Maëlys
L'obscurité m'enveloppe, absolue. Le bandeau sur mes yeux est un mur infranchissable, un voile entre moi et le monde. Entre moi et lui.
Aleksandr ne parle pas. Il laisse le silence faire monter l'attente, étirer chaque seconde jusqu'à ce qu'elle devienne insoutenable.
Je retiens mon souffle.
Puis, un frôlement. À peine un effleurement sur ma peau nue.
Je tressaille.
Il ne dit rien.
Ses doigts glissent sur ma clavicule, tracent un sillage brûlant sur ma peau échauffée. Puis ils disparaissent.
Je fronce les sourcils.
Une seconde. Deux.
Rien.
Puis… un claquement. Léger. Comme un avertissement.
Mon ventre se contracte.
— Sens-tu cette attente, Maëlys ? murmure-t-il, sa voix un murmure contre mon oreille.
Je hoche la tête.
Un ricanement bas.
— Je vais t’apprendre à la savourer.
Un nouveau contact. Plus ferme cette fois. Le cuir souple d’une lanière caresse la courbe de mon sein, suit la ligne de ma hanche.
Puis il s’éloigne.
Le silence revient, pesant, électrique.
J’attends.
Une seconde. Deux.
Puis la première frappe tombe.
Un choc vif, une chaleur brutale qui éclate sur ma peau. Je halète, surprise autant par la douleur que par le plaisir trouble qu’elle déclenche en moi.
— Tu es si réceptive, murmure-t-il avec amusement.
Je ne réponds pas.
Une autre frappe.
Puis une autre.
Elles s’abattent en un rythme calculé, jamais au même endroit, dessinant un chemin invisible sur mon corps.
Je me cambre.
— Tu en veux plus, Maëlys ?
Je ne sais pas ce qu’il attend. Une réponse ? Une supplique ?
Je mords ma lèvre.
— Réponds.
Sa voix est un ordre, un commandement qui ne tolère aucun silence.
— Oui, soufflé-je.
Un claquement plus fort. Mon corps s’embrase.
— Encore ?
Mon souffle se bloque.
Je déteste ce qu’il me fait. Je déteste encore plus ce que je ressens.
— Oui, Aleksandr.
Un grondement satisfait.
Puis la punition recommence, plus intense.
Ma peau brûle, mais je ne me dérobe pas.
Il s’arrête soudain.
Je retiens un gémissement.
— Tu es magnifique comme ça, dit-il d’une voix rauque.
Il défait lentement le bandeau qui m’aveugle.
Mes paupières papillonnent sous la lumière tamisée.
Aleksandr est là, juste devant moi. Son regard est une flamme.
— Tu es à moi, Maëlys.
C’est une promesse. Une menace.
Je le sais, et pourtant…
Je suis incapable de m’enfuir.
Maëlys
Le cuir me brûle encore la peau, une chaleur sourde qui pulse sous chaque marque laissée par les lanières.
Aleksandr ne dit rien. Il me regarde. Il attend.
Je suis toujours attachée, les poignets prisonniers des sangles. Mon souffle est court, mon corps tendu entre douleur et autre chose, un vertige que je refuse de nommer.
Son doigt glisse sur une marque plus vive, caresse la peau rougie avec une lenteur insoutenable.
— C’est beau, murmure-t-il.
Je frémis. Il le sent. Son sourire s’agrandit.
Puis il détache mes poignets, sans précipitation, sans brutalité. Juste cette maîtrise froide qui le définit tout entier.
Mes bras retombent lourdement. Ils picotent sous l’afflux soudain de sang.
Je devrais le repousser. Fuir. Partir avant qu’il ne soit trop tard.
Mais je ne bouge pas.
Il attrape mon menton entre ses doigts et force mon regard à accrocher le sien.
— Tu t’es bien comportée, Maëlys.
Ma gorge se serre. Ce n’est pas une récompense. C’est une constatation.
Je baisse les yeux, mais il ne me laisse pas fuir.
— Relève la tête.
J’obéis.
Lentement, Aleksandr relâche ma mâchoire et recule de quelques pas. Il s’assoit sur le fauteuil de velours, croise les jambes avec une élégance déconcertante.
— Viens ici.
J’hésite. Juste une seconde.
Puis je m’approche.
Il tapote son genou.
— À genoux.
Mon ventre se noue.
Je pourrais dire non. L’illusion du choix flotte encore entre nous.
Mais je m’abaisse lentement, le regard rivé au sien.
L’air se charge d’électricité.
Je le vois dans ses yeux : il sait que j’ai franchi une ligne invisible.
Moi aussi.
Sa main glisse dans mes cheveux, caresse la nuque, s’attarde sur la peau échauffée.
— Tu n’as pas idée de ce que tu viens d’accepter, murmure-t-il.
Mon cœur cogne.
Mais je reste immobile.
Aleksandr sourit.
Puis il serre sa prise et tire légèrement, m’obligeant à incliner la tête en arrière.
— Dis-moi ce que tu ressens.
Il veut m’humilier. Me forcer à nommer ce que je refuse d’admettre.
Je serre les dents.
— Réponds, Maëlys.
Ses doigts se resserrent, une légère pression contre mon crâne.
Je ferme les yeux.
— De la chaleur.
— Où ?
Je déglutis.
— Partout.
Son rire est bas, rauque.
— Partout…
Ses doigts descendent, frôlent ma clavicule, effleurent la lanière fine de mon soutien-gorge.
— Et ici ?
Je hoche la tête. Impossible de mentir. Il le verrait. Il le saurait.
Aleksandr relâche son emprise, mais son regard reste ancré au mien, brûlant de cette intensité qui me cloue sur place.
— Déshabille-toi.
Deux mots.
Je ne bouge pas.
Il attend.
Le silence est une torture, plus insoutenable encore que les coups de martinet.
Il sait que je vais obéir. Il le sait depuis le début.
Alors je bouge. Lentement.
Mes doigts tremblent légèrement quand ils descendent la bretelle de ma robe.
Aleksandr ne détourne pas les yeux.
Je sens son regard sur chaque parcelle de peau qui se dévoile.
Ma robe glisse sur mes hanches, chute au sol en un bruissement léger.
Je me tiens droite devant lui, vulnérable sous la lueur tamisée.
Un silence.
Puis il se lève.
Sa main se pose sur mon épaule nue, descend le long de mon bras, traçant un chemin invisible qui me fait frissonner.
— Regarde-moi.
Je lève les yeux.
— Tu es magnifique comme ça, Maëlys.
Ses lèvres frôlent ma joue, sa main se referme sur ma hanche.
— Mais ce n’est pas encore assez.
Je frémis.
Aleksandr contourne lentement mon corps, s’arrête derrière moi.
Il effleure ma colonne vertébrale du bout des doigts, s’attarde sur la courbe de mes reins.
Puis il murmure :
— Mets-toi sur le fauteuil.
Je me tourne vers lui, hésitante.
— Allongée.
Mon cœur cogne.
Mais je ne recule pas.
Je fais ce qu’il dit.
Le velours est froid sous ma peau nue.
Aleksandr m’observe, une lueur carnassière dans le regard.
— Ne bouge pas.
Il attrape quelque chose sur la table.
Je retiens mon souffle.
Puis je vois.
Un bandeau de soie noire.
Il s’approche, le déploie lentement entre ses mains.
— Ferme les yeux.
Je m’exécute.
L’obscurité tombe.
Un frisson me traverse.
Aleksandr s’éloigne. Je ne sais plus où il est.
J’entends seulement sa voix, un murmure à mon oreille :
— Maintenant, laisse-moi te posséder.
MaëlysLe temps a perdu sa morsure.Je ne sais pas combien d’heures se sont écoulées depuis notre retour, ni même si nous avons vraiment dormi. Tout ce que je sais, c’est la chaleur de ses bras, la respiration calme qui s’élève et retombe près de mon oreille, comme une mer apaisée après la tempête.Le soleil, doux et pâle, inonde la pièce. La maison respire le calme, ce calme si rare, presque irréel. Je m’étire lentement, mon bras blessé encore engourdi par la douleur, mais un sourire naît malgré moi. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens entière. Pas seulement vivante. Entière.Aleksandr est là, couché à côté de moi, une main posée sur ma taille comme un instinct de possession et de protection mêlées. Ses yeux noirs me scrutent, encore marqués par la fatigue, mais il y a dans ce regard un éclat nouveau. Quelque chose de plus doux. De plus vrai.— Tu es encore là, dis-je, ma voix un peu rauque.— Là où je dois être, répond-il avec ce timbre grave qui me fait vibrer.Il gl
AleksandrLe fracas des armes et des cris me vrille les tempes. La nuit semble se refermer sur nous, une cage étouffante où la mort danse avec la lumière des balles. Chaque souffle est un défi, chaque pas un pari.Je me tiens droit, immobile un instant, écoutant le tumulte autour, cherchant le point faible de cette attaque sauvage.Puis je vois l’ouverture : un éclat de métal mal placé, une silhouette trop confiante. J’explose en avant, tirant, frappant, ne laissant aucune chance.MaëlysLe sang ruisselle sur ma peau, le goût métallique dans ma bouche me donne l’impression d’étouffer. La douleur lancinante de mon bras s’est muée en une brûlure constante.Je tire, encore, toujours. Le corps de l’un après l’autre s’effondre sous mes coups. La peur s’est muée en colère, la colère en une force sauvage.Je sens Aleksandr à mes côtés, un mur de protection et de feu.AleksandrUn hurlement. Un ennemi fonce droit sur moi, fou de rage et de désespoir. Je l’accueille avec un coup de crosse, pui
AleksandrJe reste figé un instant, le corps vibrant sous l’impact du coup de feu que je viens de tirer. L’écho déchirant retentit encore dans la nuit, comme un jugement sans appel. Le silence tombe, lourd, oppressant. Le prisonnier gît là, inerte, une marionnette brisée.Son regard défiant s’est éteint, remplacé par un vide glacial qui me serre le cœur. Mais il n’y a plus de place pour la pitié. Plus de place pour les doutes.J’appuie mon front contre la carrosserie de la voiture, mes mains tremblantes laissant choir l’arme. La rage, la peur, l’épuisement tout se mêle et m’écrase.Je sens encore le goût amer de ses mots, comme un poison qui coule dans mes veines : « Elle t’appartient déjà ».Maëlys. Elle.Le poids de cette vérité m’écrase. Je voulais la protéger, la garder à l’écart de ce monde où les ombres s’agrippent à la peau comme des griffes. Mais c’est trop tard.Je relève les yeux vers elle.MaëlysJe me tiens là, tremblante, un souffle rauque au bord des lèvres. La douleur d
MaëlysTout va trop vite. Les lumières défilent comme des lames de verre tranchant la nuit. Le monde n’est plus qu’un mélange d’ombres, de bruits sourds et de cette douleur brûlante dans mon bras. Elle pulse, s’étend, comme si chaque battement de mon cœur était un coup de couteau. Mes doigts tremblent sur le tableau de bord, glacés et collés de sang.Je jette un regard au rétroviseur. Deux paires de phares. De plus en plus proches. Ils nous traquent, comme des loups sur une proie blessée.— Aleksandr…Il ne répond pas. Ses mâchoires sont serrées, ses yeux d’acier rivés sur la route, comme s’il voulait la déchirer avec sa volonté. Ses mains sur le volant ne tremblent pas. Elles serrent, écrasent, jusqu’à ce que ses jointures blanchissent.Un crissement métallique déchire le silence. La voiture derrière nous percute l’arrière. Le choc me projette vers l’avant, la ceinture m’arrête brutalement. Je suffoque. Aleksandr jure entre ses dents, reprend le contrôle, le regard dur comme la pierr
MaëlysJe ne sais même pas comment mes jambes me portent jusqu’à la voiture. Tout est flou, irréel, comme si le monde avait perdu ses contours. Mon bras brûle, une douleur sourde, lancinante, qui pulse au rythme affolé de mon cœur. Je sens la chaleur poisseuse de mon sang sous mes doigts. Aleksandr me pousse presque dans le siège passager, d’une brutalité qui ne laisse aucune place à la discussion.Le moteur rugit avant même que je claque la portière. Aleksandr balance le prisonnier à l’arrière comme un sac de sable. L’homme gémit, tente de se relever, mais son regard tombe sur Aleksandr… et il s’immobilise aussitôt, comme pétrifié par une force invisible. Je sens cette force, moi aussi. Cette rage glaciale qui émane de lui et qui remplit tout l’habitacle.— Aleksandr… mon bras…Il m’adresse un bref coup d’œil, mais ses mains serrent le volant comme si elles voulaient l’arracher du tableau de bord.— Tiens.Il me tend un morceau de tissu une chemise ou un vieux chiffon, je ne sais pas
MaëlysJe cours.Je n’ai pas le temps de réfléchir, ni même de sentir mes jambes. Aleksandr me tire presque par le poignet, ses doigts d’acier ne laissant aucune échappatoire. Chaque seconde, chaque battement de mon cœur est un coup de tambour sourd qui résonne dans ma poitrine. Le bruit de nos pas se mêle au claquement du vent sur les tôles rouillées du hangar. Et derrière nous, il y a ces voix. Des voix qui ne ressemblent pas à des hommes, mais à des prédateurs. Des ordres secs, lancés comme des coups de couteau dans une langue que je ne comprends pas.Je serre l’arme contre moi, glaciale, étrangère. Mon souffle se heurte à mes lèvres comme un nuage brûlant. L’adrénaline a un goût métallique, comme si du sang me collait à la gorge. Chaque craquement dans la nuit me donne envie de hurler.Aleksandr s’arrête net, me plaque contre le mur du hangar, son corps tendu comme un arc.— Pas un bruit.Je hoche la tête, même si je ne sais plus si je suis capable de respirer sans faire de bruit.