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Chapitre 6 — Le Piège Iris

Author: Eternel
last update Last Updated: 2025-09-13 20:29:15

Je ne dors pas cette nuit-là.

Chaque fois que je ferme les yeux, je revois son regard. Glacial. Calculateur. Trop calme pour être humain. Je revois aussi ses mots, prononcés sans hâte, avec cette maîtrise glaçante de ceux qui n'ont jamais eu besoin de hausser le ton pour faire plier les autres.

Raphaël n'a pas besoin de menacer.

Il suffit qu'il parle, et le monde se réorganise autour de ses exigences.

Et moi, dans ce monde-là, je ne suis qu'une case à remplir. Une variable à intégrer dans une équation qu’il est seul à comprendre. Une pièce déplacée sur un échiquier dont je ne maîtrise ni les règles ni les enjeux. Le pire, c’est que je doute même de savoir quelle couleur je défends.

Je reste allongée, les yeux ouverts dans le noir, à écouter les battements désordonnés de mon cœur. Le silence est lourd, presque hostile. Chaque craquement du bois, chaque souffle du vent contre les vitres me fait sursauter. Je tente de ralentir ma respiration, de me convaincre que je suis en sécurité ici, entre quatre murs impersonnels, dans cet appartement que je ne reconnais déjà plus comme le mien.

Mais son regard me hante.

Il me déshabille de toute illusion, me réduit à l’essentiel : utile ou non.

Il sait déjà où appuyer. Il n’a pas besoin de me connaître. Il lit à travers moi comme à travers un rapport d’audit.

J’ai hâte que le jour se lève, mais il met une éternité. Quand enfin le ciel commence à pâlir derrière les rideaux, je suis déjà debout, le dos raide, la gorge sèche.

Je passe sous la douche comme un automate, et l’eau me brûle sans me réveiller. Mes gestes sont mécaniques, déconnectés de moi. Mon reflet dans le miroir m’apparaît étrange, décalé. Comme si une autre femme me regardait à travers la vitre. Une version plus pâle, plus vide. Plus fragile.

Je m’habille sans réfléchir. Un pantalon sombre. Une chemise blanche. Sobre, nette. Invisible. Je n’ai pas envie d’être remarquée aujourd’hui. J’aimerais me fondre dans les murs. Ne pas exister.

Le café a un goût de fer.

Mes mains tremblent.

J’essaie de les dissimuler en les serrant autour de ma tasse, mais la porcelaine glisse, humide de condensation. Je respire à fond. Encore. Encore. Rien n’y fait. La peur ne part pas. Elle est tapie juste sous la peau, prête à m’étrangler au moindre mot de travers.

Ma boîte mail est pleine de messages d’ordre administratif, de faux bonjours, de "petits rappels" auxquels je réponds machinalement. J'efface certains mails avant même de les lire. Tout est si normal que j’en ai la nausée. Le monde continue, imperturbable.

Comme si hier n'avait pas existé.

Comme si Raphaël n'était qu’un mirage, un cauchemar administratif.

Mais il est bien réel.

Et il attend.

Vers dix heures, un mail me fait l’effet d’une lame froide glissée entre les côtes.

Objet : Votre avenir

De : secretaire.raphael@

Contenu : Monsieur Raphaël souhaiterait connaître votre disponibilité pour une présentation confidentielle des enjeux stratégiques liés au poste envisagé. Salle 62B, aujourd’hui, 11h30. Présence attendue.

C’est tout.

Pas de formule de politesse. Pas de signature. Juste ces phrases cliniques, chirurgicales, dépourvues de toute chaleur humaine.

Je relis le message trois fois.

“Votre avenir.”

Même l’objet du mail semble moqueur. Il a le goût d’une promesse empoisonnée. D’un avertissement déguisé. Un piège poli, soigneusement ficelé dans les formes.

Je reste là, immobile devant l’écran, incapable de bouger. L’heure tourne, pourtant. Et je sais ce qu’il se passe si je n’y vais pas. Ce qu’il est capable de faire. Ce qu’il fera.

Il ne m’a pas menacée. Il n’a pas eu besoin. C’est encore pire.

Parce qu’il m’a laissée deviner.

Et ce que j’imagine est toujours plus terrifiant que ce qu’on me dit.

À 11h10, je suis devant la porte de la salle 62B, les doigts crispés sur la lanière de mon sac.

J’hésite.

Fuir ou entrer.

Mais il n’y a jamais vraiment eu de choix.

Seulement des conséquences.

J’entre.

La salle est vide. Vide comme une scène de théâtre avant la représentation. Les néons bourdonnent faiblement. Une longue table occupe le centre, flanquée de fauteuils en cuir. Un seul écran est allumé au mur, et affiche une page d’accueil neutre, impersonnelle.

Il n’est pas encore là.

Mais je sens déjà sa présence.

Elle s’insinue dans les murs, dans le silence. Elle déforme l’air. Il a cette manière d’exister, même en son absence, qui vous fait douter de votre propre poids dans l’espace.

Une femme entre sans frapper. Tailleur sombre, regard sec. Elle ne me regarde même pas quand elle dépose une tablette sur la table. Elle tapote quelque chose sur l’écran, puis me dit simplement :

— Monsieur Raphaël arrive. Il vous remercie de votre ponctualité.

Puis elle ressort, sans un mot de plus. Sans un bruit. Comme un messager de l’antichambre d’un dieu cruel.

Et moi, je reste là. Prisonnière d’une salle sans fenêtres. À attendre un homme qui ne vous convoque jamais pour discuter. Seulement pour décider.

Et punir, s’il le faut.

J’entends ses pas avant de le voir.

Réguliers. Calmes.

Chaque pas est un verdict.

Puis la poignée tourne.

La porte s’ouvre.

Raphaël entre.

Costume noir. Chemise bleu nuit. Aucun papier en main. Il n’en a pas besoin. Son regard se pose sur moi comme une lame, et je me redresse malgré moi, le dos raide, le souffle court.

Il referme doucement la porte derrière lui.

Un claquement discret. Définitif.

Puis il s’approche.

S’assoit à l’autre bout de la table.

Son regard ne me quitte pas.

— Bonjour, dit-il enfin.

Ce n’est qu’un mot. Mais dans sa bouche, c’est une mise en garde.

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