Share

Chapitre 005

Author: Yaël le Lann
Après plusieurs jours de repos, Clara était enfin autorisée à quitter l'hôpital.

Elle n'avait jamais supporté cette odeur de désinfectant omniprésente dans les couloirs.

Comme Zoé était en déplacement professionnel, elle avait envoyé un chauffeur pour venir la chercher.

Clara, encore un peu faible, est rentrée dans l'appartement qu'elle avait acheté avant son mariage. Il n'était pas très grand, mais chaque mètre carré lui appartenait et, ça suffisait à lui redonner un vrai sentiment de sécurité.

Quelqu'un était venu faire le ménage récemment, tout était propre, ordonné, accueillant. Même les fleurs sur la table semblaient tout juste cueillies.

L'appartement était situé au cœur du quartier le plus animé de la ville, un endroit où chaque centimètre valait de l'or. Depuis le balcon, la vue était dégagée, on voyait parfaitement le siège du groupe Dubois, une tour de plus de quatre-vingts étages, dressée comme un géant au centre exact de la ville.

Avant son mariage, Clara aimait se tenir là, sur le balcon, à regarder au loin, parce qu'elle y pensait à lui. À celui qu'elle portait dans son cœur.

Mais à présent, ses yeux étaient comme couverts par une couche de givre. Toute chaleur avait disparu. Ce qu'elle avait attendu, espéré, aimé, tout cela appartenait déjà au passé.

Clara est rentrée en silence à l'intérieur, et a tiré les voilages sans un mot.

Son bas-ventre la lançait encore par moments, comme pour lui rappeler, sans bruit, cette petite vie qu'elle n'avait pas pu garder.

Elle a pris une grande inspiration, puis a secoué la tête, essayant de chasser ce goût amer qui lui remontait à la gorge.

Pas le temps de se noyer dans la tristesse. Il y avait plus important à faire.

Elle a allumé son ordinateur portable, resté éteint depuis longtemps. L'écran s'est éclairé, révélant un mail non lu, marqué d'une étoile.

Elle l'a ouvert d'un clic, a parcouru rapidement le contenu. Son regard devenait de plus en plus froid.

Puis ses doigts ont pianoté calmement sur le clavier :

« On suit le plan. »

Tout s'est enchaîné d'un geste fluide, comme si la jeune femme affaiblie de tout à l'heure n'avait jamais existé.

Elle a sorti les comprimés prescrits par le médecin et les a avalés avec un peu d'eau tiède. L'amertume s'est diffusée sur sa langue, mais elle a eu l'impression de ne rien sentir.

La fatigue a submergé son corps telle une vague. Elle s'est laissée tomber sur le grand lit moelleux et a sombré aussitôt dans un profond sommeil...

En fin d'après-midi, dans le bureau du PDG du Groupe Dubois.

L'assistant Paul a frappé à la porte, puis est entré pour faire son rapport.

« Monsieur Dubois, Madame est sortie de l'hôpital aujourd'hui. Elle n'est pas retournée à la Résidence Clairbois. Elle a directement emménagé dans un appartement enregistré à son nom. »

À ce moment-là, Alex traitait quelques documents. En entendant cette phrase, la pointe de son stylo s'est interrompue un bref instant. Juste un instant.

« Oui. »

Un simple son, sans émotion.

Il a levé les yeux. Son regard était sombre et insondable, comme de l'encre figée.

« Où elle vit désormais, ça ne me concerne pas. »

Ils n'avaient jamais vraiment vécu ensemble. À peine s'ils se voyaient une ou deux fois par mois. Il n'aurait jamais imaginé qu'un jour, il entrerait encore et encore dans son appartement.

Paul n'osait pas répondre. Il avait juste l'impression que la température ambiante venait de chuter de plusieurs degrés.

Alex a jeté les documents signés sur le côté, sans même les regarder. Sa voix, indifférente, ressemblait à celle de quelqu'un qui parle de la météo.

« Fais-lui livrer les papiers du divorce. Qu'elle les signe au plus vite. »

« Oui, Monsieur. »

Paul a répondu sans discuter, le ton bas. En son for intérieur, il a soupiré pour cette femme qui n'avait jamais reçu la moindre attention de Monsieur Dubois.

Ce couple était probablement arrivé au bout de son histoire.

Alex a baissé la tête à nouveau. Il regardait l'écran, les chiffres défilaient. Comme si ce qu'il venait de dire n'avait été qu'un banal échange à propos d'un contrat sans importance.

Mais ses doigts, serrant le stylo, blanchissaient légèrement sous la pression. Il ne se doutait pas que plus il restait froid aujourd'hui, plus le retour serait brutal.

C'est à ce moment-là qu'Anne est entrée dans son bureau.

Paul a pris les papiers du divorce et s'est discrètement retiré.

Ce jour-là, elle s'est faite belle, rayonnante comme toujours. Rien d'étonnant pour la star du moment.

Elle était de très bonne humeur. Et quelle surprise, c'était Clara dans cette fameuse chambre de l'hôpital central.

Mais le plus inattendu, c'est qu'elle avait été hospitalisée pour une fausse couche.

Même pas fichue de mener une grossesse à terme, celle-là. De plus, Anne n'a même pas eu à bouger le petit doigt. Un vrai coup de pouce du destin.

Même les feuilletons n'oseraient pas aller aussi loin. Hé !

Sans cet enfant, Clara ne pourrait plus jamais rester auprès d'Alex.

Et le plus beau dans tout ça, c'était qu'Alex ne semblait même pas encore au courant. C'était une occasion rêvée de frapper fort.

Alex a levé les yeux, et sans qu'il s'en rende compte, son regard s'était un peu adouci.

« Qu'est-ce que tu fais là ? »

« Je suis venue dîner avec toi, évidemment !  Comme j'ai un peu de temps cette semaine, je voulais profiter pour te voir davantage. La semaine prochaine, je vais passer un casting pour une série très connue. »

Anne rayonnait, un large sourire aux lèvres, incapable de cacher son enthousiasme.

Alex la regardait, et un léger sourire s'est dessiné au coin de ses lèvres.

« Si la grande Anne Dupont s'y intéresse, alors ce n'est sûrement pas un projet ordinaire. »

Elle n'a pas pu attendre davantage pour révéler le nom de la série, toute souriante, l'air fière d'elle-même.

« L'Élégie des Lys, tu connais ? C'est un roman super populaire en ce moment. Le rôle principal féminin est attribué par vote en ligne. Et devine quoi ? Je suis classée deuxième. »

Alex le savait très bien. Le mois dernier, il avait déjà lancé le plan de rachat de Couronne Production, la société avec laquelle elle était sous contrat. Il comptait la lui offrir.

Il s'était toujours tenu à l'écart du milieu du divertissement. Mais cette fois, il n'avait pas hésité à investir une somme colossale pour soutenir sa carrière.

Pourtant, Anne n'était pas encore au courant. Il voulait lui faire la surprise, plus tard.

Alex a hoché doucement la tête, puis lui a pris la main avec une certaine tendresse.

« Pas mal. Avec ton niveau, tu devrais décrocher la première place. »

Anne s'est assise sur ses genoux avec aisance, et a passé ses bras autour de son cou, le regard pétillant.

Elle disait d'une voix câline :

« Alex, c'est si bon de t'avoir. Je sais que tu m'as toujours soutenue en secret. Merci de croire en ma carrière. »

Alex lui a pincé doucement la joue, avec une tendresse silencieuse.

« Tant que tu es heureuse, ça me va. »

C'était il y a quatre ans, sur la côte du pays F, à la Baie d'Azur. Sans elle, ce jour-là, il se serait noyé dans les profondeurs de l'océan.

Il avait gardé une certitude que cette femme méritait tout ce qu'il y avait de plus beau au monde, y compris son amour.

Mais ce qu'il ignorait, c'était que la femme capable de plonger si loin sous l'eau, ce n'était pas celle qui se trouvait, aujourd'hui, devant lui.

Anne a appuyé son front contre le sien et s'est penchée lentement vers lui, prête à lui offrir un baiser plein de tendresse.

Le souffle chaud d'Alex effleurait son visage, et il n'a rien fait pour s'éloigner.

À cet instant, le téléphone s'est mis à sonner. Anne a froncé les sourcils.

Alex a esquissé un sourire et a décroché le téléphone sans y penser.

À l'autre bout du fil, la voix enthousiaste de Maxime s'est fait entendre :

« Alex, Sébastien Perrin est revenu ! On raconte qu'il organise un dîner au Pavillon Saphir, pour accueillir un invité mystérieux. Tu penses que ce serait Nexus ? »

Alex a eu un bref moment de surprise, puis une lueur vive a traversé son regard.

« J'y vais tout de suite. »

Il a raccroché, puis a réfléchi quelques secondes.

Sébastien Perrin, héritier d'un puissant conglomérat du pays F, était aussi l'un des fondateurs du Sommet Mondial de la Médecine. Ils ne s'étaient croisés qu'une seule fois, quatre ans plus tôt, sur les terres du pays F.

Et voilà que juste après l'annonce de la participation de Nexus, il était arrivé discrètement à Beaumarin.

Pourquoi avoir choisi Beaumarin ?

Il devait en avoir le cœur net. Quoi qu'il arrive, il fallait à tout prix obtenir une collaboration entre Nexus et le Groupe Dubois.

Anne le regardait, un peu intriguée.

« Alex ? Il y a un problème ? »

Il lui a caressé doucement les cheveux, un léger sourire aux lèvres.

« Rien de spécial. Je t'emmène manger quelque chose de bon. »

Il a pris sa veste, lui a pris la main et ils sont sortis ensemble du bureau.

...

Ding-dong !

La sonnette a retenti brusquement, brisant le silence qui régnait dans l'appartement.

Clara a été tirée de son sommeil par ce bruit soudain.

Elle s'est levée en traînant ses pantoufles, avançant d'un pas lent vers la porte.

Elle a tourné la poignée doucement.

La porte s'est ouverte d'un coup.

Mais à sa grande surprise, un homme se tenait là.

Un visage familier, aux traits toujours aussi beaux, mais désormais marqués par une maturité sereine, une assurance nouvelle.
Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Trop tard, Monsieur le Milliardaire   Chapitre 100

    « La Rencontre, ses lys préférés, tout a été souillé par ta sainte-nitouche de pacotille, tu... »Zoé débordait de colère, les mots dépassaient déjà la ligne rouge.Paul s'est précipité pour lui plaquer une main sur la bouche, paniqué à l'idée de ce qui allait sortir ensuite.Deux agents de sécurité l'ont aussitôt encadrée et ont commencé à l'emmener vers la sortie.Elle se débattait de toutes ses forces, lançait des coups de pied dans tous les sens, prête à viser là où ça fait vraiment mal.Paul, pétrifié, la regardait s'éloigner sans oser intervenir.Avec son niveau de rage, elle pourrait ouvrir un cratère sur Mars.Une fois Zoé mise dehors, le silence est retombé.Mais ses mots, eux, continuaient de tourner dans la tête d'Alex. Ils résonnaient comme un rappel brutal, impossible à ignorer.La Rencontre, c'était son restaurant préféré. Il n'y avait jamais mis les pieds avec elle. Et pourtant, c'est là qu'il avait privatisé toute la salle pour annoncer publiquement sa relation av

  • Trop tard, Monsieur le Milliardaire   Chapitre 099

    Le sourire d'Anne s'est figé une fraction de seconde.Mais elle a vite retrouvé son aplomb, ajustant son expression pour afficher juste ce qu'il fallait de confusion.« Ah, je croyais que c'était plus grave que ça. Tu parles de cette domestique du Domaine d'Aurélis ? »Le visage d'Alex devenait de plus en plus sombre.Anne continuait, avec ce ton tranquille, presque détaché.« Cette femme, c'est une parente à moi, une tante du côté de ma mère. Autrefois, elle a même sauvé la vie de ma mère.Là, elle a juste pris un peu d'argent, une trentaine de mille. Depuis, sa famille vient sans arrêt me supplier, en pleurant, à genoux. Ça n'en finit pas.J'étais agacée, alors je t'en ai parlé en passant, rien de plus.Si tu y tiens vraiment, je peux te la rendre, ta domestique. »Alex l'écoutait parler avec un aplomb déroutant.Et s'il se trompait ?Se pouvait-il qu'Anne n'ait vraiment rien su des véritables actes commis par Claudine ?Il la connaissait depuis des années.Oui, elle était c

  • Trop tard, Monsieur le Milliardaire   Chapitre 098

    Du sang.Un rouge criard, presque irréel.L'image à l'écran semblait sortie d'un film d'horreur de bas étage.Mais Alex, lui, n'avait aucun doute : ce qu'il voyait était réel.Et c'était elle, Clara, qui l'avait vécu.Sa main, posée sur le rebord du bureau, s'est crispée sans prévenir, les veines ont sailli sous la peau, ses doigts se sont contractés jusqu'à en blanchir.Chaque muscle semblait répondre à une colère sourde, contenue.Derrière lui, Paul gardait la tête basse.Il ne disait rien, mais il ne quittait pas des yeux cette silhouette figée devant l'écran, tendue comme un câble prêt à rompre.Le silence s'installait, presque oppressant.On n'entendait plus que les bruits étouffés venant des haut-parleurs et le souffle saccadé d'Alex, de plus en plus lourd, comme s'il luttait pour garder le contrôle.Ses yeux restaient accrochés à l'écran.Il voyait.Ce reptile répugnant rampait lentement sur le sol, glissait jusqu'à Clara, puis commençait à monter sur son corps.Elle, elle

  • Trop tard, Monsieur le Milliardaire   Chapitre 097

    Des éclats de verre jonchaient le sol.Clara, visiblement surprise de le voir débarquer, a baissé les yeux, un peu gênée.« Ce n'est rien... j'ai juste renversé un truc, par mégarde. » a-t-elle soufflé.La tension dans le regard d'Alex s'est relâchée.Sans un mot, il s'est approché, l'a soulevée une nouvelle fois dans ses bras, sans lui laisser le temps de protester.« Toujours aussi maladroite. »Il a lâché cette phrase à mi-voix, presque avec indulgence, tout en se dirigeant calmement vers les escaliers.En bas, la table du petit-déjeuner avait déjà été dressée avec soin.Un domestique est descendu en tenant un plateau.« Madame, ce velouté a été préparé spécialement pour vous sur les instructions de Monsieur. »Aussitôt, le visage de Clara s'est assombri. Elle n'a rien répondu.Alex a fait un geste de la main pour demander au domestique de se retirer.« Ce genre d'incident ne se reproduira plus. Le personnel ici est irréprochable. Paul les a tous choisis lui-même. Et s'il y a

  • Trop tard, Monsieur le Milliardaire   Chapitre 096

    Vingt minutes plus tard, l'hélicoptère s'est posé en douceur sur l'esplanade du Manoir de La Ravine.Le domaine ne se trouvait qu'à une vingtaine de kilomètres du centre de Beaumarin. Entouré de montagnes verdoyantes et de plans d'eau tranquilles, il offrait une vue dégagée et un calme absolu.Pour Alex, c'était l'endroit idéal : assez proche pour gérer les affaires du groupe, assez retiré pour offrir à Clara un lieu de convalescence.À l'origine, il avait acheté toute cette montagne dans l'idée d'y construire un complexe de luxe.Mais lorsque l'état de santé de son grand-père s'était détérioré, il avait changé d'avis. Il avait alors fait aménager ce manoir en pleine nature, au bord de l'eau.Le lieu abritait un jardin rare et soigné, un potager bio, un verger, et même un petit centre équestre. Tout respirait le calme, la verdure, et un luxe discret, pensé pour la guérison.Mais Albert était resté attaché aux vieilles pierres. Il n'avait jamais réussi à s'habituer à cet endroit tr

  • Trop tard, Monsieur le Milliardaire   Chapitre 095

    Clara ne disait rien.Du bout des doigts, elle caressait doucement l'écran, juste à l'endroit où Alex s'était blessé.Ce sang était réel. Cette douleur aussi.Paul a repris, la voix plus grave, plus basse :« Quand vous avez eu votre accident, il était plus bouleversé que n'importe qui. Vous savez, il était lui-même sérieusement blessé. Mais il n'a jamais voulu que vous le sachiez. »Clara a levé légèrement les yeux, troublée.Il ne voulait pas qu'elle sache ? Pourquoi ?Ses pensées se bousculaient.Pourquoi avait-il gardé le silence ?Pourquoi, alors qu'il connaissait la vérité, avait-il choisi de ne rien dire ?Et surtout, pourquoi avait-il continué à protéger Anne ?« Si Mademoiselle Dupont ne l'avait pas menacé avec cette histoire de dette, Monsieur Dubois ne l'aurait jamais aidée à nouveau. »Ces mots, lancés par Paul, ont résonné dans l'esprit de Clara comme une pierre jetée dans un lac déjà agité.« Une dette ? Quelle dette ? »Elle a enfin pris la parole. Sa voix était

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status