เข้าสู่ระบบCamila Reyes
Le silence après ma chanson est lourd, presque suffocant.
Je sens les regards peser sur moi, comme des griffes invisibles, mais je ne peux pas fléchir. Je ne dois pas. Pas maintenant. Pas alors que tout est sur le point de basculer.
Mon cœur tambourine dans ma poitrine, mais j’affiche un calme glacé. La scène est figée. Torres est là, mais je sais qu’il ne vient pas pour me sauver. Il est là pour quelque chose de plus grand. Pour un secret que nous avons partagé autrefois, mais que le temps a oublié. Pour une vérité qui, aujourd’hui, pourrait tout changer.
Je le vois se lever lentement. Il n’a pas l’air d’un homme en panique, mais d’un homme qui s’apprête à risquer sa vie pour quelque chose qu’il croit plus grand que lui. Un instant, je m’interroge. Est-ce que je pourrais encore lui faire confiance ? Est-ce qu’il est ce héros que j’ai cru être, ou juste un autre prédateur masqué derrière des idéaux ?
Il s’approche. Pas d’armement visible, pas de gestes brusques. Juste un regard. Le même regard que dans le passé. Ce regard qui me terrifiait, mais qui aujourd’hui, m’éclaire d’une manière étrange. Pourquoi est-ce que je ressens à nouveau cette vague d’émotions contradictoires ? Pourquoi, après tout ce qu’il m’a fait, je suis incapable de le détester ?
Une pensée fugace m’effleure. Et si je le laissais tout simplement partir ? Si je le laissais se mêler à ce chaos qu’il a lui-même créé ? Mais l’idée me frappe aussitôt, dure et implacable. Non. Je ne peux pas. J’ai survécu à trop de choses pour laisser quelqu’un, même lui, me dicter ma fin.
Cristóbal Vargas
Je vois la scène d’un œil presque clinique, comme si j’étais le spectateur de ma propre histoire.
Torres fait un pas. Puis un autre. Je vois la tension dans sa démarche, ce petit tressaillement dans son cou. Il cherche une faille. Mais il n’en trouvera pas. Pas dans ce domaine.
Camila chante. Elle s’est vendue, oui. Mais ce n’est pas la fin. C’est juste un autre jeu. Elle joue un rôle, un masque comme les autres. Mais je sais. Elle est trop intelligente pour se laisser enfermer aussi facilement.
Je reste là, dans mon coin, silencieux. Calculant chaque mouvement. Chaque respiration.
Je vois tout. Chaque geste, chaque expression. Même ce qu’ils ne disent pas. Même ce que Camila cache à peine sous son apparente impassibilité. Elle est en train de tordre le monde autour d’elle, mais elle ne le sait pas encore.
Un sourire se dessine sur mes lèvres.
Pas pour elle. Pas pour moi.
Mais pour ce jeu. Ce jeu que j’ai parfaitement maîtrisé.
Mateo
Je ne peux pas m’empêcher de m’agacer.
Ce salaud de Torres… Il marche vers la scène avec une lenteur calculée, comme s’il était sur le point de déclencher une bombe. Comme s’il savait que chaque seconde qui passe le rapproche de son propre point de non-retour.
— Tu veux vraiment qu’il joue ce jeu ? murmuré-je à Cristóbal, qui reste impassible.
Cristóbal ne me répond pas immédiatement. Il observe Torres, puis se tourne vers moi, un éclat de mépris dans ses yeux.
— Laisse-le.
Il secoue la tête, son sourire glacé se fanant légèrement.
— Ce qu’il ne comprend pas, c’est que chaque mouvement qu’il fait dans ce jeu est un mouvement en sa défaveur. Il va bientôt se rendre compte que, dans ce lieu, il n’est pas celui qui tire les ficelles.
Je sais que le visage de Cristóbal reste impénétrable, mais je sens l’amertume dans sa voix. Torres n’est qu’un pion, une pièce qui a été perdue depuis longtemps dans une partie qu’il ne maîtrise plus. Je n’aime pas ça. J’aurais préféré que nous réglions ce problème avant que ça ne devienne plus compliqué.
Torres
Je ne peux pas revenir en arrière.
Je sais ça. Et pourtant, chaque pas que je fais vers Camila me semble plus lourd que le précédent.
Je l’ai vue chanter. Je l’ai vue se donner corps et âme pour quelque chose qui n’avait plus de sens. Mais maintenant, c’est à moi de lui apporter un sens. De réparer ce qui a été brisé entre nous.
Elle me regarde, mais je sais qu’elle ne me voit pas. Elle me regarde comme on regarde un fantôme, une illusion du passé. Et pourtant, cette douleur… Cette rage… Elle ne l’a jamais oubliée. Et peut-être que moi non plus.
Un dernier pas. Je suis presque là. Camila. La femme que j’ai abandonnée. Celle qui a été laissée derrière dans ce monde cruel que j’ai fui. Et maintenant, je suis ici. Je suis revenu. Pour elle. Pour nous.
Mais à quel prix ?
Je sens son regard me brûler. Elle sait. Elle sait que je suis là, mais elle ne me fait pas confiance. Et pourquoi devrait-elle ? Après tout ce que j’ai fait… Après tout ce que j’ai laissé derrière moi. Mais si elle pouvait seulement voir ce que j’ai dans les mains. Cette preuve. Ce qui pourrait renverser l’empire de Vargas.
Camila Reyes
Je le sens maintenant. L’intensité de l’air entre nous.
C’est plus qu’une simple confrontation. C’est un test. Un test de tout ce que j’ai enduré. Un test de ma propre résistance à la douleur. À la perte. Mais je ne peux pas flancher. Pas encore. Pas maintenant que je suis à ce point de ma propre lutte intérieure.
CRISTÓBAL— Tu es tendue, murmure-je contre son oreille. Tu devrais te reposer davantage.— Je me reposais, avant que tu n’arrives, dit-elle d’une voix sourde, le visage enfoui dans le tissu.— Tu ne te reposais pas. Tu t’enfuyais. Il n’y a pas d’échappatoire, Camila. Je suis partout où tu es.Je la guide hors de la baignoire, ses pieds laissant des empreintes sombres sur le carrelage. Je ne la lâche pas. Je la dirige vers la chambre à coucher adjacente, une pièce plus petite, plus intime que la nôtre, qu’elle utilise pour ses siestes avec les enfants. Le lit est défait, couvert de coussins. La lumière est dorée.Là, je lâche la serviette. Elle tombe à ses pieds en un tas humide. Elle est de nouveau nue, frissonnante sous la caresse de l’air plus frais. Elle tente de se recroqueviller, mais je pose une main à plat sur son ventre, juste sous le nombril. La paume couvre la marque de ce qu’elle m’a donné.— Regarde ce que tu as fait. Regarde ce corps. Il est à moi. Il a porté mon sang. I
CRISTÓBALJe sais que l’après-midi est son heure. Le seul moment de répit qu’elle s’accorde. Les enfants dorment, leur sommeil lourd de lait et d’explorations matinales. Les domestiques s’effacent, suivant un horaire que j’ai moi-même établi. La maison retient son souffle.Et elle, elle se réfugie dans l’eau.Je monte l’escalier de service, mes pas absolument silencieux sur les marches de pierre. Je connais chaque craquement de cette maison, chaque murmure de ses tuyauteries. Je sais à quelle heure précise l’eau chaude commence à couler dans la baignoire de la chambre bleue, celle qu’elle a réclamée pour sa « détente ». Un caprice que j’ai accordé, voyant là l’occasion d’un rituel prévisible. Un moment de vulnérabilité programmée.La porte du boudoir est entrouverte. Une vapeur parfumée s’en échappe, chargée de senteurs d’amande douce et de fleur d’oranger , des huiles qu’elle commande en secret, pensant que je l’ignore. L’odeur est enveloppante, sensuelle. Elle croit se soigner, se r
CRISTÓBALJe ferme la porte de la chambre d’enfants avec une lenteur inhabituelle, la main sur le lourd bouton de bronze poli. Le bois massif absorbe le dernier écho du rire cristallin , celui d’Alba et l’isole du reste de la maison. De mon monde.Je reste un moment dans le couloir sombre, les doigts toujours posés sur le métal froid, écoutant le silence qui me répond. Mais derrière ce silence, dans le théâtre de mon esprit, les images persistent, tenaces.Luz. Ma petite guerrière. Secouant les barreaux de son lit comme les grilles d’une forteresse qu’elle compte bien conquérir. Ses yeux, mes propres yeux, jettent déjà des étincelles noires de défi et d’intelligence brute. J’ai vu, ce matin même, comment elle a attrapé le hochet d’argent que je lui ai offert, non pour le secouer avec la joie simple d’un bébé, mais pour l’examiner, le tourner, frapper le barreau avec, testant sa solidité, écoutant la qualité du son. Une scientifique de la puissance. Une graine de stratège. Une fierté,
Six mois.La mesure du temps n’est plus la même. Elle ne se compte plus en jours, ni en missions, ni en attentes anxieuses. Elle se compte en respirations synchrones, en regards qui se croisent et comprennent, en minuscules conquêtes qui font battre le cœur à tout rompre.Ils vont bien.C’est la première pensée, chaque matin, quand la conscience émerge du sommeil épars, haché par les pleurs et les tétées nocturnes. Une vérification immédiate, physique, avant même d’ouvrir les yeux. Les trois souffles dans la pénombre. Léger, rapide, régulier. Ils vont bien.Le berceau a été remplacé par trois petits lits à barreaux, alignés côte à côte le long du mur le plus chaud de la chambre. Le bois riche est toujours là, mais il est maintenant taché de lait séché, égratigné par des jouets en bois trop lancés, encadré par des tournesols en tissu que j’ai insisté pour accrocher. De petits territoires jumeaux, où leurs personnalités, déjà, dessinent des frontières.La petite guerrière du premier jou
CamilaJe m’assois lourdement dans le fauteuil à bascule près du berceau. Je défais ma chemise d’une main maladroite. Je n’ai aucune idée de ce que je fais. C’est mon corps qui guide, une mémoire ancestrale plus vieille que ma raison. Je la présente à mon sein. Elle cherche un instant, son petit visage se plissant d’effort, puis trouve. Et elle tète.La sensation est… électrique. C’est bien plus que physique. C’est un courant qui va de mon sein à mon âme, un circuit qui se ferme, une connexion archaïque et totale. Je regarde ses paupières palpiter, ses minuscules joues qui se creusent et se gonflent avec un rythme régulier. Je vois son petit poing se serrer contre ma peau, se raccrochant à la vie, à moi.Les larmes coulent à nouveau. Silencieuses, chaudes. Elles ne sont ni de joie ni de tristesse. Elles sont l’expression liquide de tout ce chaos, de cet amour-terreur qui me submerge. Je pleure sur sa perfection. Sur mon impuissance. Sur le lien incassable qui vient de se sceller dans
CamilaLe jour filtre à travers les persiennes, découpant des barres de lumière poussiéreuse sur le sol de la chambre. L'odeur de l'accouchement a été lavée, remplacée par des effluves de linge propre, de lait, et cette fragrance douce-amère, indéfinissable, des nouveau-nés. Un calme mortel a succédé à la tempête. Et au centre de ce calme, il y a eux.Ils dorment.C’est la première fois que je peux vraiment les regarder, sans la terreur immédiate de la douleur, sans son ombre écrasante entre nous. Elena les a nourris au biberon la nuit dernière, sur ordre. « Vous devez récupérer », avait-elle dit, évitant mon regard. Mais ce matin, après une toilette rapide et silencieuse, elle les a alignés dans le grand berceau en acajou qui trônait, sinistre et préparé, au pied du lit. Puis elle est partie.Je suis seule. Vraiment seule avec eux, pour la première fois.Mes jambes sont de coton, mon bassin n’est qu’une seule et immense douleur sourde, et mes seins sont lourds, tendus, douloureux. Ma







