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ulrics et jullianne
ulrics et jullianne
Author: Emmsi.708

chapitre 1

Author: Emmsi.708
last update Last Updated: 2025-07-25 02:39:12

Chapitre Un – L'Offrande

La pluie tombait sans bruit sur les carreaux de la véranda, comme si le ciel lui-même portait le deuil de ce jour. Julianne fixait son reflet dans le miroir, une robe blanche moulée sur ses épaules maigres, les mains moites posées sur sa poitrine qui se soulevait trop vite. Elle ne voulait pas de cette vie. Elle ne voulait pas de cet homme.

Mais le choix n'était pas à elle.

Son père entra, imposant et froid comme une sentence.

— Tu porteras notre nom avec dignité, dit-il. Tu deviendras sa femme. Tu ne discutes pas avec ton sang.

Julianne baissa les yeux. Elle aurait voulu fuir, hurler, briser ce miroir, cette robe, cette prison. Mais elle savait. Elle connaissait la menace voilée dans la voix paternelle. Refuser, c'était signer l'arrêt de mort d'un autre. Quelqu’un qu'elle aimait. Ou elle-même.

Il s'appelait Ulric. Vingt-cinq ans. Silencieux. Intraitable. Elle le connaissait à peine. Elle savait juste qu’il inspirait la peur aux autres hommes et le silence aux femmes. Et c’était cet homme qu’elle allait épouser.

Le mariage se déroula dans la chapelle familiale. Intime. Glacial. Ulric, vêtu de noir, ne la regarda qu’au moment de lui passer l’anneau.

— Je ne suis pas celui que tu veux, murmura-t-il, mais je serai celui que tu devras supporter.

Julianne ne répondit pas. Elle sentit ses genoux vaciller, mais tint bon. On l’avait élevée pour obéir, pour survivre. Pas pour aimer.

La nuit venue, elle se retrouva seule dans la chambre nuptiale. Le silence était épais. Ulric entra, referma la porte doucement, presque respectueusement. Il s’approcha d’elle, sans menace, sans désir apparent.

— Tu n’as rien choisi de tout ça, constata-t-il. Moi non plus.

Elle releva la tête, fière malgré la peur. Ses yeux le défiaient. Ulric resta là, quelques secondes, à la regarder.

— Je ne te toucherai pas. Pas ce soir. Pas tant que tu me haïras.

Il s’installa sur le canapé, dos à elle. Et Julianne, les larmes aux yeux, se coucha dans le lit froid. Ce n'était pas un mariage. C'était une guerre qui commençait. Une guerre silencieuse, sans armes visibles, mais avec des cœurs en guise de champs de bataille.

Julianne tourna le dos à Ulric. La lune filtrait à travers les rideaux, traçant des ombres d'argent sur les draps froissés. Elle ne dormait pas. Elle écoutait sa respiration à lui – calme, maîtrisée, comme si rien ne pouvait jamais le troubler. Mais derrière cette façade, elle pressentait quelque chose. Une tension, une blessure qu’il camouflait aussi bien qu’un assassin cache sa lame.

Elle songea à sa mère. Disparue trop tôt, broyée parles mêmes chaînes qu’elle portait désormais. Sa mère aussi avait été offerte, comme un objet, comme un gage de loyauté entre familles. Et un jour, elle s’était tue pour toujours. Julianne avait grandi avec cette image : une femme belle, digne, et consumée de l’intérieur. Elle avait juré, petite, qu’elle ne deviendrait jamais comme elle.

Et pourtant… la voilà, prisonnière du même sort.

Mais il y avait une différence : elle était prête à se battre, même si cela signifiait le faire en silence, en cachette, même si cela devait prendre des années.

Le matin se leva sur un ciel de plomb. Le domaine familial était encore enveloppé de brume, les domestiques parlaient à voix basse, comme s’ils savaient que l’atmosphère venait de changer. Dans les couloirs, les portraits des ancêtres semblaient la fixer de leurs regards muets, comme pour lui rappeler : Tu es l’une des nôtres maintenant. Que cela te plaise ou non.

Julianne descendit les marches en robe longue, droite comme une statue antique. Son père l’attendait dans le grand salon, déjà en train de discuter avec un homme en costume. Des affaires, sûrement. Des choses de sang et de silence.

Ulric n’était pas là.

Elle sentit une étrange tension dans sa poitrine. L’absence de cet homme qu’elle n’aimait pas encore, qu’elle ne comprenait pas, mais dont la présence, la veille, avait au moins eu le mérite d’être... humaine. Il aurait pu la forcer, la briser. Il ne l’avait pas fait. Il l’avait laissée intacte. Ce n’était pas un acte d’amour. C’était un acte d’honneur. Et cela, dans son monde à elle, valait de l’or.

Elle le retrouva à l’heure du déjeuner, dans la cour intérieure, entouré de ses hommes. Il fumait, l’air indifférent à tout, mais elle sentit son regard se poser sur elle avant même qu’elle n’apparaisse vraiment. Il savait. Il la ressentait, comme une vibration dans l’air.

— Tu comptes rester muette toute ta vie ? demanda-t-il en détournant à peine les yeux.

Julianne serra les dents. Elle ne voulait pas jouer à ce jeu. Et pourtant…

— Peut-être. Mieux vaut le silence que les mensonges.

Un sourire imperceptible effleura les lèvres d’Ulric. Il fit signe à ses hommes de partir. Ils obéirent sans un mot, laissant les deux jeunes époux seuls sous la treille en fleurs.

— Tu n’es pas comme je l’imaginais, dit-il finalement.

— Moi non plus, répondit-elle.

Leurs regards s’accrochèrent quelques secondes. Dans cette guerre imposée, une étrange trêve venait de s’installer. Fragile. Instinctive.

Mais la guerre était loin d’être terminée. Ce n’était que le premier jour.

Et Julianne savait, au plus profond d’elle-même, qu’aimer cet homme serait peut-être la plus grande malédiction de sa vie.

Ou son salut.

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    POV Ulric – La nuit n’attend pasJe la serre contre moi, et mes mains tremblent — pas de douleur, pas de sang qui coule de mon épaule. Mais de la peur. Une peur que je ne peux pas avouer, pas même à moi-même. Parce que dans la seconde où j’ai vu ce couteau effleurer sa gorge, j’ai compris : je pourrais mourir mille fois, mais je ne supporterais pas de la perdre une seule.Julianne.Elle ne sait pas ce qu’elle est en train de me faire. Elle croit que je suis inébranlable, que rien ne m’atteint. Elle se trompe. La seule chose qui peut me briser, c’est elle.Quand elle a murmuré “laisse-le faire”, j’ai cru étouffer. Cette folie dans ses yeux, cette provocation… je l’ai prise comme une gifle. Elle voulait voir si j’avais peur. Elle voulait tester jusqu’où je pouvais aller pour elle. Elle ne saura jamais à quel point elle a eu raison. Mon doigt n’a pas hésité. J’ai tiré, parce qu’il n’y avait pas d’autre choix. Parce que dans mon monde, on tue ou on se laisse dévorer. Et moi, je n’ai jamai

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