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Chapitre 5 — Le Masque

Penulis: Eternel
last update Terakhir Diperbarui: 2025-09-13 20:28:40

Iris

Je n’ai pas quitté la salle de repos pendant quarante minutes.

Pas une de moins.

Assez longtemps pour que mes yeux sèchent et que mes pensées reprennent forme. Pas les bonnes. Pas les justes. Mais les seules qui me permettent de rester droite. J’ai remis du rouge à lèvres, lissé mes cheveux, ajusté mon chemisier. J’ai réenfilé le masque. Celui qui ment mieux que moi.

Quand je retourne à mon poste, une enveloppe noire m’attend sur mon clavier. Pas un mail. Pas un message. Une lettre physique, scellée à la cire.

Je la prends du bout des doigts, les muscles du cou tendus.

Pas de nom. Pas de logo. Rien qu’un parfum très léger, presque imperceptible. Boisé, complexe. Masculin. Délibérément.

Je déchire le cachet. À l’intérieur, une simple carte en papier épais, en lettres argentées.

« Bureau de Monsieur Raphaël  19h30. »

Il est temps de parler sérieusement.

Je relis la note deux fois. Pas un mot de plus. Pas une signature. Il sait que je comprends. Il veut que je comprenne.

Et ce n’est pas une invitation. C’est un ordre.

Je pourrais ne pas y aller. Je pourrais prendre mes affaires, rentrer chez moi, verrouiller la porte, couper mon téléphone et me fondre dans l’oubli. Mais je n’ai pas ce luxe. Pas depuis que Mathias m’a trahie. Pas depuis que mon nom est devenu une variable dans une équation de pouvoir qui ne me laisse aucune échappatoire.

19h25.

Je suis devant la porte vitrée du dernier étage. Il n’y a plus personne ici à cette heure. Plus de bruits, plus de rires feutrés. Juste le silence clinique des lieux où se jouent les vraies décisions.

Je frappe une fois.

— Entrez.

Sa voix est calme. Posée. Toujours ce ton professionnel, presque aimable. Je pousse la porte.

Il est là, derrière son bureau, une chemise sombre, veste retirée, les manches retroussées. Il écrit encore quelques mots, puis lève les yeux vers moi. Un sourire poli effleure sa bouche.

— Iris . Merci d’être venue. Asseyez-vous.

Je reste debout.

Il penche la tête, intrigué.

— Vous préférez qu’on en vienne directement au fait, je suppose.

— Vous êtes mon supérieur, Monsieur Raphaël. Je ne suis pas sûre d’avoir le choix.

Il rit doucement. Pas un vrai rire. Un bruit vide.

— C’est exactement ce que je voulais vérifier. Que vous compreniez bien les règles.

Il se lève. Contourne son bureau. S’approche trop lentement, trop près. Il ne me touche pas. Il ne m’effleure même pas. Mais il réduit la distance. Il mange l’air entre nous. Il déplace le centre de gravité de la pièce.

— Votre mari m’a proposé un marché. Un partenariat stratégique, avec vous au centre. Il dit que vous êtes la clé.

— Je ne suis pas une clé.

— C’est ce qu’il pense. Et moi… je ne suis pas sûr qu’il ait tort.

Il s’arrête. Ses yeux se posent sur moi comme une lame. J’aimerais qu’il me déteste. Ce serait plus simple. Mais il me regarde comme on regarde un problème à résoudre. Une pièce rare, pas encore exploitée.

— Vous êtes brillante, Iris. Discrète. Digne de confiance. On vous écoute, on vous suit. Vous n’avez pas idée de la valeur que vous avez ici.

— Je suis une salariée.

— Non. Vous êtes bien plus que ça. Et vous le savez.

Il marque une pause. Puis, plus bas :

— Mathias m’a vendu votre loyauté. Je veux voir ce qu’elle vaut.

Je serre les poings.

— Vous pensez pouvoir m’acheter ?

— Non. Je pense que je peux vous convaincre.

Il recule enfin, se verse un verre d’eau. Me désigne le fauteuil face à son bureau. Cette fois, je m’assois.

— Voici la situation, reprend-il. Le groupe prépare une restructuration majeure. Nous allons créer une cellule stratégique transversale, et je veux vous y intégrer. Vous auriez une autonomie inédite, un accès direct au board. Un pas de côté, mais vers le haut.

— Et pourquoi moi ?

Il me fixe.

— Parce que vous êtes celle qu’on sous-estime. Celle que personne ne voit venir. Et que vous êtes en train de vous détacher de votre mari. Ce qui, stratégiquement, vous rend... disponible.

Je me lève brusquement.

— Ce n’est pas une promotion. C’est une extraction.

Il sourit à nouveau. Sincèrement, cette fois.

— Peut-être. Mais ce serait aussi une délivrance.

Il s’approche à nouveau. Plus lentement.

— Vous n’avez rien à perdre, Iris. Rien d’autre que vos illusions. Et croyez-moi, elles sont déjà mortes.

Je me retiens de pleurer. De crier. De lui balancer cette carafe à la figure.

Il pose la carte qu’il avait dans la main sur la table. Elle est vierge.

— Vous avez jusqu’à lundi pour me donner votre réponse. En personne.

Je tourne les talons. Il ne me retient pas. Il ne dit plus rien.

Mais dans mon dos, je sens encore son regard. Son ombre.

Et quand je prends l’ascenseur, quand les portes se ferment, je réalise que je ne respire plus. Que ce bureau sentait la guerre.

Et que je suis déjà en plein cœur du champ de bataille.

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