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Author: RS WILD
last update Last Updated: 2025-09-03 23:56:52

 Tessa

Je me laissai tomber de tout mon poids sur ma valise. La fermeture éclair grinça, prête à rendre l’âme. Trois heures que je bataillais avec ce foutu monstre en tissu, et il refusait toujours de fermer. Forcément, j’avais voulu emporter la moitié de ma chambre. Ok… peut-être les trois quarts. Mais qui pouvait voyager léger quand on quittait sa famille pour deux ans ?

Je levai les yeux vers le plafond et laissai échapper un rire nerveux.

— Voilà, Paris, j’arrive…

Mon cœur battait si vite que j’avais l’impression d’avoir couru un marathon. Depuis ce matin, tout le monde me tournait autour.

Hugo, mon grand frère, avait encore tenté de me convaincre de rester : « Une fille comme toi, à Paris ? Tu vas te faire bouffer ! »

Toujours protecteur, toujours paternaliste.

Max et Louis n’étaient pas mieux : l’un passait son temps à me charrier, l’autre à fouiller ma valise “au cas où j’oubliais quelque chose”.

Et puis il y avait Anaïs, ma petite sœur. La seule avec qui je pouvais vraiment être moi. Elle pleurait dans l’escalier, persuadée que je l’abandonnais.

Je l’avais serrée contre moi, mes bras autour de ses épaules frêles.

— Je pars pas pour toujours, tu sais. Je reviens aux vacances, et tu pourras venir me voir.

Mais ses larmes avaient eu raison de ma façade. J’avais senti ma gorge se nouer.

En vrai, je partais pas juste pour les études. Je fuyais. Je fuyais cette année étouffante, cette relation toxique qui m’avait laissée exsangue.

Je fermai les yeux un instant. Son visage s’imposa à moi. Mon ex.

Il ne m’avait jamais frappée, non.

Mais ses mots… Dieu, ses mots avaient été pires que des coups.

Chaque remarque, chaque pique, c’était une lame plantée droit dans ma poitrine.

« T’es folle, Tessa. T’es incapable de tenir en place. T’es une gamine hyperactive. »

Au début, je m’étais dit qu’il avait raison, que je devais changer. J’ai cru qu’il finirait par m’aimer vraiment si je devenais plus calme, plus lisse. Mais au lieu de ça, je me suis perdue.

On avait fini par vivre ensemble, un an durant. Un an de trop. Lui, c’était juste un pion rencontré au lycée, un gars banal avec de grands rêves et zéro courage. Il répétait partout qu’il voulait devenir policier, mais il avait raté ses examens trois fois. Trois. Aujourd’hui, il passait ses journées à ranger des perceuses et des pots de peinture dans un magasin de bricolage, en se persuadant qu’il valait mieux que les autres.

Et moi ? Moi j’avais arrêté mes études pendant ce temps, comme une idiote, juste pour l’accompagner, pour l’encourager. J’avais mis ma vie en pause pour lui, pendant que lui écrasait la mienne sous ses critiques.

Il n’avait pas besoin de poings pour être violent. Ses mots suffisaient : chaque remarque, chaque pique était une claque invisible. Je n’étais jamais assez bien, jamais assez calme, jamais assez posée. Il voulait que je me taise, que je disparaisse derrière lui.

Et le pire ? Je savais qu’il n’avait pas dit son dernier mot. Le jour où il déciderait de “me récupérer”, ce ne serait pas par amour. Ce serait par égo. Et là, il deviendrait dangereux

Aujourd’hui, je n’avais plus envie de m’excuser d’être moi.

— Tant mieux, soufflai-je en tirant de toutes mes forces sur la fermeture. Plutôt tornade que fantôme.

La valise céda enfin. Victoire.

Je jetai un dernier regard autour de moi. Ma chambre. Les posters, les bibelots, les photos scotchées au mur. Chaque image était un morceau de moi. Mes frères déguisés à Noël, Anaïs en robe de princesse… Et puis cette photo que j’aurais dû brûler depuis longtemps. Moi, deux ans plus jeune, souriante, collée à un garçon brun aux yeux sombres.

Noah.

Je détournai le regard comme si la photo pouvait me brûler les doigts. Pas question de repenser à lui. Pas question de rouvrir cette blessure-là.

— Tessa ! Le taxi ! cria ma mère depuis l’entrée.

Je pris une grande inspiration, attrapai ma valise et manquai de me casser le dos. Bien sûr. Pourquoi je voyageais toujours comme si je déménageais la moitié de la planète ?

En bas de l’escalier, ma mère agitait un mouchoir comme si je partais au bout du monde. Mes frères me regardaient avec cet air sérieux qui m’agaçait et me touchait à la fois.

a Et Anaïs… ma petite Anaïs pleurait encore.

— Hé, souris un peu, lançai-je en essayant de lui faire une grimace.

Mais mes yeux me piquaient déjà.

Je montai dans le taxi, fermai la portière d’un coup sec et soufflai comme si je venais d’échapper à un piège. Le chauffeur me jeta un coup d’œil dans le rétro.

— Première fois à Paris ?

Je haussai les épaules.

— Première fois pour y rester.

Il hocha la tête et démarra. Moi, je collai mon front contre la vitre, regardant défiler les rues de ma ville natale comme si je les voyais pour la dernière fois.

Mon ventre se serra. Dans quelques heures, je serai à Paris.

Dans quelques heures, je partagerai un appartement avec Paul, le frère d’Emma.

Du moins… c’est ce que je croyais.

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