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Chapitre 4 — Le Fracas

Author: Eternel
last update Last Updated: 2025-09-13 20:28:06

Iris

Je ne sens plus mes jambes.

J’ai marché jusqu’au bureau sans vraiment me souvenir du trajet. Le métro, les trottoirs gris, les visages absents. Tout est passé dans un flou sale, comme si mon corps avançait sans moi. J’ai croisé des collègues, répondu à leurs sourires mécaniques, hoché la tête, comme si de rien n’était. Comme si je n’avais pas entendu mon mari me demander, la veille, de vendre mon silence. Ou mon corps. Je ne sais même plus.

Je me suis assise à mon bureau, et mes doigts ont trouvé la souris, ouvert les bons fichiers, tapé les bons codes. Les gestes sont là. Le reste, non.

Je tremble.

Pas à l’extérieur. Pas encore. Mais à l’intérieur, tout se fendille. Un vacarme muet. Une rage contenue. Un chagrin qui se débat.

Je croyais qu’on était une équipe.

Je croyais qu’il me verrait toujours comme sa complice. Pas comme un pion à monétiser.

Le pire, ce n’est même pas qu’il ait osé.

C’est qu’il n’ait pas eu honte. Pas tout de suite. Il a d’abord tenté de me convaincre. Avec des mots doux, des mains qui cherchaient les miennes, avec ce regard qu’il croyait tendre, mais qui n’était plus que calcul.

Et moi, je suis restée là. À l’écouter. À l’encaisser. Parce que je n’arrivais pas à croire qu’il était sérieux.

Mais il l’était.

Et ce matin, il n’a rien dit. Même pas un mot pour s’excuser. Il s’est levé tard, m’a laissée partir sans me retenir. J’aurais préféré qu’il crie. Qu’il me supplie. Qu’il pleure. Mais non. Il a juste laissé faire. Comme s’il avait déjà intégré ma défaite.

Mon portable vibre. Un rappel de réunion. Je ferme les yeux. Inspire. Une seconde. Deux. Je ne veux pas m’effondrer ici. Pas maintenant.

Au fond du couloir, je l’aperçois.

Monsieur Raphaël.

Le vrai patron. Celui que tout le monde craint plus encore que Mathias. Celui dont le nom seul suffit à geler une salle entière.

Il parle à une assistante, pose une main légère sur son épaule, puis rit doucement. Toujours ce même air parfait. Propre. Poli. Étrangement séduisant. Il est de ceux qu’on admire à distance mais qu’on n’approche jamais sans y laisser des plumes. J’ai toujours su ce qu’il était. Un prédateur social. Un requin qui ne mord pas mais avale entier, en souriant.

Et maintenant, il me regarde.

Je détourne les yeux trop tard. Il a vu. Il avance. Lentement. Avec cette assurance tranquille qui m’a toujours mise mal à l’aise. Celle des hommes qui ne doutent jamais d’être obéis.

— Mademoiselle Iris. Bonjour.

Je me fige. Me retourne à moitié. Il est là, trop près. Trop sûr de lui.

— Bonjour, monsieur, dis-je, la voix trop douce à mon goût.

Il incline la tête, comme un roi qui daigne accorder son attention à une roturière.

— J’ai croisé votre mari ce matin. Mathias. Nous avons parlé de stratégie, de transversalité… et de vous.

Je serre les dents.

Il m’observe. Il attend.

— Il m’a proposé un déjeuner. Tous les trois. Pour échanger, voir ce que vous pensez de l’évolution du groupe, de votre département… Vous seriez disponible cette semaine ?

Il le dit sur un ton presque anodin. Presque. Mais il n’y a rien d’anodin chez lui.

Chaque mot est placé. Testé. Et chaque silence pèse le double.

Je me redresse. Mes genoux flanchent presque. Mais je tiens.

— Je vous remercie pour la proposition, monsieur, mais… je ne suis pas intéressée.

Son sourire s’élargit, presque imperceptiblement. Ce genre de sourire qu’on offre à un pion qui ne comprend pas qu’il est en train d’être écarté du jeu.

— Mathias m’a assuré que vous seriez ouverte à la discussion.

Sa voix est feutrée. Mais glaciale.

Je sens la colère monter. Un goût de cendres dans la gorge. Ce n’est plus de la peur, c’est une morsure.

— Il vous a mal informé, monsieur.

Je le regarde dans les yeux. Un dixième de seconde. Pas plus. Puis je baisse à nouveau les paupières.

C’est un réflexe. Une honte instinctive. Comme si mon corps savait déjà ce qu’il en coûte de tenir tête à cet homme-là.

Il incline légèrement la tête, faussement désolé.

— Dommage. Je pense que vous avez plus à gagner qu’à perdre dans cette conversation. Mais c’est vous qui voyez.

Il recule enfin. Me laisse là. Glacée. Humiliée.

Et c’est là que je comprends.

Ce n’est pas un déjeuner.

C’est un test.

Un piège.

Et Mathias… est de l’autre côté.

Je retourne à mon poste. Je n’ai plus de jambes. Plus de souffle. Juste ce vide béant qui grandit.

Je m’enferme dans une salle de repos vide. Une fois la porte refermée, je laisse tomber le masque. Mes mains s’agrippent à l’évier. Mon reflet me dévisage dans le miroir : cernes, pommettes creusées, lèvres tremblantes. Je suis encore là. Mais je ne me reconnais plus.

J’ai aimé cet homme. De tout mon corps. De toute ma confiance. Je l’ai soutenu, encouragé, protégé. Et maintenant ? Il m’offre. Comme si j’étais une carte à abattre. Une monnaie d’échange.

Je sors mon téléphone. Tape un message.

« Ne m’écris pas. Ne m’appelle pas. Ne rentre pas ce soir. »

Je l’envoie sans relire.

Puis je m’effondre lentement contre le mur.

Et je pleure.

Sans bruit.

Parce que le fracas n’est plus en moi. Il est partout.

Dans chaque battement de cœur.

Dans chaque silence qu’il me laisse.

Dans chaque pas que je fais… loin de lui.

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