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Chapitre 6 : Comment 2

ผู้เขียน: Darkness
last update ปรับปรุงล่าสุด: 2025-12-03 23:17:41

Camille

Mais elle n’est pas un « objet ». C’est ça le problème. Elle est un sujet. Une force. Un champ magnétique. Désirer Eléna, ce ne serait pas désirer un corps de femme. Ce serait désirer un orage. Se jeter dans un incendie. C’est le contraire du désir rassurant que je connais. C’est un désir qui promet de tout consumer, de tout réduire en cendres, y compris cette idée si stable que j’avais de moi-même : Camille, la violoniste, la compagne de Léo. Une femme droite.

Léo grogne mon nom, son souffle est court, brûlant contre mon oreille. Il est proche. Son corps est tendu, tout entier concentré sur cette fusion, sur cette reconquête. Il veut que je sois avec lui, pleinement, comme avant. Il le mérite. Il a tout construit pour nous.

Je me mets à bouger sous lui, à répondre à ses mouvements. Je fais semblant d’être emportée. Je laisse échapper des sons, des mots rauques. Je joue la partition. Je suis une musicienne, après tout. Je sais jouer ce qu’on attend de moi.

Suis-je en train de jouer l’amour avec l’homme que j’aime ?

L’horreur de cette pensée me transperce plus profondément que n’importe quel plaisir physique. Les larmes me montent aux yeux. Je les retiens. Je les transforme en un gémissement plus fort, plus aigu. Léo y voit l’apogée. Il s’abandonne enfin, un long frisson le parcourant, son poids s’écroulant sur moi, chaud, moite, familier.

Il reste là un moment, le visage enfoui dans mon cou. Son cœur bat contre le mien, un galop furieux qui se calme peu à peu. Il murmure quelque chose que je n’entends pas. Un mot doux, un « je t’aime » sans doute.

Le silence qui suit est épais, peuplé de fantômes.

Il se retire finalement, m’embrasse rapidement sur l’épaule, et se dirige vers la salle de bain. J’entends l’eau couler.

Je reste allongée sur le dos, les yeux grands ouverts dans l’obscurité. Mon corps est moite, marqué par le sien. L’odeur de notre amour flotte dans l’air. Un amour réel. Concret. Qui a construit ces murs autour de nous.

Mais à l’intérieur de moi, c’est le chaos.

Ce n’est pas de la culpabilité. C’est plus profond. C’est une révélation de l’être. Comme si, pendant toutes ces années, je n’avais écouté qu’une seule note, belle et pure, en croyant que c’était toute la musique. Et soudain, quelqu’un a fait résonner un accord étranger, dissonant, qui fait trembler mes fondations et me montre l’existence d’une harmonie que je ne soupçonnais pas. Une harmonie sauvage, interdite.

Je ne suis pas lesbienne. La pensée revient, mais elle sonne faux, maintenant. Comme un mensonge. Comme si j’essayais de me rassurer avec des étiquettes qui n’ont plus de sens.

Peut-être que « lesbienne » n’est pas le mot. Peut-être que le mot, c’est juste « Eléna ». Un désir qui ne concerne qu’une personne. Une exception cataclysmique à toutes les règles de ma vie.

La porte de la salle de bain s’ouvre. Un rai de lumière tranche l’obscurité. Léo revient, se glisse dans le lit. Il me prend dans ses bras, me colle contre lui, dans la cuillère parfaite que nos corps forment depuis toujours. Son souffle devient régulier, profond. Il s’endort, apaisé, convaincu d’avoir scellé la brèche, d’avoir réaffirmé notre monde.

Moi, je reste éveillée.

Je regarde, à travers la fenêtre, les lumières de la ville. Quelque part, de l’autre côté de Paris, dans un atelier en désordre, il y a une femme qui dort peut-être, ou qui peint dans la nuit. Une femme qui a vu la fêlure en moi. Et qui, au lieu de vouloir la colmater, a semblé vouloir y glisser les doigts pour l’élargir.

Et le pire, le plus terrifiant, le plus inavouable…

C’est que dans le noir, tandis que l’homme que j’aime dort paisiblement contre moi, tout mon être, mon corps encore frémissant, mon esprit en émoi, mon âme bouleversée…

… tout en moi désire cette déchirure.

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