LOGIN
Chapitre Un – L'Offrande
La pluie tombait sans bruit sur les carreaux de la véranda, comme si le ciel lui-même portait le deuil de ce jour. Julianne fixait son reflet dans le miroir, une robe blanche moulée sur ses épaules maigres, les mains moites posées sur sa poitrine qui se soulevait trop vite. Elle ne voulait pas de cette vie. Elle ne voulait pas de cet homme. Mais le choix n'était pas à elle. Son père entra, imposant et froid comme une sentence. — Tu porteras notre nom avec dignité, dit-il. Tu deviendras sa femme. Tu ne discutes pas avec ton sang. Julianne baissa les yeux. Elle aurait voulu fuir, hurler, briser ce miroir, cette robe, cette prison. Mais elle savait. Elle connaissait la menace voilée dans la voix paternelle. Refuser, c'était signer l'arrêt de mort d'un autre. Quelqu’un qu'elle aimait. Ou elle-même. Il s'appelait Ulric. Vingt-cinq ans. Silencieux. Intraitable. Elle le connaissait à peine. Elle savait juste qu’il inspirait la peur aux autres hommes et le silence aux femmes. Et c’était cet homme qu’elle allait épouser. Le mariage se déroula dans la chapelle familiale. Intime. Glacial. Ulric, vêtu de noir, ne la regarda qu’au moment de lui passer l’anneau. — Je ne suis pas celui que tu veux, murmura-t-il, mais je serai celui que tu devras supporter. Julianne ne répondit pas. Elle sentit ses genoux vaciller, mais tint bon. On l’avait élevée pour obéir, pour survivre. Pas pour aimer. La nuit venue, elle se retrouva seule dans la chambre nuptiale. Le silence était épais. Ulric entra, referma la porte doucement, presque respectueusement. Il s’approcha d’elle, sans menace, sans désir apparent. — Tu n’as rien choisi de tout ça, constata-t-il. Moi non plus. Elle releva la tête, fière malgré la peur. Ses yeux le défiaient. Ulric resta là, quelques secondes, à la regarder. — Je ne te toucherai pas. Pas ce soir. Pas tant que tu me haïras. Il s’installa sur le canapé, dos à elle. Et Julianne, les larmes aux yeux, se coucha dans le lit froid. Ce n'était pas un mariage. C'était une guerre qui commençait. Une guerre silencieuse, sans armes visibles, mais avec des cœurs en guise de champs de bataille. Julianne tourna le dos à Ulric. La lune filtrait à travers les rideaux, traçant des ombres d'argent sur les draps froissés. Elle ne dormait pas. Elle écoutait sa respiration à lui – calme, maîtrisée, comme si rien ne pouvait jamais le troubler. Mais derrière cette façade, elle pressentait quelque chose. Une tension, une blessure qu’il camouflait aussi bien qu’un assassin cache sa lame. Elle songea à sa mère. Disparue trop tôt, broyée parles mêmes chaînes qu’elle portait désormais. Sa mère aussi avait été offerte, comme un objet, comme un gage de loyauté entre familles. Et un jour, elle s’était tue pour toujours. Julianne avait grandi avec cette image : une femme belle, digne, et consumée de l’intérieur. Elle avait juré, petite, qu’elle ne deviendrait jamais comme elle. Et pourtant… la voilà, prisonnière du même sort. Mais il y avait une différence : elle était prête à se battre, même si cela signifiait le faire en silence, en cachette, même si cela devait prendre des années. Le matin se leva sur un ciel de plomb. Le domaine familial était encore enveloppé de brume, les domestiques parlaient à voix basse, comme s’ils savaient que l’atmosphère venait de changer. Dans les couloirs, les portraits des ancêtres semblaient la fixer de leurs regards muets, comme pour lui rappeler : Tu es l’une des nôtres maintenant. Que cela te plaise ou non. Julianne descendit les marches en robe longue, droite comme une statue antique. Son père l’attendait dans le grand salon, déjà en train de discuter avec un homme en costume. Des affaires, sûrement. Des choses de sang et de silence. Ulric n’était pas là. Elle sentit une étrange tension dans sa poitrine. L’absence de cet homme qu’elle n’aimait pas encore, qu’elle ne comprenait pas, mais dont la présence, la veille, avait au moins eu le mérite d’être... humaine. Il aurait pu la forcer, la briser. Il ne l’avait pas fait. Il l’avait laissée intacte. Ce n’était pas un acte d’amour. C’était un acte d’honneur. Et cela, dans son monde à elle, valait de l’or. Elle le retrouva à l’heure du déjeuner, dans la cour intérieure, entouré de ses hommes. Il fumait, l’air indifférent à tout, mais elle sentit son regard se poser sur elle avant même qu’elle n’apparaisse vraiment. Il savait. Il la ressentait, comme une vibration dans l’air. — Tu comptes rester muette toute ta vie ? demanda-t-il en détournant à peine les yeux. Julianne serra les dents. Elle ne voulait pas jouer à ce jeu. Et pourtant… — Peut-être. Mieux vaut le silence que les mensonges. Un sourire imperceptible effleura les lèvres d’Ulric. Il fit signe à ses hommes de partir. Ils obéirent sans un mot, laissant les deux jeunes époux seuls sous la treille en fleurs. — Tu n’es pas comme je l’imaginais, dit-il finalement. — Moi non plus, répondit-elle. Leurs regards s’accrochèrent quelques secondes. Dans cette guerre imposée, une étrange trêve venait de s’installer. Fragile. Instinctive. Mais la guerre était loin d’être terminée. Ce n’était que le premier jour. Et Julianne savait, au plus profond d’elle-même, qu’aimer cet homme serait peut-être la plus grande malédiction de sa vie. Ou son salut.POV ULRIC – CONFESSION DANS LA CUISINE Je m’arrête un instant, les mains posées sur le plan de travail, à côté des légumes. Je respire profondément, la tension dans ma poitrine enfin perceptible. Julianne me regarde, intriguée, ses yeux pleins d’attention et d’inquiétude. — Julianne… je dois te dire quelque chose. murmurai-je, ma voix plus douce qu’à l’accoutumée. Elle hoche la tête, silencieuse, attendant. — Tout à l’heure, dans la voiture… je laisse ma phrase en suspens, cherchant mes mots. Je me suis comporté… mal. Possessif, étouffant. Je sais que je t’ai fait peur, et je ne peux pas te reprocher de vouloir respirer… Je me penche légèrement vers elle, le regard sincère, intense. — Tu dois comprendre… je continue, ma voix tremblante pour la première fois. Je ne me contrôle pas toujours… parce que je t’aime. Parce que… parce que j’ai peur. Peur de te perdre, peur que quelqu’un te fasse du mal, peur de tout ce que ce monde peut t’arracher. Ses yeux s’agrandissent, et ell
POV JULIANNE – ARRIVÉE A LA MAISONLa porte du palazzo s’ouvre sur un silence trop lourd, presque palpable. Je sens mes jambes fléchir. Mes épaules tremblent. La voiture, la dispute, le trajet… tout me pèse comme un fardeau impossible à porter.Ulric est derrière moi, sa main sur ma taille. Il ne me lâche pas. Jamais. Et moi, je n’ose pas me défaire de cette emprise. Une partie de moi voudrait crier, hurler, courir… mais l’autre… l’autre sent que je ne pourrais jamais échapper à cette cage dorée.Je m’effondre presque dans le hall, les larmes montent, brûlantes.— J’ai… je ne peux plus… murmurai-je, la voix brisée.---POV ULRIC – DANS LE HALLJe la regarde tomber à mes pieds. Elle est fragile. Minuscule face à moi. Mais chaque souffle, chaque tremblement, me fait bouillonner. Une part de moi voudrait la serrer jusqu’à ce qu’elle cesse de trembler. Une autre… la clouer contre moi pour qu’elle comprenne qu’elle n’ira nulle part.— Julianne… calme-toi. Regarde-moi. Je m’agenouille, mes
POV JULIANNE – SORTIE DU RESTAURANTLes flashs des paparazzi s’éteignent peu à peu derrière nous, mais mon cœur bat encore comme si le monde voulait m’arracher à lui. Je sens sa main autour de la mienne, serrée trop fort pour que je puisse me retirer. Chaque pas vers la voiture est une lutte contre moi-même. Je veux fuir, respirer, respirer sans que ses yeux me surveillent.— Ulric… murmurai-je, ma voix tremblante, presque un suppliant.Il ne répond pas. Son visage est fermé, impénétrable. Je sais qu’il entend tout, qu’il devine tout. Mais ce silence est pire que n’importe quel cri.Je regarde la portière, la poignée… un espoir fou, un réflexe de panique. Je dois sortir. Je dois…---POV ULRIC – TRAJET VERS LA VOITUREJe vois son regard se détourner vers la portière. Encore une idée folle. Encore une tentative de fuite. La colère me saisit, une rage froide et précise. Mes mains se crispent sur le volant, mon corps se tend.— Ne bouge pas. Pas une fois, Julianne.Ma voix est basse, gla
POV JULIANNE – SORTIE DE LA CLINIQUEL’air extérieur me paraît plus lourd que celui du cabinet. Peut-être parce que j’y porte maintenant un secret plus grand que moi… non, pas un secret. Une vie. Une existence fragile qui bat en moi. Et cet homme, à ma droite, qui marche comme si le monde entier allait nous tirer dessus d’une seconde à l’autre.Ulric ne lâche pas ma main. Sa poigne est ferme, presque brutale, mais je sais que ce n’est pas de la colère. C’est sa peur qui s’agrippe à moi.Il ouvre la portière et m’aide à monter dans la voiture. Ses gestes sont précis, protecteurs… obsessionnels. Je m’assois, le cœur encore noyé dans l’écho de ce battement entendu à l’échographie. Ce son… il m’a bouleversée. Et lui ? Lui, il était figé, mais j’ai vu ses yeux.Quand il démarre, le silence s’installe de nouveau. Mais ce n’est pas le même silence qu’avant. Il n’est pas glacé, il est brûlant. Chargé. Comme si mille mots se pressaient contre ses lèvres, mais qu’il refusait de les laisser sort
POV JULIANNE – DANS LA VOITURE Le silence me pèse plus que les nausées qui me tordent l’estomac. Le moteur ronronne, mais le bruit est étouffé par ce mur de tension entre nous. Ulric conduit comme s’il tenait le destin entre ses mains, chaque mouvement précis, chaque respiration mesurée. Ses doigts, crispés sur le volant, trahissent pourtant une tempête qu’il essaie de contenir. Je détourne les yeux, regarde par la vitre les rues qui défilent, floues, comme si le monde avait perdu ses contours. Je voudrais lui parler, lui dire que tout ira bien, que je vais bien… mais je sais qu’il n’entendrait rien. Ulric ne sait pas croire. Il ne fait que contrôler. Une goutte de sueur glisse le long de ma nuque. Je me sens vulnérable, petite dans cette voiture qui ressemble à un coffre-fort roulant. Et lui, à côté, enfermé dans son armure de rage contenue. Je sens sa peur. Elle est palpable, presque tangible. Et pourtant, il ne me regarde pas. Pas un mot. — Ça va ? sa voix grave fend enfin l
Ulric sentit un frisson le traverser alors qu’il regardait Julianne, blême et silencieuse, le visage encore marqué par la peur. Il avait passé tant de temps à la protéger, à la garder dans un cocon, à se battre pour qu’aucune ombre ne l’atteigne… mais maintenant, quelque chose en lui se fissurait. Assez… assez de cette illusion… pensa-t-il. Elle doit savoir. Elle doit voir l’homme que je suis vraiment. Il inspira profondément, laissant sa colère et sa rage couler librement dans ses veines. Chaque meurtre, chaque trahison, chaque bain de sang… c’était lui. Brutal, impitoyable, dangereux. Et Julianne avait le droit de le voir tel quel. “Écoute-moi,” dit-il, sa voix basse mais tranchante, brisant le silence pesant. “Tu crois que je peux tout contrôler. Que je peux tout faire pour te protéger… que je peux te garder à l’abri de ce que je suis. Mais c’est impossible. Je ne suis pas un homme comme les autres. Je ne le serai jamais. Et tu as le droit de voir le monstre que je suis.” Ju







