MasukValentinaL’aube point, sale et grise, à travers les fentes des volets. Je n’ai pas dormi. L’argent est toujours là, éparpillé sur le linoléum. Le carton blanc, avec son numéro gravé, semble briller d’une lumière propre dans la pénombre.— Il faut le ramasser.La voix de ma mère est rauque, épuisée. Elle est assise au bord de mon lit, les bras serrés autour de son corps.— On ne peut pas le laisser là. C’est… c’est une preuve.Je fixe les billets.— Une preuve de quoi ? De notre humiliation ?— De sa folie. Et peut-être… une arme.Je tourne la tête vers elle. Ses yeux sont cernés, mais une lueur nouvelle, dure, y est née. La même qui couve en moi.— Une arme ?— Il te l’a donné. C’est à toi. Utilisons-le. Pas pour fuir. Pour nous préparer. Pour nous défendre.L’idée germe, tordue, presque sacrilège. Prendre son poison et en faire un antidote. Ou du moins un bouclier.Je me lève, les jambes raides. Je marche jusqu’à la liasse éparpillée. Je m’accroupis. Je ne touche pas le carton. Je r
DiegoSans la regarder, je passe à Fernanda. Le cuir mord la raie de ses omoplates, et cette fois, je ne retiens pas ma force. Le crack est plus fort, plus sec, et elle se cambre comme si on lui avait enfoncé une lame dans le dos.— Putain de merde !Ses doigts glissent sur le bois, cherchant désespérément une prise, sa croupe tressaillant comme une invitation silencieuse.— Encore… encore, je vous en supplie…Isabel attend son tour, les lèvres légèrement entrouvertes, les yeux rivés sur moi. Je m’approche d’elle, faisant traîner le fouet sur le sol avant de le lever lentement.— Toi…Je laisse le mot planer entre nous.— …tu vas compter.— Oui, Maître.Sa voix est douce, presque moqueuse.Je fais s’abattre la lanière sur ses reins, juste au-dessus de la courbe de ses fesses.— Un.Le son est net, précis. Elle serre les dents, mais un gémissement lui échappe, plus rauque, plus avide que celui des autres.— Deux.Un autre coup, un peu plus bas.— Trois.Ses doigts s’enfoncent dans ses
DiegoJe fais tourner le manche, appuyant juste assez pour qu’elle sente la pression sans la soulager.— Tu crois que tu mérites de jouir ?Elle secoue la tête, les cheveux noirs collés à son front.— Non, Maître. Je mérite… je mérite votre fouet.— Bonne réponse.Je retire le manche et recule d’un pas.— À Fernanda, maintenant.Fernanda est déjà en position, les mains posées sur le dossier d’une chaise en bois sombre, le dos arqué, la croupe offerte comme une offrande. Contrairement à Catalina, elle ne porte rien. Juste sa peau dorée, ses courbes généreuses, et les marques que j’y ai déjà laissées plus tôt dans la soirée. Des traces de mes doigts, de mes dents, de la cravache que j’ai utilisée pour la réchauffer. Elle frémit quand je m’approche, ses muscles se tendant en anticipation.Je ne la fais pas attendre.Le fouet s’abat cette fois, non pas en l’air, mais directement sur la raie de ses omoplates. Le cuir mord sa peau avec un clap sourd, et Fernanda se cambre violemment, un cri
DiegoJe ne dis rien. Je la regarde. Je la vois à peine. Ce que je vois, c’est une autre paire d’yeux, brûlants de défi. Des cheveux qui ne sont pas parfaitement coiffés. Une robe simple, noire. Une main qui se lève…La rage gronde à nouveau. Je me détourne.Fernanda arrive ensuite, puis Isabel, à quelques minutes d’intervalle. Le même rituel. Le même silence imposé. Le même ordre sec. Elles se déshabillent, rejoignant Catalina au centre de la pièce. Trois corps splendides, sculpturaux, tremblant légèrement sous le courant d’air froid et sous le poids de mon regard silencieux. Elles échangent des regards furtifs, pleins de questions et d’une excitation nerveuse qui commence à virer à l’appréhension. Il n’y a pas de musique, pas de verre de champagne. Rien que le silence et la tension qui monte.— À genoux, dis-je enfin.Ils s’exécutent. Le parquet est dur, froid contre leur peau. La soumission dans leur posture m’apaise un infime instant. C’est l’ordre des choses. Elles s’agenouillent
DiegoLa rage.Ce n’est pas une émotion, c’est une force tellurique. Une vague de lave noire qui monte des profondeurs de mon être, brûlant tout sur son passage : la froide calcul, le détachement habituel, la sinistre curiosité qui m’avait tenu face à elle. Tout est réduit en cendres sous l’intensité pure, blanche, de la fureur.Le claquement de sa paume contre ma joue résonne encore dans mon crâne, un écho métallique qui se heurte aux parois de mon cerveau. La sensation, d’abord : la surprise, presque physique, de l’impact. Puis la brûlure, vive, aiguë. Et enfin, le silence. Le silence absolu qui a suivi, plus insultant que n’importe quel cri.Personne. Personne ne me frappe.Pas depuis que je suis sorti des bas-fonds de Tepito, les mains sales et le cœur déjà endurci. Pas depuis que j’ai gravé mon nom dans la chair pourrie de cette ville. El Halcón. Le faucon. On ne frappe pas un faucon. On le craint, on le fuit, on le paye, ou on meurt.Mais on ne le gifle pas.Je marche dans les r
ValentinaMa mère s’arrête net et me regarde, son expression passant de l’horreur à une tristesse infinie.— Tu crois que ça changerait quelque chose ? Il t’aurait déjà retrouvée avant même que ton bus n’arrive à la gare routière. Il a des ressources, Valentina. Des gens partout. Des policiers, des douaniers, des chauffeurs… Tu serais une souris courant dans un labyrinthe dont il tiendrait toutes les ficelles.Le désespoir m’engloutit. Fuir est impossible. Rester est intenable.— Alors on fait quoi ? On attend qu’il vienne ? Qu’il envoie ses hommes ? Qu’il nous fasse du mal ?Ma voix se brise sur la dernière syllabe. La bravade du début de soirée est un lointain souvenir, une folie de jeunesse dont je paie le prix.Soudain, un bruit à la porte nous fait sursauter toutes les deux. Un grattement léger. Puis un cliquetis métallique.Mon sang se glace. Il est déjà là.Ma mère se fige,les yeux rivés sur la porte. Je regarde frénétiquement autour de moi, cherchant une arme, n’importe quoi.







