu’elle m’a donné.— Regarde ce que tu as fait. Regarde ce corps. Il est à moi. Il a porté mon sang. I

  • SÉDUIRE EL INFIERNO   CHAPITRE 81 : LA POSSESSION DU RESSAC

    CRISTÓBALJe sais que l’après-midi est son heure. Le seul moment de répit qu’elle s’accorde. Les enfants dorment, leur sommeil lourd de lait et d’explorations matinales. Les domestiques s’effacent, suivant un horaire que j’ai moi-même établi. La maison retient son souffle.Et elle, elle se réfugie dans l’eau.Je monte l’escalier de service, mes pas absolument silencieux sur les marches de pierre. Je connais chaque craquement de cette maison, chaque murmure de ses tuyauteries. Je sais à quelle heure précise l’eau chaude commence à couler dans la baignoire de la chambre bleue, celle qu’elle a réclamée pour sa « détente ». Un caprice que j’ai accordé, voyant là l’occasion d’un rituel prévisible. Un moment de vulnérabilité programmée.La porte du boudoir est entrouverte. Une vapeur parfumée s’en échappe, chargée de senteurs d’amande douce et de fleur d’oranger , des huiles qu’elle commande en secret, pensant que je l’ignore. L’odeur est enveloppante, sensuelle. Elle croit se soigner, se r

  • SÉDUIRE EL INFIERNO   CHAPITRE 80 : LA CONTEMPLATION DU SANG

    CRISTÓBALJe ferme la porte de la chambre d’enfants avec une lenteur inhabituelle, la main sur le lourd bouton de bronze poli. Le bois massif absorbe le dernier écho du rire cristallin , celui d’Alba et l’isole du reste de la maison. De mon monde.Je reste un moment dans le couloir sombre, les doigts toujours posés sur le métal froid, écoutant le silence qui me répond. Mais derrière ce silence, dans le théâtre de mon esprit, les images persistent, tenaces.Luz. Ma petite guerrière. Secouant les barreaux de son lit comme les grilles d’une forteresse qu’elle compte bien conquérir. Ses yeux, mes propres yeux, jettent déjà des étincelles noires de défi et d’intelligence brute. J’ai vu, ce matin même, comment elle a attrapé le hochet d’argent que je lui ai offert, non pour le secouer avec la joie simple d’un bébé, mais pour l’examiner, le tourner, frapper le barreau avec, testant sa solidité, écoutant la qualité du son. Une scientifique de la puissance. Une graine de stratège. Une fierté,

  • SÉDUIRE EL INFIERNO   CHAPITRE 79 : LES TERRITOIRES DE L'AUBE

    Six mois.La mesure du temps n’est plus la même. Elle ne se compte plus en jours, ni en missions, ni en attentes anxieuses. Elle se compte en respirations synchrones, en regards qui se croisent et comprennent, en minuscules conquêtes qui font battre le cœur à tout rompre.Ils vont bien.C’est la première pensée, chaque matin, quand la conscience émerge du sommeil épars, haché par les pleurs et les tétées nocturnes. Une vérification immédiate, physique, avant même d’ouvrir les yeux. Les trois souffles dans la pénombre. Léger, rapide, régulier. Ils vont bien.Le berceau a été remplacé par trois petits lits à barreaux, alignés côte à côte le long du mur le plus chaud de la chambre. Le bois riche est toujours là, mais il est maintenant taché de lait séché, égratigné par des jouets en bois trop lancés, encadré par des tournesols en tissu que j’ai insisté pour accrocher. De petits territoires jumeaux, où leurs personnalités, déjà, dessinent des frontières.La petite guerrière du premier jou

  • SÉDUIRE EL INFIERNO   CHAPITRE 78 : LE POIDS DE LA LUMIÈRE 2

    CamilaJe m’assois lourdement dans le fauteuil à bascule près du berceau. Je défais ma chemise d’une main maladroite. Je n’ai aucune idée de ce que je fais. C’est mon corps qui guide, une mémoire ancestrale plus vieille que ma raison. Je la présente à mon sein. Elle cherche un instant, son petit visage se plissant d’effort, puis trouve. Et elle tète.La sensation est… électrique. C’est bien plus que physique. C’est un courant qui va de mon sein à mon âme, un circuit qui se ferme, une connexion archaïque et totale. Je regarde ses paupières palpiter, ses minuscules joues qui se creusent et se gonflent avec un rythme régulier. Je vois son petit poing se serrer contre ma peau, se raccrochant à la vie, à moi.Les larmes coulent à nouveau. Silencieuses, chaudes. Elles ne sont ni de joie ni de tristesse. Elles sont l’expression liquide de tout ce chaos, de cet amour-terreur qui me submerge. Je pleure sur sa perfection. Sur mon impuissance. Sur le lien incassable qui vient de se sceller dans

  • SÉDUIRE EL INFIERNO   CHAPITRE 77 : LE POIDS DE LA LUMIÈRE 1

    CamilaLe jour filtre à travers les persiennes, découpant des barres de lumière poussiéreuse sur le sol de la chambre. L'odeur de l'accouchement a été lavée, remplacée par des effluves de linge propre, de lait, et cette fragrance douce-amère, indéfinissable, des nouveau-nés. Un calme mortel a succédé à la tempête. Et au centre de ce calme, il y a eux.Ils dorment.C’est la première fois que je peux vraiment les regarder, sans la terreur immédiate de la douleur, sans son ombre écrasante entre nous. Elena les a nourris au biberon la nuit dernière, sur ordre. « Vous devez récupérer », avait-elle dit, évitant mon regard. Mais ce matin, après une toilette rapide et silencieuse, elle les a alignés dans le grand berceau en acajou qui trônait, sinistre et préparé, au pied du lit. Puis elle est partie.Je suis seule. Vraiment seule avec eux, pour la première fois.Mes jambes sont de coton, mon bassin n’est qu’une seule et immense douleur sourde, et mes seins sont lourds, tendus, douloureux. Ma

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status