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À feu et à perte
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Penulis: Darkness

Chapitre 1 : Les Cendres et l'Acier

Penulis: Darkness
last update Terakhir Diperbarui: 2025-11-01 22:13:31

Angèle

Le ciel est de la couleur de l’ardoise, un gris lourd et impersonnel qui se moque de la solennité de ce jour. Un froid qui pénètre les os, que mon manteau noir ne peut arrêter. Je me tiens immobile, une silhouette droite et pâle au milieu du petit groupe serré contre le vent, devant la tombe fraîchement creusée.

Le cercueil de mon père est une tache trop luisante, trop neuve, au fond de ce trou de terre. Un dernier achat onéreux, un ultime crédit dont il n’aura jamais à s’acquitter. Une pensée amère qui tord mes lèvres en un rictus que j’espère passer pour de la tristesse.

Je n’ai pas pleuré. Pas à la découverte du corps, pas durant les formalités, pas durant la veillée. Les larmes sont un luxe, un débordement que ma nouvelle réalité ne permet plus. Mon père, l’homme qui m’a appris la valeur des choses, s’est volatilisé en laissant un gouffre de dettes et une seule certitude : un nom.

Néron Valesco.

Le nom résonne dans ma tête, un glas bien plus assourdissant que les paroles creuses du prêtre. Néron Valesco, l’architecte derrière « Valesco & Cie », le roi de la finance prédatrice. L’homme qui, avec un sourire de crocodile, a convaincu mon père de tout investir dans un fonds toxique. Un placement qui a dévoré l’épargne d’une vie, l’usine familiale, et finalement, la volonté de vivre de l’homme qui l’avait créée.

Alors qu’on descend le cercueil, je lève les yeux du trou pour regarder au-delà des têtes courbées. Au loin, derrière les arbres dépouillés du cimetière, la skyline de la ville se découpe, impitoyable et scintillante. Là-haut, tout en haut de la tour la plus arrogante, Néron Valesco doit siroter un cognac, indifférent au petit drame qui se joue en contrebas. Indifférent à la vie qu’il a brisée.

Une colère froide, si intense qu’elle en est presque calmante, se noue dans ma poitrine. C’est ça, mon héritage. Pas l’argent, pas la sécurité, mais cette rage blanche, pure et affûtée comme une lame.

— Je te le promets, papa, je murmure, si bas que les mots se perdent dans le vent. Il paiera.

La promesse n’est pas adressée à un dieu ou à la mémoire du défunt. C’est un contrat que je signe avec moi-même, scellé dans le sol gelé.

Deux mois plus tard. La femme en tailleur noir et chemise blanche, impeccable et impersonnelle, n’a plus rien à voir avec la fille en deuil du cimetière. Je suis devenue un projectile, poli pour une seule cible. Des semaines de préparation intensive. Maintenant, je suis dans l’antre.

Le hall principal du siège de Valesco & Cie est un temple dédié au pouvoir et à l’argent. Du marbre veiné, de l’acier brossé, des murs de verre. L’air est conditionné, silencieux, chargé de l’énergie nerveuse de ceux qui marchent vers leur destin ou leur ruine.

— Angèle Derval pour un entretien avec M. Valesco, j’annonce à la réceptionniste, d’une voix que j’ai travaillée pour qu’elle soit à la fois douce et imparable.

L’ascenseur qui me mène au dernier étage est un cube de verre qui semble défier la gravité. La ville s’éloigne sous mes pieds. Je serre les poings, sentant mes ongles s’enfoncer dans mes paumes. Respect, mais pas de soumission. Intérêt, mais pas d’avidité.

Les portes s’ouvrent dans un silence feutré. Une assistante au visage de glace me conduit à travers un couloir jusqu’à une double porte en acajou massif.

— M. Valesco vous attend.

Je pousse la porte.

Et le temps se fige.

Le bureau est immense, épuré, avec une baie vitrée qui forme un mur entier, inondant la pièce de lumière. Assis derrière un bureau qui ressemble plus à une sculpture qu’à un meuble, Néron Valesco lève les yeux vers moi.

Il est… différent. Les photos ne rendent pas compte de son magnétisme animal. La cinquantaine, cheveux poivre et sel taillés avec une précision chirurgicale. Mais ce sont ses yeux qui me transpercent. D’un gris acier, ils me déshabillent, m’évaluent et me cataloguent en une fraction de seconde. Aucune chaleur, seulement une intelligence froide et une curiosité prédateire.

— Mademoiselle Derval, dit-il. Sa voix est grave, veloutée, une caresse qui peut se muer en coup de fouet. Il ne se lève pas, ne tend pas la main. Il m’invite d’un simple geste du menton à m’asseoir dans le fauteuil en cuir face à lui.

— Monsieur Valesco, je réponds en m’exécutant, espérant que mon cœur battant la chamade n’est pas audible.

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